Les 10 % les plus riches du quartier du Gros Caillou dans le 7e arrondissement de Paris gagnent plus de 17 000 euros par mois. Ils arrivent en tête de notre classement des quartiers où vivent les plus riches, qui passe par Neuilly-sur-Seine, mais aussi par Mulhouse et Marseille.
Observer les niveaux de vie par commune [1] « moyennise » les territoires les plus peuplés et ne permet pas de comprendre finement où vivent les riches. Nous avons donc analysé les données détaillées au niveau des quartiers. Pour cela, le seul instrument dont nous disposons est le niveau de revenu qu’il faut atteindre, dans un quartier donné, pour figurer parmi les 10 % les plus riches [2] .
Le quartier dit « Gros caillou 6 » [3] – le nom ne s’invente pas – dans le 7e arrondissement de Paris (entre les Invalides et la tour Eiffel) se situe au sommet du sommet du niveau de vie des riches. Le seuil d’entrée parmi les 10 % les plus aisés, après impôts et prestations sociales et pour une personne seule, y est de 210 140 euros par an (un peu plus de 17 500 euros par mois). À l’autre extrémité de l’échelle, dans le secteur dit « Jean Perrin » de Nîmes, il « suffit » de 15 000 euros par an pour entrer dans les 10 % les plus riches. Dans ce quartier, la part de la population qui vit sous le seuil de pauvreté frôle les 80 %.
La France de la grande richesse a bien été décrite, il y a une trentaine d’années, par les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot [4]. Ils ont montré à la fois l’homogénéité des niveaux de vie qui y règne mais aussi les distances sociales qui peuvent exister entre riches eux-mêmes, nouveaux ou anciens. Les sociologues ont plus tard analysé la façon dont ces catégories sociales s’organisaient pour défendre des territoires [5] hors du commun et inaccessibles. Paris et sa région arrivant très loin devant en matière de revenus, nous avons choisi d’établir trois classements différents selon que les quartiers où vivent les riches se trouvent à Paris, en Île-de-France ou en province. Nous avons ainsi établi le top 20 des quartiers aisés pour chacun de ces territoires.
Parmi les vingt premiers quartiers parisiens où résident les Français les plus riches, onze sont situés dans le 7e arrondissement. Les revenus des 10 % les plus riches sont au moins de 139 500 euros par an dans le quartier « Saint-Thomas d’Aquin 4 » et atteignent plus de 210 000 euros dans celui de « Gros Caillou 6 ». Ce dernier quartier est suivi par « Muette 7 » dans le 16e arrondissement, avec des revenus minimums de 186 600 euros pour les plus aisés.
Ces quartiers constituent le cœur de la richesse économique de notre pays. C’est ici que vivent ceux qui gagnent le plus et qui prennent les décisions économiques et politiques du pays. En matière de logements, les prix astronomiques du mètre carré empêchent toute population ne figurant pas au sommet des revenus de s’y établir. Il y règne un entre-soi très net. Le contraste est énorme avec les autres arrondissements parisiens : il suffit de faire quelques kilomètres vers le nord-est de Paris pour entrer dans des quartiers où 40 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté [6].
