Le nombre d’allocataires de minima sociaux ne baisse plus
La baisse du nombre d’allocataire du RSA repart à la hausse et témoigne des premiers effets économiques et sociaux de l’épidémie de Covid-19.
Publié le 26 novembre 2020
https://www.inegalites.fr/Le-nombre-d-allocataires-de-minima-sociaux-ne-baisse-plus - Reproduction interditeLes données sur le nombre d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA) sont connues après un trimestre, plus rapidement que celles sur les revenus. Elles apportent une indication plus précoce de l’évolution de la situation sociale. En juillet 2020, les dernières statistiques du RSA portent sur la fin du premier trimestre de l’année et ne reflètent donc encore guère les effets de la crise sanitaire, sauf pour la toute fin du mois de mars. À cette date, 1,9 million de foyers [1] touchaient cette prestation, soit 2 % de plus que l’année précédente. La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) qui publie ces chiffres souligne que la décision de maintenir leurs droits aux foyers n’ayant pas déclaré leurs revenus et la suspension des actions de contrôle avec le confinement ont contribué à la hausse constatée en mars 2020 [2]. Avant le second confinement, de nombreuses nouvelles demandes avaient déjà été enregistrées et on estimait que les dépenses liées au RSA allaient augmenter de 10 % en 2020.
Source : Cnaf – © Observatoire des inégalités
L’évolution favorable de l’emploi à partir de 2015 s’est répercutée, après un délai de quelques mois, sur celle des allocataires du RSA dont le nombre a baissé de 80 000 au cours de l’année 2016 (- 5 %). Le moteur s’est ensuite vite grippé car la croissance est demeurée faible, profitant surtout à ceux qui étaient le moins éloignés de l’emploi. La suppression de très nombreux contrats aidés à l’automne 2017 n’a pas arrangé les choses. La crise sanitaire va avoir de lourdes conséquences sur la précarité, même si son impact sur les moins de 25 ans – écartés du RSA – ne sera pas visible dans les prochaines données des allocataires de minima sociaux.
Le nombre total d’allocataires de minima sociaux augmente légèrement
Tous minima confondus, le nombre total de ménages allocataires atteint près de quatre millions. Il a fortement progressé dans les années 2010 et augmente encore très légèrement depuis 2016. Cette évolution dépend essentiellement des quatre principaux minima français : le RSA (personnes pauvres de 25 ans ou plus), l’allocation de solidarité spécifique (chômeurs en fin de droits), l’allocation adulte handicapé et le minimum vieillesse. Le nombre d’allocataires de ces minima varie dans des sens différents, qui se compensent partiellement.
Jusqu’à la fin des années 2000, hormis la phase de montée en puissance du revenu minimum d’insertion (RMI) au début des années 1990, le nombre total de foyers allocataires de minima sociaux stagnait autour de trois millions. La hausse de la pauvreté des adultes (allocataires du RMI puis du RSA) était compensée par la baisse de celle des plus âgés (minimum vieillesse ou veuvage). La réduction du nombre de personnes âgées pauvres était liée en particulier à l’amélioration du niveau de retraite des femmes, du fait de la hausse de leur taux d’activité depuis les années 1970.
Depuis le milieu des années 2000, le nombre d’allocataires du minimum vieillesse a atteint un plancher. Les carrières professionnelles des femmes continuent à s’améliorer, mais de plus en plus de salariés (femmes ou hommes) arrivent à l’âge de la retraite avec des pensions amputées par les effets de la montée du chômage et de la précarité. Le nombre de ceux qui touchent l’allocation de solidarité spécifique reste stable, voire diminue, depuis 2015. En revanche, le nombre de bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé s’est accru de 40 % au cours des dix dernières années connues (2008-2018), dépassant le million. Ceci s’explique notamment par l’élargissement des conditions pour y avoir droit, mais reflète aussi un retrait du marché du travail de personnes marquées physiquement. La progression est semblable pour le nombre d’allocataires du RSA (+ 44 %). Au total, le nombre d’allocataires de minima sociaux s’est accru de 3 à 3,9 millions entre 2008 et 2015 (+ 25 %), il a ensuite continué à augmenter, faute de réelle reprise de l’activité économique, mais moins rapidement qu’avant.
Un changement de méthode en 2016 rend difficiles les comparaisons pour les années récentes. Si l’on utilise la nouvelle méthodologie, la seule évolution notable entre 2016 et 2018 est la poursuite de la progression du nombre de ceux qui perçoivent l’allocation adulte handicapé (+ 60 000, soit + 5,7 % en deux ans). Enfin, les données sur l’ensemble des minima sociaux sont publiées avec 18 mois de délai. À l’été 2020, elles ne portent que sur la fin de l’année 2018. Il faudra donc attendre l’automne 2022 pour mesurer l’impact global qu’aura eu l’effondrement de l’activité qui a suivi la crise sanitaire du printemps 2020. Cette dernière devrait peu toucher les plus âgés ou les personnes handicapées, faiblement sensibles aux variations de l’activité économique, mais risque d’affecter profondément les actifs et se traduire par une forte hausse du nombre d’allocataires du RSA, comme de l’allocation de solidarité spécifique. L’ampleur du phénomène dépendra pour beaucoup du niveau de la reprise de l’activité.
Photo / © Delphimages
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