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La représentation des catégories sociales à la télévision

Les cadres supérieurs représentent 65 % des personnes identifiables à la télévision, les ouvriers 2 %. Cette déformation de la structure sociale a des conséquences politiques. Extrait du Centre d’observation de la société.

Publié le 7 novembre 2025

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Modes de vie Catégories sociales Lien social, vie politique et justice

Autant il existe un débat sur la place des femmes et des personnes non blanches à la télévision, autant celle des milieux populaires n’interpelle personne. Pourtant, le décalage est énorme. Alors que les cadres supérieurs représentent 10 % de la population, ils composent les deux tiers des personnes visibles sur le petit écran (dans les fictions, les divertissements ou encore les programmes d’information), selon l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) [1]. Cette étude a été réalisée en observant les personnes qui prennent la parole, sauf dans les publicités et les bandes-annonces [2]. Les professions intermédiaires, le cœur des classes moyennes, qui représentent 14 % de la population, ne sont que 5 % dans ce cas à la télévision. Si les employés, soit 15 % de la population, sont un peu moins sous-représentés, avec 8 % des personnages entendus à la télévision, les ouvriers n’occupent qu’une portion congrue : seulement 2 %, pour 12 % de la population.

Représentation des catégories sociales à la télévision
Unité : %
Part dans la population
Représentation à la télévision
Artisans, commerçants34
Agriculteurs exploitants11
Cadres, professions intellectuelles libérales, chefs d'entreprise1065
Professions intermédiaires145
Employés158
Ouvriers122
Retraités332
Autres inactifs1213
Ensemble100100
Ces données sont établies à partir du visionnage des principales chaines de télévision.
Lecture : 4 % des personnes visibles à la télévision sont des artisans ou commerçants.
Source : Arcom – Données 2021 – © Observatoire des inégalités

Selon l’Arcom, cette situation se dégrade [3]. Entre 2013 et 2023, la part des employés et ouvriers a été divisée par deux, de 16 % à 8 %, avec un déclin notable notamment à partir de 2017. Une évolution d’autant plus difficile à expliquer que la crise des « gilets jaunes » en 2019 a souligné la faible représentation médiatique des catégories populaires. Visiblement, cela n’a pas fait évoluer le comportement des chaînes de télévision.

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Ces données sont fragiles : la catégorie sociale des personnes est évaluée par des experts qui visionnent les programmes. La profession qu’il exerce n’est pas affichée par celui qui passe à l’antenne, elle n’est pas toujours identifiable. Les retraités sont considérés par l’Arcom comme un groupe social, alors que ce n’en est pas un : il y a des retraités cadres, ouvriers, employés, etc. Par ailleurs, la sur-représentation des cadres est normale, puisque la télévision fait intervenir de nombreux experts, ce qui est une bonne chose. Il vaut mieux demander l’avis d’un médecin sur les mesures à prendre pour lutter contre une pandémie, que prendre en compte les préconisations du premier passant venu.

Pour autant, l’ampleur de l’écart de représentation entre les catégories sociales pose problème. Les cadres sont 30 fois plus présents à l’antenne que les ouvriers et 6,5 fois plus qu’ils ne le devraient si le temps d’antenne était réparti en fonction de leur part dans la population. La télévision construit une image déformée de la société, largement plus favorisée que ce qu’elle est. « En 2023, les CSP - [ouvriers et employés, ndlr] étaient complètement absentes du sujet politique, qui est traité à 95 % par des cadres », souligne l’Arcom dans son rapport. En sous-représentant certains groupes de la société, on accroit le succès d’émissions où les animateurs parlent au nom du peuple de manière démagogique, dans l’excès et la polémique, dans le but d’augmenter l’audience et de maximiser les ressources publicitaires.

Il faudrait pouvoir dépasser cette mesure du temps d’antenne. Le déséquilibre est autant dans le temps donné à tel ou tel que dans les possibilités d’expression de la personne qui prend la parole : ceux et celles qui représentent le pouvoir (cadres dirigeants, experts, élus, etc.) ont manifestement droit à un traitement bien plus favorable – en termes d’interruptions, de contradiction, etc. – que les catégories populaires ou leurs représentants (les syndicalistes notamment). Les premiers sont plus souvent présentés dans des situations favorables que les seconds.

L’égalité de présence des catégories sociales à la télévision n’est pas une fin en soi, mais ce phénomène a un impact sur l’image des catégories sociales dans la société et sur la représentation des intérêts des moins favorisés. Cette déformation du débat influence les politiques publiques, qui, décalées de la réalité sociale, contribuent à nourrir des tensions sociales.

Lecture : la part des personnes identifiables comme appartenant aux catégories populaires est passée de 16 % en 2013 à 8 % en 2023.

Source : Arcom, rapport 2024 – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Article extrait de « Les cadres supérieurs surreprésentés à la télévision », Centre d’observation de la société, 9 octobre 2025.

Photo / Voyage Pro sur Unsplash


[1Voir le « Rapport sur la représentation de la société française dans les médias audiovisuel » remis au Parlement par l’Arcom en juillet 2022.

[2Sur les principales chaines entre 17 et 23 heures en 2021.

[3Voir « La représentation de la diversité dans les médias – 2013-2023 », Arcom, novembre 2024.

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Date de première rédaction le 9 décembre 2011.
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