Données

Riches un jour, riches toujours ?

La mobilité sociale des riches est faible. Pour être riche une année, rien de tel que d’avoir été riche quinze ans plus tôt.

Publié le 20 février 2025

https://www.inegalites.fr/Riches-un-jour-riches-toujours - Reproduction interdite

Revenus Riches Niveaux de vie

Près de 60 % des personnes qui figuraient parmi le dixième le plus riche en 2003 se situent parmi les 10 % les plus riches en 2019, indique une étude de l’Insee [1]. « Les revenus d’un individu une année donnée déterminent fortement ceux qu’il aura près de deux décennies plus tard. Plus les individus sont situés haut dans l’échelle des revenus en 2003, plus ils ont de chances d’occuper un rang élevé de la distribution en 2019 », écrivent les auteurs. La mobilité est faible dans le sens de la descente : seuls 2,2 % des 10 % les plus riches de 2003 se retrouvent parmi les 10 % les plus pauvres en 2019. Globalement, c’est toute la mobilité sur l’échelle des revenus qui fonctionne à vitesse réduite.

Répartition en 2019 des personnes qui étaient parmi les 10 % les plus riches en 2003
Unité : %

10 % les plus pauvres2,2
Entre les 10 % et les 20 % les plus pauvres1,6
Entre les 20 % et les 30 %1,5
Entre les 30 % et les 40 %1,5
Entre les 40 % et les 50 %1,8
Entre les 50 % et les 60 %2,7
Entre les 60 % et les 70 %4,6
Entre les 70 % et les 80 %8,3
Entre les 80 % et les 90 %17,6
10 % les plus riches en 201958,2
Ensemble100
Dans ce tableau, nous observons ce que sont devenus les 10 % les plus riches de 2003 treize ans plus tard. On mesure, en 2019, leur répartition selon le niveau de vie.
Lecture : 58,2 % des personnes situées dans les 10 % les plus riches en 2003 appartiennent aux 10 % les plus riches en 2019.
Source : Insee – © Observatoire des inégalités

En matière d’inégalités de revenus, le sentiment que l’avenir sera meilleur joue un rôle central dans l’appréciation qu’on peut se faire de la société. Appartenir aux catégories les plus modestes et avoir des espoirs de progression sur l’échelle des revenus n’est pas du tout la même chose que de n’avoir aucune perspective en la matière. Il faut être prudent en ce qui concerne les comparaisons internationales, mais l’Insee note tout de même que, en France, « l’inertie est plus élevée que celle observée aux États-Unis, pays avec lequel une comparaison de la mobilité sur deux décennies est possible » [2].

Quels sont les facteurs qui font qu’une grande partie des riches – comme des pauvres – le restent ? L’étude de l’Insee souligne le poids de l’école et du système de formation professionnelle : en France, le diplôme initial joue un rôle plus fort qu’ailleurs dans la carrière [3]. L’accès à la formation continue est particulièrement inégalitaire. Les professions sont réparties en catégories, avec des statuts différents à l’instar du statut de cadre dans le privé ou des catégories d’emploi (A, B et C) dans la fonction publique, qui sont autant de barrières à franchir pour progresser dans la société. Enfin, l’Insee note aussi l’importance du cout de la mobilité géographique : la France a favorisé l’accès à la propriété, ce qui rend plus complexe tout changement professionnel pour ceux qui ont investi dans leur résidence principale.

Les tensions que vit la société française résultent notamment d’une hypocrisie. D’un côté, toutes les majorités politiques soulignent l’importance de faire progresser l’égalité des chances, de réduire le poids des différents déterminants sur le destin des personnes, qu’il s’agisse de l’origine migratoire, du genre ou du milieu social, pour que chacun puisse faire valoir ses « talents ». De l’autre, très peu est fait pour réduire les inégalités de parcours, en particulier à l’école : les milieux favorisés pèsent de tout leur poids pour y maintenir leurs privilèges.

Photo / © Patrick Jansen


[1« Peu de mobilité dans l’échelle des revenus entre 2003 et 2019 », Tristan Loisel et Michael Sicsic, Insee Analyses n° 82, avril 2023.

[2En revanche, selon une autre étude, ce n’est pas vrai en termes d’inégalités entre parents et enfants : les enfants de familles aisées aux États-Unis deviennent plus souvent aisés qu’en France. Voir « Mesurer la mobilité intergénérationnelle et l’inégalité des chances à partir du revenu. Une opportunité pour (ré)évaluer le lien entre éducation et destin individuel », Clément Dherbécourt, in Éducation & formations 2023/1 (N° 105), ministère de l’Éducation nationale, 2023.

[3Voir Les sociétés et leur école. Emprise du diplôme et cohésion sociale, François Dubet, Marie Duru-Bellat et Antoine Vérétout, Seuil, 2010.

L’Observatoire des inégalités a besoin de vous

L’Observatoire des inégalités est indépendant, il ne dépend pas d’une institution publique. Il n’accepte ni la publicité ni le financement de grandes entreprises.

Nous sommes financés principalement par les dons de milliers de personnes qui nous soutiennent ponctuellement ou régulièrement.

Avec votre soutien, nous continuerons de produire une information de qualité et à la diffuser en accès libre. Chaque contribution, grande ou petite, compte. C’est le moment de nous aider. Merci.


Faire un don
Date de première rédaction le 10 septembre 2021.
© Tous droits réservés - Observatoire des inégalités - (voir les modalités des droits de reproduction)

Sur ce thème