L’Assemblée nationale ne compte quasiment plus de représentants des milieux populaires
À quand la parité sociale à l’Assemblée nationale ? Employés et ouvriers représentent la moitié de la population active et comptent pour dix fois moins parmi les député(e)s. Contrairement à la question du genre, la composition sociale intéresse peu, y compris dans les instances représentatives.
29 novembre 2018
https://www.inegalites.fr/L-Assemblee-nationale-ne-compte-quasiment-plus-de-representants-des-milieux - Reproduction interditeLe renouvellement politique de juin 2017 à l’Assemblée nationale a entraîné une forte augmentation de la part de femmes parmi les élus mais il ne s’est pas accompagné d’un renouvellement social. Si 4,6 % des députés sont employés, aucun n’est ouvrier, alors que ces catégories représentent la moitié de la population active, selon l’Institut Diderot [1]. À l’inverse, les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 76 % des élus, soit 4,4 fois plus que leur part dans la population active.
Les catégories populaires (ouvriers et employés) représentaient un peu moins de 20 % des députés lors de la première législature (1946-1951) de la IVème République, soit 98 députés sur 522. Ce sera la représentation la plus forte depuis la création de l’Assemblée nationale jusqu’à aujourd’hui. En 1958, cette part était déjà ramenée à 4 %. La poussée de la gauche aux élections de 1967 (Vème République) a conduit à une remontée à 9 % de l’ensemble. Une législature qui dure peu : l’Assemblée est dissoute en mai 1968. Par la suite, la représentation des catégories populaires ne va cesser de se réduire, alors que cet ensemble constitue toujours environ la moitié de la population active.
Suite aux législatives de 2017, les 26 députés de la catégorie « employés » [2] représentent 4,6 % de l’ensemble, ce qui est tout de même mieux qu’en 2012 où ils étaient 2,6 %. L’arrivée d’une nouvelle majorité La République en Marche, nouveau parti, a permis un renouvellement, quoique modeste, du personnel politique. Il faut ajouter que les nouveaux élus, nombreux, sont aussi plus proches de leur ancien métier alors qu’auparavant une part plus importante était devenu des professionnels de la politique peu en lien avec leur milieu social d’origine.
Il est bien difficile, quand on vient d’un milieu populaire, d’accéder à l’Assemblée nationale. Pour être candidat, il faut appartenir aux réseaux du pouvoir et tisser des liens qui dépassent la sphère politique (amis, relations de travail, etc.), savoir et oser s’exprimer en public. Il faut également pouvoir consacrer de longues heures à la politique au-delà de son temps de travail pour s’investir dans les réunions où les enjeux de pouvoir se décident. Les salariés les moins diplômés du secteur privé sont très défavorisés : en cas d’échec après un premier mandat, rien ne garantit leur avenir professionnel.
L’absence des milieux populaires résulte par ailleurs de deux grands facteurs : à la fois de l’effondrement du parti communiste (représentant historique de la classe ouvrière) et de l’embourgeoisement du parti socialiste, devenu un parti de diplômés. Pas plus que pour la représentation des sexes, celle des catégories sociales ne garantit une politique plus juste, mais le fait que les ouvriers et les employés ne s’y expriment plus devrait néanmoins préoccuper les commentateurs. L’écart est considérable entre l’ampleur du débat suscité par l’absence des femmes au Parlement et celui, presque inexistant, sur la représentation des milieux populaires.
Source : Institut Diderot - Données 2017 - © Observatoire des inégalités
Source : Patrick Lehingue (données jusqu'en 2007), Institut Diderot, puis Institut des politiques publiques pour 2022 - © Observatoire des inégalités
Voir aussi L’origine sociale des élus ne reflète pas la société, même au niveau local
Photo / Coucouœuf (Wikimedia Commons)
[1] « Une Assemblée nationale plus représentative ? Mandature 2017-2022. Sexe, âge, catégories socioprofessionnelles et pluralité visible », Eric Keslassy, Les Notes de L’Institut Diderot, septembre 2017.
[2] Le terme « employé » est assez vague et intègre parfois des professions intermédiaires au sens de l’Insee (anciens « cadres moyens »).
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