Quatre millions de personnes sont considérées comme mal logées par la Fondation Abbé Pierre. 811 000 n’ont pas de domicile personnel, 91 000 vivent dans une habitation de fortune toute l’année. Article extrait du Centre d’observation de la société.
Quatre millions de personnes sont mal logées en France, selon la Fondation Abbé Pierre [1]. Ce chiffre est proche du nombre de personnes qui estiment vivre dans des conditions de logement « insuffisantes » ou « très insuffisantes » : 3,8 millions selon l’Insee. Du sans-domicile fixe au jeune contraint de revenir chez ses parents, en passant par le couple qui vit avec son enfant dans un studio, le mal-logement recouvre des réalités différentes qui parfois se conjuguent. Une mauvaise qualité de l’habitat, une faible superficie et le fait de ne pas avoir de logement à soi en sont les trois formes principales.
Premièrement, être mal logé, c’est vivre dans un habitat de très mauvaise qualité : 2,4 millions de personnes sont concernées. 91 000 personnes occupent durablement un « logement » qui n’en est pas un : une tente, un mobile-home, une cabane, etc. La Fondation Abbé Pierre y ajoute 208 000 gens du voyage qui ne disposent pas d’aire aménagée. À ces très mal-logés, il faut additionner les 2,1 millions de personnes vivant dans un logement inconfortable, dont 330 000 sont privées du confort de base (eau courante, douche, WC intérieur) et 1,8 million dont le logement relève d’un autre critère de dégradation tel qu’un chauffage rudimentaire, l’absence d’un coin cuisine ou la présence de fissures profondes dans la façade.
Deuxièmement, être mal logé, c’est manquer d’espace. Selon l’Insee, le peuplement normal d’un logement répond à la norme suivante : au moins une pièce pour le ménage (le séjour), plus une pour un couple (une chambre), plus une pour les célibataires de 19 ans et plus, une pour deux enfants s’ils sont de même sexe ou ont moins de sept ans, sinon une supplémentaire par enfant. Un logement qui ne répond pas à ce minimum est dit « surpeuplé ». Le surpeuplement est « accentué » s’il manque deux pièces ou plus par rapport à la norme de peuplement de l’Insee. 934 000 personnes sont dans ce cas.
Troisièmement, être mal logé, c’est ne pas disposer de logement à soi, vivre à la rue ou être hébergé par un ami, un membre de la famille ou une association notamment. 143 000 personnes n’ont pas de domicile selon les recensements effectués par l’Insee dans les centres d’hébergement. Parmi elles, la majorité est logée de façon très précaire (logement ou hôtel) et un peu moins de 11 000 personnes sont sans abri et dorment dans des caves, des halls d’immeuble ou sous les ponts. Non seulement ces dernières n’ont pas de domicile, mais, surtout, elles vivent dans les conditions d’habitat les plus indignes (elles auraient pu être comptabilisés parmi les personnes vivant dans un habitat de mauvaise qualité). 643 000 personnes sont hébergées chez des tiers. Elles ne vivent pas nécessairement dans les conditions de logement les plus difficiles, mais elles sont contraintes de vivre chez autrui. Parmi elles, 69 000 vivent chez une personne avec qui elles n’ont aucun lien de parenté.
Ces données constituent des ordres de grandeur qu’il faut manipuler avec beaucoup de précautions. Certaines d’entre elles se recoupent : on peut vivre par exemple dans un logement surpeuplé et inconfortable à la fois. Au total, la Fondation Abbé Pierre déduit un peu plus de 200 000 « doubles comptes ». Les sources sont différentes et on additionne des données qui datent de 2006 à 2013. Une partie des hébergés le sont de façon très temporaire et parfois dans de bonnes conditions. Il est discutable de les considérer comme « mal logés » et de les inclure dans le même ensemble que les sans-domicile. De même, le caractère « inconfortable » du logement comprend des situations très différentes.
Inversement, ces chiffres ne comptabilisent pas tous les mal-logés. Une partie des SDF échappe aux statistiques : ils ne sont recensés que s’ils fréquentent les services d’hébergement, ce qui n’est pas toujours le cas. Les personnes qui vivent dans les hôpitaux, les maisons de retraite, les foyers de travailleurs (souvent dans une seule chambre) et en prison ne sont pas compris. La norme de surpeuplement est établie en nombre de pièces et non en termes de superficie : une personne seule dans une minuscule chambre de bonne n’est pas comptabilisée comme « mal logée ». Les ménages occupant des logements très bruyants ou humides n’y figurent pas non plus. Une personne seule vivant dans une minuscule pièce au rez-de-chaussée d’une route passante est considérée comme « bien logée ».
La situation du logement en France n’a pas grand-chose à voir avec celle que notre pays a pu connaître dans l’après-guerre [2]. Mais la persistance d’un tel niveau de mal-logement est d’autant plus problématique que notre pays est parmi les plus riches au monde et que les conditions générales de logement ont globalement tendance à s’améliorer.
Personnes en situation de mal-logement | |
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Habitat dégradé | 2 413 000 |
1- Habitat de fortune (cabane, camping, etc.) | 91 000 |
2- Gens du voyage subissant de mauvaises conditions d'habitat | 208 000 |
3- Logements inconfortables | 2 090 000 |
Soit pas d'eau courante, pas de douche ou pas de WC intérieur | 332 000 |
Soit pas de coin cuisine, moyen de chauffage rudimentaire ou façade très dégradée | 1 758 000 |
4- Migrants en foyers dégradés | 24 000 |
Logements exigus (1) | 934 000 |
Pas de domicile personnel | 811 000 |
1- Sans domicile : sans abri, hôtel, hébergement collectif | 143 000 |
Sans abri (rue, cave, hall d'immeuble) | 10 900 |
Hébergement social | 77 900 |
Hôtel | 14 500 |
Logé par une association | 39 700 |
2- Vivent durablement à l'hôtel | 25 000 |
3- Hébergés chez un tiers | 643 000 |
Sans lien de parenté avec celui qui héberge, sans moyens d'être indépendant | 69 000 |
Enfants majeurs incapables de décohabiter pour raisons financières | 153 000 |
Enfants âgés de plus de 25 ans | 338 000 |
Personnes de plus de 60 ans hébergées suite à une difficulté (deuil, rupture familiale, prob. de santé, etc.) | 83 000 |
Personnes comptées deux fois | - 205 000 |
Total | 3 953 000 |
Article extrait du Centre d’observation de la société.
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[1] Voir « L’état du mal-logement en France, 2019 », Fondation Abbé-Pierre, février 2018.
[2] Lire notre article Mal-logement : aux racines de l’inquiétude