Les milieux sociaux sont inégaux face à la pollution au travail
L’environnement de travail des ouvriers n’a rien à voir avec celui des personnes qui travaillent dans les bureaux. Produits dangereux, fumées, poussières ou bruit : l’exposition aux nuisances est sans comparaison entre les milieux socioprofessionnels et les secteurs d’activité.
Publié le 23 octobre 2020
https://www.inegalites.fr/pollution-travail - Reproduction interditeEn 2016, près d’un salarié sur trois subit des nuisances liées à son environnement de travail telles que respirer des poussières ou des fumées. Plus de deux tiers des ouvriers exercent leur métier dans ce type d’environnement, contre à peine un cadre supérieur sur dix. Par ailleurs, la moitié des ouvriers sont au contact de produits dangereux, contre 13,3 % des cadres. Les employés administratifs sont rarement concernés par ces nuisances (5,3 %).
C’est sans doute dans le travail que les inégalités environnementales sont les plus grandes. Le bruit, les poussières et les produits dangereux marquent les corps comme la pénibilité physique. Ils entraînent une fatigue, des maladies et des handicaps qui réduisent la qualité de vie de ceux qui y sont le plus confrontés. L’écart est très grand dans ce domaine entre l’univers des bureaux et l’univers du travail dans un environnement hostile.
Nuisances liées à l'environnement du travail selon la catégorie socioprofessionnelle Unité : % | |||
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2005 | 2013 | 2016 | |
Respirer des fumées ou des poussières | |||
Cadres | 12,7 | 11,0 | 9,1 |
Professions intermédiaires | 23,1 | 23,0 | 22,4 |
Employés administratifs | 16,6 | 14,2 | 12,7 |
Employés de commerce et services | 27,1 | 24,8 | 26,3 |
Ouvriers qualifiés | 65,8 | 66,4 | 65,6 |
Ouvriers non qualifiés | 61,2 | 65,9 | 67,1 |
Ensemble | 32,4 | 29,2 | 30,1 |
Être en contact avec des produits dangereux | |||
Cadres | 12,4 | 13,5 | 13,3 |
Professions intermédiaires | 25,5 | 27,5 | 27,0 |
Employés administratifs | 6,8 | 4,8 | 5,3 |
Employés de commerce et services | 30,4 | 30,8 | 31,8 |
Ouvriers qualifiés | 49,9 | 52,1 | 48,6 |
Ouvriers non qualifiés | 45,0 | 50,4 | 53,6 |
Ensemble | 28,2 | 30,7 | 28,9 |
Source : enquête Sumer, ministère du Travail – © Observatoire des inégalités
Pollution au travail : les hommes bien plus souvent concernés |
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En 2016, deux fois plus d’hommes que de femmes déclarent respirer des fumées ou des poussières sur leur lieu de travail, selon le ministère du Travail. De la même manière, près de deux fois plus d’hommes travaillent au contact de produits dangereux. Cet écart est particulièrement marqué au sein des professions intermédiaires : 34 % des hommes travaillent dans la fumée ou la poussière contre 10 % des femmes ; 37 % des hommes sont au contact de produits dangereux contre 18 % des femmes. À noter, les employées (22 %) sont presque autant concernées que leurs homologues masculins (29 %) par le contact avec des produits dangereux. Une exposition qui peut s’expliquer par la présence massive des femmes dans les secteurs de la santé et des services à la personne. Enfin, plus de la moitié des ouvriers sont confrontés à ce risque contre 43 % des ouvrières. |
Qui travaille dans le bruit ?
L’environnement du travail, c’est aussi le bruit. Cette exposition a un impact à long terme sur l’audition des personnes, mais aussi sur leur santé en général.
Si 16 % de l’ensemble des salariés sont concernés, près d’un tiers des ouvriers (qualifiés ou non) affirment subir des nuisances sonores au travail, c’est-à-dire entendre une personne placée à deux ou trois mètres seulement à la condition qu’elle élève la voix, contre 6 % des cadres supérieurs, soit cinq fois plus. Un peu plus d’un employé sur dix subit des nuisances sonores sur son lieu de travail, certes un peu moins que les professions intermédiaires (14 %). Mais cet environnement hostile a le plus augmenté entre 2005 et 2016 chez les employés : + 2,8 points.
Source : enquêtes Conditions de travail, ministère du Travail - © Observatoire des inégalités
Qui est exposé aux produits cancérogènes ?
Un salarié du secteur privé sur dix est exposé à des produits chimiques cancérogènes sur son lieu de travail, comme par exemple le benzène, la silice ou des fibres d’amiante, selon l’enquête 2017 du ministère du Travail [1]. Un tel environnement concerne au total 1,8 million de travailleurs. Les ouvriers qualifiés sont trois fois plus soumis à ces produits que la moyenne des salariés, et seize fois plus que les cadres supérieurs. Ces produits chimiques provoquent des cancers ou en augmentent le risque, s’ils sont inhalés, ingérés ou s’ils pénètrent dans la peau. Le secteur de la construction est le plus concerné : 30 % des salariés (en majorité des hommes) qui y travaillent sont exposés à de telles substances nocives, contre 7 % de ceux qui sont employés dans le tertiaire, les moins touchés par ce risque sanitaire.
Entre 2003 et 2017, la part des salariés exposés à au moins un produit chimique cancérogène a diminué de 13,8 % à 9,7 %. Cette amélioration notable est en partie due aux changements de procédés de production, au remplacement de produits cancérogènes par des produits moins dangereux, et s’explique aussi plus généralement par le déclin de l’emploi industriel.
La baisse a eu lieu exclusivement entre 2003 et 2010. Entre les deux enquêtes de 2010 et 2017, le niveau d’exposition a stagné autour de 10 %. Les ouvriers qualifiés et les employés de commerce et de services sont même davantage soumis aujourd’hui qu’en 2010 à au moins un produit chimique cancérogène sur leur lieu de travail. Le secteur de la construction a également connu une hausse importante (+ 6 points) de cette exposition entre 2010 et 2017.
Source : enquêtes Sumer, ministère du Travail - © Observatoire des inégalités
Photo / © Smedeverac
[1] « Comment ont évolué les expositions des salariés du secteur privé aux risques professionnels sur les vingt dernières années ? », Dares analyses n° 041, ministère du Travail, septembre 2019.
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