70 % des ouvriers n’ont lu aucun livre sur une année, contre 20 % des cadres supérieurs.
43 % de la population de plus de 15 ans n’a lu aucun livre en 2012. C’est le cas de 70 % des ouvriers et des agriculteurs, de 40 % des employés, contre 20 % des cadres, selon l’Insee. Dans une grande partie des milieux populaires, le livre n’est pas présent, alors qu’il l’est souvent naturellement dans les milieux favorisés. Mais il y a « livre » et « livre » : selon le ministère de la Culture [1], qui a une conception plus large en incluant notamment les bandes dessinées et les livres pratiques, 42 % des ouvriers n’ont pas lu de livres en 2008, contre 8 % des cadres.
En matière d’évolution, les différentes enquêtes donnent des résultats contradictoires. Selon le ministère de la Culture, les inégalités en matière de lecture de livres se sont accrues entre les milieux sociaux dans les années 2000. La part des gros lecteurs chez les cadres (plus de 10 livres lus par an) a baissé entre 1997 et 2008 (de 68 % à 57 %), mais celle des non lecteurs n’a quasiment pas évolué : de 7 à 8 % sur la période. Dans les ménages dont le chef de famille est ouvrier [2], la proportion de personnes n’ayant pas lu de livres est passée de 34 à 42 %.
En revanche, selon l’Insee, la part d’ouvriers non lecteurs est restée stable à 69 % entre 1999 et 2012 et que celle des cadres a progressé de 15 à 20 %. La lecture de livres « traditionnels » (hors BD et livres pratiques) diminue donc aussi chez les cadres et stagne à un niveau élevé chez les ouvriers : les écarts se réduisent.
Les différences de résultats entre les deux enquêtes s’expliquent en partie par les dates auxquelles elles ont été menées et surtout par la définition adoptée de ce que l’on considère être un livre, qui n’est pas semblable pour les deux sources. L’exemple de la lecture de livre illustre l’importance de la maîtrise des définitions utilisées. Quoi qu’il en soit, les écarts sont énormes entre milieux sociaux. En 2012, la part de non lecteurs de livres est près de 3,5 fois plus élevée chez les ouvriers que chez les cadres selon l’Insee.
Enfin, l’inégal accès au livre ne doit pas être confondu avec la lecture dans son ensemble : de l’Internet à la messagerie électronique, en passant par la presse ou les bandes dessinées, la lecture prend des formes très diverses. Le livre reste l’une des formes de la transmission des inégalités dans une société où l’écrit n’a pas cédé la place à l’image et à la télévision dans l’accès au savoir. Outre qu’elle permet d’enrichir son vocabulaire et de renforcer sa maîtrise de l’écrit, la lecture de livres donne accès à la culture des milieux favorisés. Elle reste un puissant facteur de distinction sociale.
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[1] Il est pour le moins surprenant que deux organismes publics travaillent sur le même champ sans utiliser les mêmes définitions, ni même les mêmes intervalles de temps pour le nombre de livres lus.
[2] Voir « Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique. Eléments de synthèse 1997-2008 », Cultures études n°5, 2009.