Mal-emploi : près de huit millions de personnes fragilisées
Chômeurs, travailleurs précaires et découragés du travail : en France, près de huit millions de personnes, soit un quart du total des actifs, sont fragilisées face à l’emploi.
8 juillet 2021
https://www.inegalites.fr/Mal-emploi - Reproduction interditeLa France comptait 2,4 millions de chômeurs [1] en 2020 selon les données de l’Insee, soit 8 % de la population active [2]. À lui seul, ce chiffre reflète mal l’état du marché du travail. Selon nos calculs, on peut estimer le nombre de personnes en situation de ce que nous appelons le « mal-emploi » à 7,6 millions au total. Ce chiffre comprend les chômeurs, mais aussi les salariés précaires et les personnes qui souhaitent travailler mais qui ne sont pas comptées comme chômeuses par l’Insee.
En plus des chômeurs, la France compte 3,3 millions de travailleurs précaires : principalement des personnes en intérim ou en contrat à durée déterminée, dans le secteur privé ou public. On recense aussi 1,9 million de personnes découragées qui ne recherchent plus activement un travail tant la situation du marché de l’emploi est dégradée. Elles ne sont donc plus comptées parmi les chômeurs, mais considérées comme « inactives ». Quand l’Insee les interroge, elles répondent pourtant qu’elles souhaiteraient travailler : l’institut parle alors de « halo du chômage ». On trouve notamment parmi elles des mères de famille monoparentale qui n’ont aucun mode de garde pour leurs enfants, des adultes très peu qualifiés qui baissent les bras devant le type d’emploi et les rémunérations qu’on leur propose. S’ajoutent en 2020 les personnes qui souhaitaient travailler dans des secteurs fortement ralentis ou mis à l’arrêt par la situation sanitaire où il n’était guère possible de candidater. En additionnant les chômeurs, les travailleurs précaires et les inactifs qui voudraient travailler, on aboutit à un total de près de 7,6 millions de personnes en situation de mal-emploi, soit un quart du total des actifs.
Cette photographie du mal-emploi en 2020 sous-estime l’ampleur du phénomène. Plus encore que les années précédentes, avec la crise économique en cours, une partie des personnes enquêtées n’osent même plus déclarer à l’Insee qu’elles voudraient travailler tant elles sont marginalisées ou découragées. On ne compte pas non plus les personnes dites « en activité partielle », qui étaient encore plus de deux millions fin 2020. Certaines ont retrouvé leur emploi avec la réouverture des restaurants ou des salles de spectacle par exemple, mais une partie d’entre elles n’a pas travaillé depuis de longs mois. Il faudrait aussi ajouter les salariés en temps partiel subi – environ 1,2 million de personnes, des femmes dans la grande majorité des cas – que nous n’avons pas ajoutés pour éviter les doubles comptes (on peut être à la fois en temps partiel contraint et en contrat précaire). Enfin, nous ne comptons pas ceux qui travaillent « à leur compte », sans contrat durable. Une partie de ces non-salariés, en particulier les moins qualifiés, vivotent dans la plus grande précarité en enchaînant les heures de travail pour de très faibles rémunérations.
Il est encore trop tôt pour mesurer les effets de la crise due à la pandémie dans ce domaine. Dans un premier temps, la baisse de l’activité économique a pour effet paradoxal de faire diminuer le nombre de travailleurs précaires, du fait de la suppression de postes en intérim et de l’arrêt des contrats courts. Le nombre de chômeurs décomptés par l’Insee a même baissé en 2020, tant la définition du chômage est stricte. En incluant le halo du chômage, notre décompte du mal-emploi va au-delà de la seule mesure du chômage et donne un aperçu plus significatif de la situation. Pour autant, ces chiffres restent encore très provisoires et incomplets. Il faudra attendre encore plusieurs mois pour connaitre le véritable impact de la crise.
L'état du mal-emploi en France | ||
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Milliers | % | |
Mal-emploi | 7 611 | 24,3 |
- Dont salariés précaires | 3 334 | 10,7 |
- Dont chômeurs | 2 350 | 7,5 |
- Dont inactifs souhaitant travailler | 1 927 | 6,2 |
Actifs et inactifs souhaitant travailler | 31 273 | 100 |
Source : calculs de l'Observatoire des inégalités d'après Insee – Données 2020 – © Observatoire des inégalités
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