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L’environnement dégradé des quartiers les plus pauvres

46 % des habitants des quartiers les plus pauvres jugent leur environnement dégradé, 2,3 fois plus souvent que les habitants des quartiers voisins. Ils sont aussi deux fois plus nombreux à se plaindre du bruit.

Publié le 4 mai 2021

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Modes de vie Logement Quartiers en difficulté Environnement

Les inégalités en matière de cadre de vie sont au cœur des inégalités dites « environnementales ». Dans ce domaine, les quartiers les plus pauvres se distinguent très nettement, si l’on en croit l’enquête « Cadre de vie et sécurité » de l’Insee (données 2018) [1]. Les 1 500 quartiers dits « prioritaires » de la politique de la ville (et que nous qualifions de « quartiers pauvres ») regroupent cinq millions d’habitants, soit un peu moins de 8 % de la population. On en parle beaucoup pour le niveau du chômage ou de l’insécurité, mais leurs habitants se plaignent aussi de vivre dans un cadre peu agréable.

La première forme d’inégalité environnementale est le cadre de vie global. 46 % des habitants de ces quartiers pauvres, soit 2,3 fois plus souvent que les habitants des quartiers environnants, jugent [2] que leur environnement global est dégradé, mal entretenu, qu’il manque de propreté. 36 %, contre 16 % des habitants des autres quartiers, se plaignent de parties communes ou d’équipements intérieurs mal entretenus dans leur immeuble.

La deuxième forme d’inégalité environnementale est liée à la pollution. Globalement, les habitants des quartiers pauvres ne se plaignent pas plus que les autres (43 % contre 38 %) de la qualité de l’air, des sols ou de l’eau. 33 % (contre 23 %) regrettent le manque d’espaces verts. Ce qui gêne le plus ceux qui vivent dans ces quartiers, c’est le bruit, qu’il vienne de l’environnement extérieur ou des voisins : 50 % s’en plaignent, soit deux fois plus que dans les quartiers avoisinants.

Certes, ces données déclaratives mériteraient d’être complétées par des instruments de mesure objectifs. Les écarts entre territoires peuvent en effet provenir de situations réelles, mais aussi de leur perception. Quoi qu’il en soit, les Français sont inégaux dans leur environnement de vie et les populations les plus pauvres qui résident dans ces quartiers sont les premières touchées. Ces données moyennes cachent un environnement encore bien plus dégradé pour quelques quartiers particulièrement pauvres, où les inégalités environnementales sont encore plus grandes. Inversement, cela ne signifie pas que ces quartiers ressemblent à la caricature qu’on en fait souvent, de territoires à l’abandon. Par ailleurs, une partie des quartiers plus aisés subissent aussi des pollutions, notamment celle liée au bruit.

Plusieurs facteurs très complexes s’entremêlent pour expliquer ces inégalités dites « environnementales ». Une grande partie des cités, bâties dans les années 1970, étaient alors à la pointe de la modernité, même s’il est vrai que nombre d’entre elles ont été construites là où le foncier était très peu cher, en périphérie, près des grandes routes. Certaines infrastructures vieillissent et les propriétaires – des sociétés HLM dans l’immense majorité des cas – n’investissent pas assez pour les moderniser. L’environnement qu’elles offrent ne correspond plus aux aspirations d’une grande partie des Français : le pavillon et son jardin.

Ces quartiers paient aussi l’appauvrissement des locataires. Une partie des inégalités que l’on qualifie d’« environnementales » sont en réalité des inégalités sociales, liées à la concentration dans des quartiers denses de populations très pauvres, rejetées par certaines communes aisées. Par ailleurs, une partie des dégradations et du bruit est le fait de jeunes de milieux populaires qui expriment leur rage de « galérer » et d’être contraints de vivre à part, dans des lieux qu’ils n’ont pas choisis.

Jugement des habitants des quartiers pauvres* et les quartiers avoisinants sur la qualité de leur environnement
Quartier pauvre (A)
en %
Ville environnante (B)
en %
Rapport (A/B)
Cadre de vie
Environnement dégradé (mal entretenu, manque de propreté)46202,3
Parties communes ou équipements de l'immeuble dégradés36162,3
Les immeubles environnants sont en mauvais état2983,6
L'éclairage de proximité est mal assuré23151,5
Manque d'espaces verts33231,4
Pollution
Bruit50271,9
Pollution de l'air, des sols, de l'eau43381,1
*Quartiers dits prioritaires de la politique de la ville. Lecture : 46 % des habitants des quartiers pauvres estiment que leur environnement est mal entretenu ou manque de propreté, contre 20 % des habitants des autres quartiers des mêmes villes.
Source : Observatoire national de la politique de la ville d'après Insee – Données 2018 – © Observatoire des inégalités

Extrait de « L’environnement dégradé des quartiers les plus pauvres », Centre d’observation de la société, 22 avril 2021.

Photo / CC By SA Antoine K


[1Voir Bien vivre dans les quartiers prioritaires, Rapport 2019 de l’Observatoire national de la politique de la ville, ANCT-ONPV, août 2020.

[2Il s’agit de données déclaratives qui correspondent à la perception qu’en ont les habitants.

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Date de première rédaction le 4 mai 2021.
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