Les quartiers de Paris où vivent les plus riches | |||
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Quartier | Commune | Niveau de vie annuel minimum des 10 % les plus riches en euros | |
Gros Caillou 6 | Paris 7e arrondissement | 210 144 | |
Muette 7 | Paris 16e arrondissement | 186 594 | |
Gros Caillou 11 | Paris 7e arrondissement | 177 840 | |
Invalides 1 | Paris 7e arrondissement | 170 560 | |
Muette 10 | Paris 16e arrondissement | 170 200 | |
Europe 10 | Paris 8e arrondissement | 169 339 | |
Invalides 2 | Paris 7e arrondissement | 168 701 | |
Odéon 1 | Paris 6e arrondissement | 167 860 | |
Gros Caillou 7 | Paris 7e arrondissement | 165 823 | |
Muette 8 | Paris 16e arrondissement | 162 421 | |
École Militaire 5 | Paris 7e arrondissement | 158 767 | |
Europe 3 | Paris 8e arrondissement | 157 648 | |
Saint Thomas d´Aquin 1 | Paris 7e arrondissement | 151 507 | |
Saint Thomas d´Aquin 5 | Paris 7e arrondissement | 150 499 | |
Muette 5 | Paris 16e arrondissement | 146 991 | |
Saint Thomas d´Aquin 3 | Paris 7e arrondissement | 146 570 | |
Saint Thomas d´Aquin 6 | Paris 7e arrondissement | 145 768 | |
Plaine Monceau 3 | Paris 17e arrondissement | 144 805 | |
Muette 17 | Paris 16e arrondissement | 143 093 | |
Saint Thomas d´Aquin 4 | Paris 7e arrondissement | 139 471 |
En Île-de-France (hors Paris), les habitants aux revenus les plus élevés se concentrent dans le département des Hauts-de-Seine, et presque uniquement à Neuilly-sur-Seine, qualifiée de « 21e arrondissement de Paris » par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. Dix-sept quartiers de cette ville figurent parmi notre classement des vingt quartiers de la région parisienne où vivent les plus aisés. Les plus riches d’entre eux vivent dans le quartier « Saint-James » (avec au minimum 157 300 euros par an, soit 13 100 euros par mois), soit un niveau de vie 1,5 fois plus élevé que dans un autre quartier de la ville, « Plaine des Sablons 3 », où les plus riches bénéficient pourtant d’au moins 8 900 euros par mois. Il y a aussi des inégalités entre super-riches.
Deux quartiers de Boulogne-Billancourt et un de Rueil-Malmaison, toujours dans les Hauts-de-Seine, figurent aussi dans notre classement. Les plus riches y gagnent au minimum entre 106 000 et 125 000 euros par an, soit environ près de 42 000 euros de moins que dans le quartier le plus riche de Neuilly-sur-Seine. L’aspect de ces quartiers est parfois assez différent des quartiers bourgeois parisiens. On entre dans des banlieues cossues, faites d’immeubles résidentiels assortis de parcs et de villas. Des surfaces encore plus grandes que celles qui existent dans Paris. Mais ces quartiers demeurent suffisamment proches de la capitale pour que les actifs puissent aller y travailler.
Les quartiers d’Île-de-France où vivent les plus riches (hors Paris) Unité : euros | |||
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Quartier | Commune | Niveau de vie annuel minimum des 10 % les plus riches en euros | |
Saint-James | Neuilly-sur-Seine (92) | 157 313 | |
Parc de Neuilly 3 | Neuilly-sur-Seine (92) | 150 497 | |
Saint-James Madrid 3 | Neuilly-sur-Seine (92) | 130 389 | |
Charles Laffitte 2 | Neuilly-sur-Seine (92) | 128 630 | |
Charles Laffitte 1 | Neuilly-sur-Seine (92) | 127 665 | |
Pincé Vins | Rueil-Malmaison (92) | 124 952 | |
X 3 | Boulogne-Billancourt (92) | 124 166 | |
Parc de Neuilly 10 | Neuilly-sur-Seine (92) | 122 540 | |
Parc de Neuilly 7 | Neuilly-sur-Seine (92) | 122 107 | |
Parc de Neuilly 9 | Neuilly-sur-Seine (92) | 122 028 | |
Plaine des Sablons 7 | Neuilly-sur-Seine (92) | 121 127 | |
Parc de Neuilly 8 | Neuilly-sur-Seine (92) | 117 193 | |
Plaine des Sablons 5 | Neuilly-sur-Seine (92) | 115 423 | |
Parc de Neuilly 4 | Neuilly-sur-Seine (92) | 112 869 | |
Parc de Neuilly 11 | Neuilly-sur-Seine (92) | 109 791 | |
Saint-James Madrid 1 | Neuilly-sur-Seine (92) | 109 670 | |
Parc de Neuilly 6 | Neuilly-sur-Seine (92) | 109 438 | |
Plaine des Sablons 2 | Neuilly-sur-Seine (92) | 107 121 | |
Plaine des Sablons 3 | Neuilly-sur-Seine (92) | 106 853 | |
X 4 | Boulogne-Billancourt (92) | 105 813 |
Dès que l’on observe la province, les résultats sont plus diversifiés. Avec 10 % de ses habitants situés au-dessus de 105 000 euros de revenus annuels (8 750 euros par mois), le quartier provincial le plus riche est celui de « Rebberg Sud Est » à Mulhouse (Haut-Rhin). Un niveau de richesse proche de celui de « Plaine des Sablons 3 » à Neuilly-sur-Seine, mais toutefois bien en dessous du quartier parisien (« Gros Caillou 6 » dans le 7e), où les 10 % les plus aisés sont les plus riches de France.
