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Aux marges du chômage, un « halo » qui progresse

1,6 million de personnes n’entrent pas dans les chiffres du chômage parce qu’elles n’ont plus le courage de faire des démarches de recherche d’emploi ou sont indisponibles immédiatement. Un nombre qui augmente depuis 2012.

Publié le 5 décembre 2019

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Emploi Chômage

1,6 million de personnes ne sont pas comptabilisées dans les chiffres du chômage par l’Insee mais déclarent qu’elles souhaiteraient avoir un emploi si elles en avaient la possibilité (données 2018). C’est 260 000 de plus qu’en 1990. Il s’agit, pour l’Observatoire des inégalités, de l’une des composantes du mal-emploi avec le travail précaire et le chômage.

Ces personnes qui composent ce que l’Insee qualifie de « halo » du chômage ne sont pas officiellement classées parmi les chômeurs et sont donc comptabilisées comme « inactives » (les actifs sont ceux qui travaillent ou qui recherchent un travail). En effet, la définition du chômage qu’utilise l’institut - il reprend la norme internationale du Bureau international du travail - est très stricte. Pour être qualifié de chômeur, il faut d’abord être disponible dans les deux semaines suivantes, ce qui n’est pas toujours évident quand on est en formation, qu’on a des enfants à charge ou un problème de santé, par exemple. Il faut aussi mener des « recherches actives d’emploi » : répondre à des petites annonces, s’inscrire dans une agence d’intérim, etc. Une partie de la population est découragée par le nombre d’échecs subis suite à ces candidatures, par les conditions d’emploi (bas salaires, temps partiel, précarité), ou parce que c’est matériellement difficile (par exemple quand on doit faire garder ses enfants). Bref : ces personnes qui ne répondent pas à ces critères du chômage basculent chez les inactifs et constituent le « halo » du chômage.

Le nombre de personnes situées dans le halo du chômage est resté stable de 1990 à 2012, autour de 1,4 million puis il a augmenté pour atteindre un peu plus de 1,6 million (5 % des actifs) en 2018, soit un point de plus qu’en 2008 avant la crise financière. Ce niveau est loin d’être négligeable, il faut le comparer aux 2,8 millions de chômeurs officiellement recensés par l’Insee : pour dix chômeurs officiels, on dénombre plus de six personnes dans le halo. On y compte plus de femmes que d’hommes, mais la hausse constatée depuis 30 ans a concerné uniquement les hommes (+ 300 000 entre 1990 et 2018, - 28 000 pour les femmes).

Malheureusement, les données de l’Insee sur le sujet ne remontent qu’à 1990 alors que la progression du nombre de personnes dans le halo du chômage est antérieure. Elle traduit pour partie l’indisponibilité des salariés, qui peut être due à un grand nombre de facteurs : plus on a besoin de se former ou de déménager, moins on a de chances d’être disponible rapidement. Elle traduit aussi le découragement des actifs dont certains finissent par baisser les bras et sont du coup exclus des statistiques. Non parce qu’ils « profitent » de l’assistanat mais parce qu’ils sont trop éloignés de l’emploi, qu’ils ne savent plus comment faire pour en trouver et que les conditions de travail qu’on leur propose sont indignes.

Ce « halo » représente un cinquième de l’ensemble de ce que nous qualifions de « mal-emploi » (lire notre article). Il échappe aux données les plus souvent médiatisées et rend invisibles les personnes concernées. C’est une des raisons qui expliquent que l’on comprend mal le mécontentement social. Cela signifie aussi qu’un taux de chômage réduit ne voudrait pas forcément dire plein-emploi [1]. Seule une amélioration durable de l’emploi (en quantité et en qualité) pourrait avoir un effet sur le mal-emploi dans son ensemble et en particulier sur les personnes découragées de rechercher un travail.

Lecture : en 2018, 1,6 million de personnes souhaiteraient travailler mais ne sont pas comptées comme chômeurs par l'Insee. Elles sont classées parmi les inactives.

Source : Insee – © Observatoire des inégalités

Graphique Données
* La population active élargie comprend la population active et les inactifs souhaitant travailler. Lecture : en 2018, les personnes qui souhaiteraient travailler mais ne sont pas disponibles immédiatement ou sont découragées de chercher un emploi représentent 5,2 % de la population active élargie.

Source : calculs de l'Observatoire des inégalités, d'après Insee – © Observatoire des inégalités

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Photo / CC Andrik Langfield


[1On parle de plein-emploi quand on considère que le chômage atteint son niveau minimum, chacun accédant pleinement à l’emploi. Il persiste alors un volant de chômeurs, composé des personnes qui sont en transition entre deux emplois.

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Date de première rédaction le 5 décembre 2019.
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