Entretien

« Des gens meurent dehors et le gouvernement continue à baisser les impôts », entretien avec Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités

Le gouvernement baisse les impôts des catégories aisées quand il faudrait combattre la misère. Entretien avec Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Extrait de l’Humanité du 28 novembre 2005.

Publié le 29 novembre 2005

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Combien y a-t-il de travailleurs pauvres en France ?

Louis Maurin. C’est un scandale, mais nous n’avons pas de chiffres récents. - L’INSEE ne fait pas ce travail de recherche. Selon les estimations, le nombre de travailleurs pauvres va de 1,2 à 3,5 millions de personnes. Il s’agit de gens dont les ressources sont inférieures au seuil de pauvreté : ils perçoivent des salaires inférieurs à 600 euros par mois, soit la moitié du SMIC. Mais la France n’est pas un pays de bidonvilles avec une pauvreté de masse. Le problème principal réside dans l’effet de ciseaux qui existe entre des salaires de plus en plus bas et des prix du logement toujours plus élevés.


Leur nombre est-il en augmentation ?

On ne peut pas parler aujourd’hui d’explosion du nombre des travailleurs pauvres en France. L’évolution se fait sur le long terme. Elle est à la fois due au recours au travail précaire, au temps partiel et à des salaires trop bas. Le pouvoir d’achat stagne depuis longtemps. Et l’évolution du nombre de travailleurs pauvres doit, peu ou prou, suivre celle du taux de chômage. Celui-ci est d’ailleurs un formidable moyen de pression des entreprises pour réduire au maximum les salaires. Il faut se demander à qui profite le crime ! Il ne faut pas sous-estimer la pression qu’exerce la précarité sur les contrats à durée indéterminée. Les salariés en CDI ont toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Ils ont peur de se faire licencier du jour au lendemain, surtout quand ils sont sans diplôme et ont déjà un certain âge.

Comment appréciez-vous la politique du gouvernement en matière de lutte contre le chômage, comme le contrat nouvelle embauche (CNE) ?

Le CNE est d’une grande violence. C’est une offense incroyable faite aux jeunes. D’autant que rien ne justifie deux ans de période d’essai.

Sur le site Internet de l’Observatoire des inégalités, vous écrivez qu’un homme est mort de froid le même jour que le vote du budget à l’Assemblée...

Le lien est sans doute exagéré. Mais le Parlement vient de voter un budget pour 2007 qui prévoit 3,6 milliards d’euros d’allégements fiscaux destinés, pour l’essentiel, aux plus aisés et un « bouclier fiscal » limitant la portée de l’impôt sur la fortune. Dans ce même budget, les crédits de la ville et du logement sont en baisse, quand ceux de la police augmentent. C’est insupportable ! S’il existait, en France, des politiques sociales de logement dignes de ce nom, moins de gens mourraient de froid. Des gens crèvent dehors et on donne 10 000 euros à des personnes qui en gagnent 20 000 ! Le gouvernement est fou ! Le décalage est tellement grand entre la réalité et les ministères que c’est la démocratie tout entière qui en prend un grand coup. Tout cela fait monter le Front national...

Propos recueillis par Lénaïg Bredoux. Ce texte est extrait de l’Humanité (édition du 28 novembre 2005).

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Date de première rédaction le 29 novembre 2005.
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