Les inégalités face aux nouvelles technologies
Les inégalités d’accès aux nouvelles technologies diminuent très nettement, les personnes âgées rattrapant progressivement les plus jeunes. Reste que plus de six millions de Français n’utilisent pas Internet.
21 décembre 2018
https://www.inegalites.fr/inegalites-numeriques - Reproduction interditeLes Français s’équipent à tout va en nouvelles technologies. Le taux d’équipement en ordinateur à domicile est passé de 23 % à 78 % entre 1998 et 2018 selon une étude du Crédoc [1]. 94 % de la population a un téléphone mobile, 75 % un smartphone. Chez les cadres et les jeunes, l’accès aux technologies de l’information est généralisé, avec des taux d’équipement qui approchent les 100 %. L’accès progresse aussi chez les plus âgés. Si les principaux écarts, liés à l’âge, se réduisent progressivement, des inégalités en termes de niveau de vie ou de diplôme demeurent.
Téléphone mobile : une question d’âge
Le téléphone mobile s’est largement démocratisé : 94 % des plus de 12 ans en sont équipés. Le principal clivage dans ce domaine reste l’âge. En 2018, le taux d’équipement atteint 100 % chez les 18-24 ans et 98 % chez les 25-39 ans. Les moins bien dotés sont les 70 ans et plus (82 %). L’écart entre les plus âgés et le reste de la population se réduit avec le temps.
Source : Crédoc – Données 2018 – © Observatoire des inégalités
Pour le téléphone mobile, le revenu est un facteur qui entre désormais moins en ligne de compte. En 2011, les personnes à bas revenus étaient 78 % à être équipées, douze points de moins que les personnes à hauts revenus. Aujourd’hui, leur taux d’équipement respectif est le même (94 %).
Source : Crédoc – Données 2018 – © Observatoire des inégalités
6 % des plus de 12 ans, soit 3,4 millions de personnes, n’ont pas de téléphone portable. Pour certains, faute d’en avoir les moyens. Pour d’autres, cela peut être un choix, notamment pour les personnes très âgées. Par ailleurs, une partie des parents ne souhaitent pas que leurs adolescents disposent d’un téléphone trop jeunes.
Un Français sur quatre ne possède pas de smartphone
Pour trois Français sur quatre, le téléphone mobile est un smartphone (téléphone portable connecté à Internet), selon le Crédoc. L’évolution est spectaculaire pour ce type d’équipement, mais les inégalités demeurent. 20 % de la population possède un mobile sans accès à Internet. Les écarts entre les âges restent importants. Parmi les 60-69 ans, 45 % ne sont pas équipés d’un smartphone. Ils sont 65 % parmi les 70 ans et plus à être dans ce cas.
L’effet du niveau de vie se fait également sentir. Le taux d’équipement en smartphone des hauts revenus (80 %) est plus élevé que chez les bas revenus (75 %) et surtout que dans les classes moyennes inférieures (68 %). Les catégories sociales se distinguent aussi par le type de smartphone. À un prix qui dépasse parfois un mois de Smic, les modèles haut de gamme permettent de faire supposer un statut social très favorisé. Par ailleurs, une partie des détenteurs de smartphone ne disposent que d’un accès très limité à Internet.
Ordinateur : les inégalités sociales résistent
Si le téléphone mobile s’est généralisé, ce n’est pas le cas de l’ordinateur ou de la tablette. 22 % de la population des plus de douze ans n’a pas d’ordinateur à domicile, 59 % pas de tablette. Les plus de 70 ans restent moins équipés que leurs cadets, même si l’écart se réduit.
Source : Crédoc – Données 2018 – © Observatoire des inégalités
La possession d’un ordinateur ou d’une tablette reste fortement liée au niveau de revenu et de diplôme. Ainsi 93 % des hauts revenus sont équipés d’un ordinateur contre 66 % des bas revenus. Il faut noter que l’équipement en ordinateur et en tablette diminue avec l’essor des smartphones, notamment chez les 18-24 ans.
Source : Crédoc – Données 2018 – © Observatoire des inégalités
Les exclus d’Internet
11 % des Français (6,4 millions de personnes) n’utilisent jamais Internet contre 45 % en 2006. Les inégalités liées à l’âge ont diminué : en 2018, 18 % des 60-69 ans, ainsi que 40 % des 70 ans et plus, ne sont pas connectés. Les écarts selon le niveau de diplôme et le revenu se réduisent également, mais à un rythme plus lent : 14 % des bas revenus, 16 % des classes moyennes inférieures n’utilisent pas à Internet. Le taux atteint même 46 % chez ceux qui n’ont aucun diplôme.
Source : Crédoc – © Observatoire des inégalités
Source : Crédoc – © Observatoire des inégalités
Des usages différenciés
Les inégalités se logent de plus en plus dans l’usage que les catégories de populations font d’Internet. Les démarches administratives en ligne concernent près de deux Français sur trois, mais la-quasi totalité des cadres y recourent. 91 % de ces derniers font des achats sur Internet, contre 58 % des ouvriers. 59 % de la population utilise les réseaux sociaux pour échanger avec des « amis » ou étoffer son réseau professionnel. Autrement dit, 41 % restent à l’écart en dépit de leur médiatisation. Seuls 34 % des 60-69 ans et 32 % des non-diplômés s’y sont connectés au cours des douze derniers mois au moment de l’enquête.
Source : Arcep - Données 2018 - © Observatoire des inégalités
Les nouveaux moyens de communication facilitent l’accès à l’information et à la connaissance d’un public plus large et participent à la démocratisation de l’accès aux savoirs. La fracture qui persiste est surtout générationnelle : les plus anciens restent encore à l’écart d’un univers dont une partie ne voit pas vraiment l’utilité ou ne parvient pas à se l’approprier.
Même réduite à 11 %, la part des non-internautes représente tout de même 6,3 millions de personnes. Et le fait de ne pas avoir accès à un bien ou un service est encore ressenti plus violemment quand l’accès se généralise. La référence permanente à Internet et aux réseaux sociaux en particulier, comme s’il allait de soi qu’ils sont fréquentés par tous, constitue une violence symbolique pour ceux qui n’ont pas les moyens d’y participer. Le handicap se concrétise lorsque acheter un billet de train ou remplir un formulaire administratif passe obligatoirement par « le Net ». Ce que l’on appelle parfois « l’illectronisme » (illettrisme électronique) existe bel et bien dans notre pays et l’Etat se défausse souvent sur les associations et les mairies pour le prendre en charge.
Photo / © CC BY CAFNR
[1] « Le baromètre du numérique 2018. 18e édition », Crédoc, décembre 2018.
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