Air irrespirable : les pays pauvres sont les plus pollués
Les populations des régions les plus pauvres du monde sont plus exposées aux particules fines que les habitants d’Europe et d’Amérique du Nord. Dans les métropoles des pays émergents, l’air est souvent irrespirable et dangereux pour la santé. Une analyse de Laura Neichel, de l’Observatoire des inégalités.
Publié le 30 octobre 2025
https://www.inegalites.fr/pollution-air-monde - Reproduction interditeLa pollution de l’air aux particules fines [1] est très inégale selon les régions du monde. En Afrique de l’Ouest et centrale, l’air est sept fois plus pollué qu’en Amérique du Nord. Or, une concentration élevée de ces poussières en suspension dans l’air cause des maladies respiratoires, des troubles cardiovasculaires et des décès prématurés. Respirer un air sain est devenu un privilège réservé aux régions les plus riches.
En Amérique du Nord, un mètre cube d’air contient en moyenne huit microgrammes de poussières dangereuses, selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’année 2020. C’est la seule zone géographique à afficher un taux moyen conforme aux recommandations de l’institution internationale (dix microgrammes par mètre cube d’air maximum). L’Europe et la région de l’Amérique latine et des Caraïbes se situent à des niveaux de concentrations légèrement supérieurs, respectivement douze et seize microgrammes de particules fines par mètre cube en moyenne annuelle.
De l’autre côté du spectre, l’Asie du Sud (notamment avec l’Inde), l’Afrique et le Moyen-Orient sont les zones du monde où la pollution de l’air atteint les niveaux les plus alarmants. En Afrique de l’Ouest et centrale, elle culmine à 55 microgrammes par mètre cube.
| Pollution de l’air selon la région du monde Unité : microgrammes par mètre cube d’air | |
|---|---|
| Concentration de particules fines | |
| Amérique du Nord | 8 |
| Europe et Asie centrale | 14 |
| - Dont Union européenne | 12 |
| Amérique latine et Caraïbes | 16 |
| Asie de l’Est et du Pacifique | 29 |
| Moyen-Orient et Afrique du Nord | 38 |
| Afrique subsaharienne | 38 |
| - Dont Afrique de l’Est et du Sud | 27 |
| - Dont Afrique de l’Ouest et centrale | 55 |
| Asie du Sud | 47 |
| Monde | 31 |
Source : Banque mondiale – Données 2020 – © Observatoire des inégalités
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Ces données doivent être considérées avec précaution. Tout d’abord, la qualité de l’air ambiant n’est mesurée qu’en 7 000 points environ de la planète, avec des capteurs dont la fiabilité est hétérogène. Personne ne respire les moyennes que nous présentons ici, calculées à l’échelle d’un continent sur une année. Par exemple, la pollution aux particules fines à Paris et dans les grandes villes françaises connait régulièrement des pics très supérieurs à la moyenne nationale. Mais c’est sans commune mesure avec le brouillard de pollution qui règne à Delhi, en Inde, où la teneur moyenne annuelle en particules fines dépasse les 100 microgrammes par mètre cube.
Une question de revenus
Cette réalité sanitaire touche de manière très inégale les régions selon leur niveau de richesse. Les pays riches affichent la pollution la plus faible, avec environ treize microgrammes de particules fines par mètre cube (µg/m³) en moyenne. Dans les pays à revenus intermédiaires et les pays pauvres, la pollution de l’air aux particules fines est nettement plus élevée. Les pays à revenus intermédiaires inférieurs atteignent le niveau le plus élevé, autour de 42 microgrammes par mètre cube. L’Égypte, le Cameroun, le Nigéria, l’Inde figurent ainsi parmi les pays où l’air est le plus pollué. Un niveau encore plus élevé que celui constaté dans les pays à revenus intermédiaires (34 µg/m³) ou à revenus intermédiaires supérieurs (28 µg/m³).
Ces écarts entre les régions s’expliquent par plusieurs facteurs. La géographie de la population joue. En Amérique du Nord, une partie importante de la population vit dans des zones périurbaines peu denses, tandis qu’en Asie du Sud (l’Inde et sa région) par exemple, les villes très denses couvrent des zones immenses et le nombre d’habitants au kilomètre carré est bien plus élevé. Les particules fines proviennent de la circulation automobile, de l’industrie, de l’utilisation du charbon et du bois comme sources d’énergie, et sont plus concentrées là où la densité de population est élevée.
Par ailleurs, les pays riches ont mis en place des réglementations : les véhicules et les cheminées d’usine sont équipés de filtres, ce qui a considérablement amélioré la qualité de l’air au cours des dernières décennies. La concentration de particules fines a été divisée par deux entre 1991 et 2020 en Amérique du Nord et en Europe. Dans un contexte de mondialisation et de délocalisation, les activités industrielles mondiales les plus polluantes se concentrent aujourd’hui en grande partie dans des pays d’Asie notamment. La cuisson au charbon ou au feu de bois est également une source majeure de pollution. Les pays émergents, en pleine croissance économique et urbaine, n’ont pas toujours les équipements et la réglementation qui pourraient protéger la qualité de l’air.
La population des pays émergents est doublement pénalisée : elle est exposée à des niveaux de pollution très néfastes pour la santé et elle est particulièrement vulnérable en raison de ses faibles revenus. Les plus pauvres ont en effet un état de santé moins bon, des conditions de vie et de travail plus pénibles, un accès aux soins moins facile, qui les rendent beaucoup plus susceptibles de souffrir de maladies chroniques et d’en mourir jeunes. Plus de quatre millions de décès prématurés seraient imputables chaque année aux particules fines dans le monde, selon l’OMS [2].
Le développement économique rapide des pays émergents pourrait aggraver encore la pollution de l’air en Asie et en Afrique, si celui-ci n’est pas accompagné d’une réglementation environnementale et d’équipements adaptés (filtres par exemple). Et cela au détriment des populations les plus pauvres et vulnérables à cette pollution, et au profit des habitants des pays riches, qui bénéficient d’une production mondialisée peu chère, car peu regardante sur les normes environnementales.
Photo / © Arjun Lama sur Unsplash
[1] Plus précisément aux particules fines PM2,5, les poussières dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres.
[2] « Air pollution is responsible for 6.7 million premature deaths every year », Organisation mondiale de la santé, consulté en septembre 2025.
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