Un quartier de la ville de Croix (Nord-Pas-de-Calais) dans la banlieue de Lille, « Beaumont 1 », arrive en deuxième position de notre classement des 20 quartiers de province où les riches sont les plus riches, avec des revenus minimums de 99 000 euros par an. Un quartier d’Annecy (« Mont-Veyrier »), en Haute-Savoie, se classe en troisième position, avec à peu près le même niveau de ressources pour les 10 % les plus riches. Le quartier de Strasbourg « Orangerie Ouest » ferme la marche de notre classement, avec des habitants aisés qui bénéficient d’au moins 6 700 euros par mois.
Quatre quartiers de Marseille (situés dans le 7e et le 8e arrondissements), ainsi que trois de Lyon (dans les 2e et 6e arrondissements), figurent aussi dans notre top 20. Les 10 % les plus aisés y touchent au minimum entre 82 000 et 95 000 euros par an. Ces quartiers sont parfois très proches de quartiers où règne la plus grande pauvreté. Le 7e arrondissement de Marseille, c’est celui de Notre-Dame-de-la-Garde, au sud du Vieux-Port. Il se situe à quelques centaines de mètres des quartiers les plus pauvres de France dont les immeubles, non entretenus depuis des décennies, s’écroulent. Mais son quartier « Estrangin » fait partie de notre classement. La bourgeoisie économique de province est globalement moins riche que celle de Paris et de sa proche région, mais elle sait aussi se mettre à l’abri dans ses espaces réservés.
Les quartiers de province où vivent les plus riches | |||
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Quartier | Commune | Niveau de vie annuel minimum des 10 % les plus riches en euros | |
Rebberg Sud Est | Mulhouse (68) | 104 895 | |
Beaumont 1 | Croix (59) | 99 219 | |
Mont-Veyrier | Annecy (74) | 98 318 | |
Estrangin | Marseille 7e arrondissement (13) | 94 592 | |
Cadenelle | Marseille 8e arrondissement (13) | 94 561 | |
Orangerie Est | Strasbourg (67) | 92 740 | |
Roches-Prophète | Marseille 7e arrondissement (13) | 92 325 | |
Les Belges | Lyon 6e arrondissement (69) | 91 932 | |
Brigode | Villeneuve d“Ascq (59) | 88 328 | |
Nord | Saint-Julien-en-Genevois (74) | 86 410 | |
Saint-André-Les Bulins | Mont-Saint-Aignan (76) | 85 778 | |
Contades Centre | Strasbourg (67) | 83 219 | |
Bellecour-A Gourjus | Lyon 2e arrondissement (69) | 82 804 | |
Croix Baragnon | Toulouse (31) | 82 246 | |
Rebberg Nord | Mulhouse (68) | 81 853 | |
Croisé Laroche | Marcq-en-Barœul (59) | 81 683 | |
La Plage | Marseille 8e arrondissement (13) | 81 626 | |
Sud Ouest | Colmar (68) | 81 330 | |
Puvis de Chavannes | Lyon 6e arrondissement (69) | 80 649 | |
Orangerie Ouest | Strasbourg (67) | 80 581 |
Photo / CC BY-SA Celette
[1] Comme nous le faisons dans notre article « Où vivent les riches les plus riches ? », décembre 2020.
[2] Il aurait été intéressant de mesurer la part et le nombre de personnes se situant au-dessus de notre seuil de richesse, soit le double du niveau de vie médian (3 470 euros en 2017), mais les données de l’Insee ne le permettent pas.
[3] Nous avons repris la dénomination des quartiers selon l’appellation de l’Insee. Il s’agit d’ensembles d’environ 2 000 habitants, appelés les « îlots regroupés pour l’information statistique (Iris) ».
[4] Dans les beaux quartiers, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Seuil, 1989.
[5] Les ghettos du gotha, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Seuil, 2007.
[6] Au seuil de pauvreté fixé à 60 % du revenu médian.