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Plus de quatre millions de mal-logés : de quoi parle-t-on ?

Plus de quatre millions de personnes sont considérées comme mal logées par la Fondation Abbé Pierre. Près d’un million n’ont pas de domicile personnel, 100 000 vivent dans une habitation de fortune toute l’année. Article extrait du Centre d’observation de la société.

Publié le 4 février 2022

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Modes de vie Logement

Plus de quatre millions de personnes sont mal logées en France, selon le rapport 2022 de la Fondation Abbé Pierre [1]. Du sans domicile fixe au jeune contraint de revenir chez ses parents, en passant par le couple qui vit avec son enfant dans un studio, ce chiffre rassemble des populations logées de manières très différentes. Pour essayer de mieux comprendre cette réalité, nous avons détaillé trois grandes formes de mal-logement : l’habitat inconfortable, le manque d’espace et l’absence de logement à soi.

La première forme de mal-logement est l’habitat dégradé : 2,4 millions de personnes sont concernées. D’abord, les 100 000 personnes qui vivent dans des habitats de fortune (cabane, camping, etc.). S’y ajoutent 208 000 gens du voyage qui ne disposent pas d’aire aménagée, vivant très souvent dans des conditions particulièrement dures. À ces très mal-logés, il faut ajouter les 2,1 millions de personnes vivant dans un logement inconfortable [2].

La deuxième forme de mal-logement est le manque d’espace : 934 000 personnes sont dans ce cas. Selon l’Insee, le peuplement normal d’un logement répond à la norme suivante : au moins une pièce pour le ménage (le séjour), plus une pour un couple (une chambre), plus une pour les célibataires de 19 ans et plus, et une supplémentaire pour deux enfants s’ils sont de même sexe ou ont moins de sept ans, sinon une chambre par enfant. Un logement qui ne répond pas à ce minimum est dit « surpeuplé ». Le surpeuplement est « accentué » s’il manque deux pièces ou plus par rapport à la norme de peuplement de l’Insee. C’est le critère retenu dans le décompte de la Fondation Abbé Pierre.

Enfin, la troisième forme de mal-logement est de ne pas disposer de logement à soi : 999 000 personnes sont concernées. 300 000 personnes n’ont pas de domicile selon les estimations de la Fondation Abbé Pierre [3]. Parmi elles, la majorité est hébergée de façon très précaire (centre d’urgence ou hôtel) et 27 000 personnes sont sans abri (celles que l’on nomme le plus souvent les SDF) et dorment dans des caves, des halls d’immeuble ou sous les ponts. Non seulement elles n’ont pas de domicile mais, surtout, puisqu’elles vivent dans les conditions les plus indignes, elles auraient bien entendu pu être comptabilisées dans la première forme de mal-logement. Par ailleurs, 25 000 personnes vivent en permanence à l’hôtel et 31 000 travailleurs migrants vivent dans un foyer dont la rénovation en résidence sociale avec des logements autonomes est promise depuis 1997. Enfin, 643 000 personnes sont hébergées chez des tiers. Elles ne vivent pas nécessairement dans les conditions de logement les plus difficiles, mais sont contraintes de vivre chez autrui.

Des données imparfaites

Ces données constituent des ordres de grandeur. Les formes de mal-logement se conjuguent souvent. Ainsi, les personnes sans domicile personnel vivent la plupart du temps dans des logements de tiers peu confortables et exigus. Le caractère « inconfortable » du logement regroupe des situations sans commune mesure selon qu’il s’agit d’un habitat totalement insalubre ou le manque de confort (comme l’absence de cuisine). La Fondation Abbé Pierre déduit ainsi un peu plus de 200 000 « doubles comptes ». Ces chiffres sont aussi tirés de plusieurs sources, pour des années différentes, principalement de 2013. Enfin, une partie des hébergés le sont de façon très temporaire et parfois dans de bonnes conditions. Il est donc discutable de les considérer comme mal logés et de les inclure dans le même ensemble que les sans domicile.

A contrario, ces chiffres ne mesurent pas tout. Une partie des sans-abri et des très mal-logés échappent aux statistiques. Les personnes qui vivent dans les hôpitaux, les maisons de retraite et en prison ne sont pas comptabilisées. La norme de surpeuplement est établie en nombre de pièces et non en termes de superficie. Une personne seule vivant dans une minuscule pièce au rez-de-chaussée d’une route passante est considérée comme « bien logée ».

La situation du logement en France n’a plus grand-chose à voir avec celle que notre pays a pu connaître dans l’après-guerre. Mais la persistance d’un tel niveau de mal-logement est d’autant plus problématique que notre pays est parmi les plus riches au monde et que les conditions générales de logement ont globalement tendance à s’améliorer.

Personnes en situation de mal-logement

1- Habitat dégradé2 398 000
Logements inconfortables2 090 000
Gens du voyage subissant de mauvaises conditions d'habitat208 000
Habitats de fortune (cabane, camping, etc.)100 000
2- Logements exigus934 000
3- Absence de domicile personnel999 000
Hébergement contraint chez un tiers643 000
Sans domicile (sans abri, en hébergement d'urgence, etc.)300 000
Résidence permanente à l'hôtel25 000
Foyers de travailleurs immigrés en attente de transformation en résidence sociale31 000
Personnes comptées deux fois- 205 000
Total4 126 000
Lecture : parmi les 4 126 000 personnes mal logées, 2 090 000 vivent dans un logement inconfortable.
Source : Fondation Abbé Pierre, Rapport sur le mal-logement 2022 – Données d'enquêtes différentes, principalement de l'Insee (2013) – © Observatoire des inégalités

Article extrait du Centre d’observation de la société.

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[1Voir « L’état du mal-logement en France 2022, rapport annuel n° 27 », Fondation Abbé Pierre, février 2022.

[2Logement inconfortable : logement dans lequel manque au moins un élément de confort de base. Il n’y a pas d’eau courante, de WC intérieur ou de coin cuisine, le chauffage est rudimentaire, ou bien la façade très dégradée.

[3La Fondation a recensé fin 2020 180 000 personnes en centre d’hébergement, 100 000 dans des lieux d’accueil pour demandeurs d’asile, 16 000 dans des bidonvilles et 27 000 sans-abri.

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Date de première rédaction le 16 avril 2019.
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