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Nutrition et inégalités de santé : illustrations québécoises

Des actions de politique nutritionnelle en direction des populations les plus pauvres sont menées dans différentes régions du Québec. Mais seule une politique sociale plus large peut s’attaquer aux racines des inégalités sociales dans l’alimentation, souligne Martine Pageau du Ministère de la santé et des services sociaux du Québec. Extrait de la revue de l’Inpes La santé de l’homme.

Publié le 16 juillet 2009

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Modes de vie Santé

Dans notre société d’abondance, la surconsommation côtoie, paradoxalement, la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Au Québec, en 2004, l’insécurité alimentaire [1] touchait 19 % des ménages monoparentaux ayant une femme à leur tête et 48 % des ménages prestataires de la Sécurité du revenu [2]. La crise économique mondiale a des répercussions sur le coût des aliments et les personnes disposant d’un faible revenu sont davantage affectées. Elles ont à jongler avec l’inquiétude de ne pas avoir assez d’argent pour se nourrir, tandis que certaines doivent avoir recours sur une base régulière à de l’aide alimentaire d’urgence. De plus, les enjeux de société que soulève l’augmentation des problèmes de poids nécessitent une action collective, ciblant à la fois les individus et les environnements. Les causes sous-jacentes aux inégalités sociales relatives à l’alimentation étant multiples, il importe d’agir sur plusieurs fronts, de diverses façons et avec plusieurs partenaires. Les décideurs sont confrontés au défi de susciter des actions qui permettront aux populations plus vulnérables d’avoir accès aux aliments nutritifs en toute dignité, sans instaurer une dépendance à l’aide alimentaire. Dans un contexte économique difficile, combler les besoins urgents prime souvent sur les solutions structurantes et durables.

L’efficacité des interventions en promotion des saines habitudes de vie et plus précisément en alimentation nécessite la combinaison d’actions individuelles (connaissances, attitudes et comportements), dont la communication, et d’actions environnementales plus structurantes. Celles-ci visent notamment à influencer la disponibilité et l’accessibilité des aliments. En complémentarité à l’éducation et à la sensibilisation en matière de saine alimentation, on agit pour faciliter l’accès à des aliments nutritifs au quotidien. L’ensemble des acteurs impliqués dans le développement de politiques nutritionnelles doit faire en sorte que des aliments nutritifs soient accessibles pour l’ensemble de la population, incluant les personnes en situation de pauvreté.

Soutenir la sécurité alimentaire des communautés et des individus

Pour soutenir les individus et les familles vulnérables, les directions de santé publique des différentes régions du Québec disposent d’un budget global de 3,2 M $. Elles subventionnent différentes initiatives concertées en matière de sécurité alimentaire : le partage de connaissances et d’habiletés culinaires par des cuisines collectives et éducatives ; des regroupements d’achats permettant de bénéficier de rabais sur plusieurs denrées ; une amélioration de l’accès aux fruits et légumes frais par du jardinage collectif, le démarrage de marchés publics dans des quartiers défavorisés, une plus grande accessibilité à des aliments traditionnels dans les communautés autochtones. Le soutien à de l’aide alimentaire d’urgence est également disponible.

De nombreux partenaires prennent part aux efforts de concertation en sécurité alimentaire pour identifier des solutions adaptées aux besoins des communautés : les organismes communautaires, les municipalités, les conférences régionales des élus, les commissions scolaires, etc. De plus, depuis plusieurs années, la commission scolaire de l’Île-de-Montréal subventionne des repas et des collations pour les élèves fréquentant des écoles situées dans des secteurs défavorisés.

Des politiques nutritionnelles visant la création d’environnements favorables

En 2006, le Québec s’est doté d’un Plan d’action gouvernemental en promotion de saines habitudes de vie et en prévention des problèmes reliés au poids 2006-2012 [3], qui vise à améliorer la qualité de vie de la population québécoise en lui permettant de vivre dans des environnements favorisant l’adoption de saines habitudes de vie, soit un mode de vie physiquement actif et la saine alimentation. Le ministère de la Santé et des Services sociaux est responsable de la coordination et de la mise en œuvre de l’ensemble du plan d’actions en collaboration avec sept ministères et trois organismes gouvernementaux. Depuis deux ans, le développement de politiques nutritionnelles visant différents milieux de vie a été le moteur des actions en matière de saine alimentation.

Les écoles primaires et secondaires du Québec ont pris, au cours de la dernière année, un virage santé. La Politique-cadre pour une saine alimentation et un mode de vie physiquement actif, Pour un virage santé à l’école, élaborée par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) en collaboration avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, a été lancée en septembre 2007. On y présente des orientations pour améliorer la qualité de l’offre alimentaire dans les écoles primaires, secondaires et les centres de formation professionnelle et technique. Des adaptations ou des mesures spécifiques pour les personnes à faibles revenus doivent s’intégrer ou compléter les politiques visant à améliorer l’environnement alimentaire dans différents milieux.

Les politiques nutritionnelles jumelées à des politiques sociales : un défi

Les politiques nutritionnelles ont toutefois leurs limites pour réduire les inégalités sociales de l’alimentation. Les solutions à long terme reposent aussi sur des mesures structurantes complémentaires, comme les politiques liées au revenu, au transport, au coût de l’énergie et du logement. Celles-ci ont des effets directs sur le pouvoir d’achat des individus et ont donc le potentiel de réduire les inégalités sociales de l’alimentation. Un grand défi auquel les décideurs sont confrontés est de planifier des politiques nutritionnelles tout en influençant les politiques sociales de façon à ce que le pouvoir d’achats alimentaires puisse s’améliorer au sein des groupes vulnérables.

Martine Pageau, responsable des politiques de nutrition du Ministère de la santé et des services sociaux du Québec. Extrait de la revue de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) La santé de l’homme , n°399 - janvier/février 2009.


[1L’insécurité alimentaire liée au revenu est définie dans le cadre de cette enquête par une expérience allant de la crainte de manquer de nourriture jusqu’au manque effectif de nourriture dû à un manque d’argent.

[2Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), cycle 2.2, nutrition (2004). Sécurité alimentaire liée au revenu dans les ménages canadiens. Tableaux de données supplémentaires. Bureau de la politique et de la promotion de la nutrition, direction générale des produits de santé et des aliments, 2007 : p. 25.
En ligne

[3Lachance B., Pageau M., Roy S. Investir pour l’avenir, Plan d’action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids 2006-2012. Gouvernement du Québec, 2006 : 50 p

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Date de première rédaction le 16 juillet 2009.
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