La population française est très soucieuse du sort des plus démunis. La pauvreté préoccupe plus de huit Français sur dix, selon le baromètre annuel du ministère des Solidarités (donnée 2023). Seuls 3 % ne s’en soucient « pas du tout » et 14 % « peu ». En revanche, depuis 2013, on note une inflexion : la part de ceux que la pauvreté inquiète « beaucoup » a nettement diminué – de 61 % à 39 % – et la part de ceux que la pauvreté préoccupe « peu » a augmenté de 6 % à 14 %. En contrepartie, ceux que la pauvreté inquiète « assez » sont passés de 32 % à 43 %.

91 % des Français estiment que la pauvreté et l’exclusion ont augmenté au cours des cinq dernières années (période 2018-2023). Après avoir progressé dans les années 2000, ce chiffre est stable depuis plus de dix ans. Les préoccupations autour de la pauvreté dépendent de plusieurs facteurs. Elles peuvent être liées à la situation économique et sociale, mais aussi à la médiatisation du phénomène. Sur le long terme, les réponses évoluent de manière assez comparable au nombre de pauvres constaté par l’Insee : entre le début des années 2000 et celui des années 2010, ce nombre a augmenté de 4,2 à 5,2 millions au seuil de pauvreté fixé à 50 % du niveau de vie médian. Le jugement des Français quant à la pauvreté et à l’exclusion s’en ressent.

L’inquiétude pour l’avenir reste forte. La part de la population qui estime que la pauvreté va croitre à l’avenir évolue de manière très similaire au jugement porté sur le passé. 90 % de la population estime en 2023 que la pauvreté va augmenter. Ce chiffre a progressé durant la décennie 2000 de 60 % à plus de 80 %. Ni la reprise de l’emploi constatée depuis 2015, ni les politiques publiques mises en œuvre dans ce domaine ne sont assez efficaces pour modifier cette appréciation. La crise sanitaire n’a eu qu’un faible effet en 2020 et, dès 2021, le chiffre est revenu à son niveau de 2019.

L’appréciation sur sa situation personnelle

La part de la population qui s’estime pauvre a doublé entre 2014 et 2018. Depuis cette date, 18 % de la population se sent concernée. Cette proportion est deux fois plus élevée que la pauvreté monétaire mesurée au seuil de 50 % du niveau de vie médian. La part de personnes qui pensent qu’elles risquent de devenir pauvres a en revanche diminué de 32 % à 16 % entre 2014 et 2023. Au total, trois personnes sur dix se jugent pauvres ou craignent de le devenir. Ce pessimisme n’a rien d’exagéré. Ce chiffre est comparable à la part de personnes ayant été confrontées à la pauvreté au cours d’une période de cinq années, selon une étude de l’Insee réalisée en 2012 [1].

Pour les personnes interrogées, le mot « pauvreté » ne signifie pas vivre dans la misère, mais traduit une inquiétude forte par rapport aux niveaux de vie, fondée sur les difficultés sociales qui touchent en particulier les milieux populaires. Pour les plus démunis, les revenus n’augmentent plus en effet depuis une vingtaine d’années, contrairement aux catégories supérieures. À cela s’ajoute la crainte de perdre son emploi dans un contexte de précarisation du monde du travail, même si le chômage diminue. Ces peurs sont au cœur de tensions sociales majeures.

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Cet article est extrait du Rapport sur la pauvreté en France qui vient de paraitre. Rapport sur la pauvreté en France, édition 2024-2025. Sous la direction d’Anne Brunner et Louis Maurin, édition de l’Observatoire des inégalités, décembre 2024. AJOUTER AU PANIER Voir le sommaire

Photo / © Ivonne Lecou