Chômage et précarité : un impossible bilan
La crise sanitaire déjoue la lecture des indicateurs habituels de précarité de l’emploi et du chômage. Comment approcher les effets inégalitaires de la pandémie en matière d’emploi ?
Publié le 2 juin 2021
https://www.inegalites.fr/Chomage-et-precarite-un-impossible-bilan - Reproduction interditePour être comptabilisé comme chômeur dans les enquêtes de l’Insee, il faut effectuer des démarches de recherche d’emploi. Or, les périodes de confinement rendent ces démarches particulièrement complexes, voire impossibles. Les personnes sans emploi qui ne remplissent pas cette condition ne figurent donc plus dans les statistiques du chômage de l’Insee. L’évolution du nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi, une autre manière de comptabiliser les chômeurs, ne peut pas non plus être tenue pour exhaustive. Tous ceux qui savent qu’ils n’ont aucune indemnisation à recevoir – en particulier les jeunes qui arrivent sur le marché du travail – ne trouvent pas d’intérêt à s’inscrire, ils ne sont donc pas comptabilisés non plus.
À la fin 2020, Pôle emploi enregistrait une hausse de 8 % du chômage en un an, soit 270 000 demandeurs d’emploi supplémentaires. La hausse a été plus forte pour les hommes (+ 160 000) que pour les femmes (+ 106 000), et à peu près du même niveau chez les jeunes (+ 8,8 % pour les moins de 25 ans) qu’en moyenne. Ces données ne mesurent que l’effet officiel des pertes d’emploi pour les salariés. Non seulement elles n’incluent pas ceux qui sont découragés de rechercher du travail, mais elles ne prennent pas en compte non plus les indépendants dont l’activité s’est arrêtée, ni les « petits boulots » non déclarés : n’ayant pas droit à des indemnités, ils ne s’inscrivent pas à Pôle emploi. De même, la génération de jeunes fraîchement diplômés, qui trouve des conditions d’embauche particulièrement difficiles, ne figure pas dans ces chiffres, alors que le déclassement qu’elle subit est violent. Devoir accepter un salaire bien moins élevé qu’attendu ou mettre une croix sur une filière – plus ou moins provisoirement – dans laquelle on s’imaginait un avenir, même si on ne se situe pas parmi les plus démunis, est rarement bien vécu.
Les statistiques du chômage arrêtées au 31 décembre 2020 ne constituent pas un bilan. Plus la crise dure, plus la suspension temporaire de certaines activités risque de se traduire à l’avenir par des restructurations sectorielles profondes. Nul ne sait dire quel sera le prix du choc économique en termes de faillites d’entreprises et de licenciements.
Il est tout aussi complexe de mesurer l’impact sur la précarité du travail : la part des travailleurs en contrat à durée déterminée (CDD) ou en intérim diminue en général au début des crises parce que les contrats courts s’arrêtent en premier. On sait tout de même que 400 000 personnes, dont 165 000 âgées de moins de 30 ans, ont touché une prime de l’État parce qu’elles étaient précaires en 2019 mais n’avaient pas réussi en 2020 à retravailler suffisamment pour toucher une indemnité chômage.
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Rapport sur les inégalités en France, édition 2021, sous la direction d’Anne Brunner et Louis Maurin, Observatoire des inégalités, juin 2021.
176 pages.
ISBN 978-2-9553059-9-7
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