Analyse

Pourquoi la pauvreté n’a, finalement, pas augmenté en 2020

L’Insee publie des données sur les revenus et la pauvreté pour l’année 2020 qui indiquent que la pauvreté a diminué en pleine crise sanitaire. Mais l’institut ne valide pas ses propres chiffres. Un véritable imbroglio statistique. Les explications de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

Publié le 14 octobre 2022

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Revenus Pauvreté

En 2020, en pleine crise sanitaire, un certain nombre de commentateurs ont annoncé une « explosion » de la pauvreté. Certains ont même avancé le chiffre d’un million de pauvres supplémentaires. Résultat des courses, les données 2020 affichent une baisse de 400 000 personnes, vivant sous le seuil de pauvreté situé à 50 % du niveau de vie médian.

Comment expliquer ce qui semble une anomalie ? Premièrement, les enquêtes ont été perturbées par la crise : l’Insee d’ailleurs publie les chiffres, mais ne les « valide » pas. Pratique pour le moins étonnante. Selon une autre enquête sur les revenus, utilisée au niveau européen, la pauvreté aurait légèrement augmenté en France. En fin de compte, « les enquêtes s’accordent sur le fait que la pauvreté n’a pas augmenté en 2020 en dépit de l’ampleur de la crise », estime l’Insee [1].

Si la pauvreté n’a pas augmenté, c’est qu’il existe une deuxième raison : un « pognon de dingue » [2] a été dépensé pour soutenir le niveau de vie des ménages touchés par la crise sanitaire. La prise en charge de l’activité partielle a évité une augmentation massive du chômage. De plus, une aide exceptionnelle de solidarité aux plus modestes (520 euros sur l’année en moyenne) a fait baisser le taux de pauvreté de 0,5 point par rapport à ce qu’il aurait été sans cela. La collectivité a fait œuvre de solidarité et a protégé les plus faibles du choc.

Enfin, il y a une troisième raison qui n’est pas citée par l’Insee et qui est souvent oubliée. Entre 2017 et 2020, l’allocation adultes handicapés et le minimum vieillesse ont été nettement augmentés : + 80 euros par mois pour la première allocation et + 100 euros pour la seconde. Ce qui a permis à une partie de la population de sortir de la pauvreté. Ces deux allocations, de l’ordre de 900 euros, qui peuvent être complétées par une allocation logement, sont très proches du seuil de pauvreté à 50 %.

Cette situation montre deux choses. D’un, la dramatisation est un procédé risqué. On se souvient des commentaires alarmistes de 2020. Que se passera-t-il la prochaine fois que les mêmes prendront la parole ? On risque de ne pas les croire. Covid ou pas covid, cinq millions de pauvres suffisent pour alerter sur la gravité de la situation sociale en France. De deux, la solidarité demeure profondément ancrée dans les valeurs des Français et c’est ce qui a permis ces mesures de soutien. Assister les plus pauvres, c’est une bonne chose, et d’ailleurs les Français y sont dans leur immense majorité favorables : seuls 10 % estiment qu’on en fait trop pour les plus démunis, selon le baromètre du ministère des Solidarités.

Louis Maurin

Photo / @ iStock


[1« En 2020, une mesure de la pauvreté compliquée par la crise sanitaire », Insee Analyses n° 77, Insee, octobre 2022.

[2Pour reprendre les termes utilisés par le président de la République dans une vidéo de juillet 2018 pour dénigrer l’efficacité des minima sociaux.

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Date de première rédaction le 14 octobre 2022.
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