Analyse

Comment évoluent les catégories sociales en France ?

Au cours des trois dernières décennies, les emplois ont subi une translation vers le haut : les cadres et les professions intermédiaires représentent une part de plus en plus importante des emplois en France. Néanmoins, les ouvriers et employées occupent toujours près d’un emploi sur deux. Une analyse extraite du Centre d’observation de la société.

Publié le 17 mai 2023

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Emploi Catégories sociales

La structure de l’emploi par catégorie socioprofessionnelle est tirée vers le haut par l’élévation des qualifications, le développement du secteur des services et le déclin de l’industrie. La part des cadres supérieurs parmi les emplois a presque triplé entre 1982 et 2021, de 8 % à 22 %. Celle des anciens « cadres moyens », devenus les « professions intermédiaires [1] », a augmenté de 19 % à 25 %. Rassemblés, les cadres supérieurs et les professions intermédiaires forment 47 % des emplois, contre 27 % au début des années 1980.

Au cours des trois dernières décennies, la part des catégories populaires [2] a diminué. Les ouvriers ont vu fondre leurs effectifs, de 30 % à 19 % du total. La part des employés se situe à 26 % en 2021, au même niveau qu’en 1982. Si les métiers de ces deux catégories sociales diffèrent, ouvriers et employés partagent de faibles niveaux de rémunération et de diplôme. Nombre d’employés exercent des métiers aux conditions similaires à celles des ouvriers : faible autonomie, pénibilité physique et forte précarité de leur statut. Ces deux grandes catégories ont des modes de vie communs et un grand nombre de couples sont formés d’un homme ouvrier et d’une femme employée.

Deux autres grandes catégories sociales – composées de professions indépendantes aux statuts très inégaux – ont perdu du terrain : l’ensemble « artisans, commerçants et chefs d’entreprise » (de 8 % à 6,5 %), et surtout les agriculteurs exploitants (7 % à 1,5 % de l’emploi).

Baisse de la part des employés

La période récente est marquée par plusieurs évolutions, rarement évoquées dans le débat public. Depuis 2008, la part des employés a baissé de 30 % à 26 %, rompant des décennies de progression. L’« archipel des employés », si bien décrit par le sociologue Alain Chenu [3], vacille. Si la part des employés qualifiés décline depuis le début des années 2000, c’est aussi le cas des employés non qualifiés depuis le milieu des années 2010.

Les professions intermédiaires – le cœur des classes moyennes – sont devenues la deuxième catégorie sociale en taille (25 % des emplois), juste après les employés. La part des cadres supérieurs, dont la dynamique est réelle, est passée devant celle des ouvriers en 2019. L’allongement des scolarités et l’élévation globale des qualifications alimentent cette transformation. Enfin, la diminution historique de la part des non-salariés (artisans, commerçants et chefs d’entreprise) est enrayée depuis le milieu des années 2000. On n’assiste pas à l’explosion souvent décrite du travail indépendant [4], même si le salariat – qui regroupe neuf emplois sur dix – semble avoir atteint un plafond.

Lecture : en 2021, 26,1 % des emplois sont des postes d'employés.

Source : Insee – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Translation vers le haut

La structure sociale de l’emploi en France est marquée par une translation vers le haut et non par un phénomène de polarisation [5], comme on l’indique parfois. La part des professions intermédiaires (le cœur des couches moyennes) et celle des cadres supérieurs (dont une partie constitue le haut des classes moyennes) progressent nettement. Le phénomène dit de « moyennisation » se poursuit à un rythme lent [6] .

Encore faudrait-il éviter d’exagérer ce mouvement, qui n’est pas inéluctable. La baisse de l’emploi peu qualifié dans les services ne date que de quelques années, et elle est en partie compensée par la progression de non-salariés qui occupent des emplois d’exécution payés à la tâche, par exemple pour les plateformes de livraison de repas. Par ailleurs, la diminution en cours de la part des catégories populaires ne doit pas faire oublier que, globalement, presque un emploi sur deux demeure occupé par un employé ou un ouvrier. Les classes populaires existent encore en France.

Comment les catégories socioprofessionnelles sont-elles construites ?
L’Insee classe la population en ensembles cohérents selon le métier exercé, à partir de critères tels que la place dans la hiérarchie du travail et le fait d’être salarié ou non. L’objectif est de décrire la société en fonction de milieux sociaux relativement homogènes.

On parle souvent de « catégories populaires » pour désigner les personnes qui travaillent à des postes d’exécution d’ouvrier ou d’employé. Les professions intermédiaires constituent le cœur des couches moyennes. Leur ancienne appellation était d’ailleurs « cadres moyens ».

Une partie des ouvriers et des employés pourrait se ranger parmi les classes moyennes, de même que certains cadres « supérieurs ». Les non-salariés (agriculteurs, commerçants, etc.) sont difficiles à rattacher à une catégorie populaire, moyenne ou supérieure, car ils sont composés de populations très variées.

Extrait de « Comment évoluent les catégories sociales en France ? », Centre d’observation de la société, 27 mars 2023.

Photo / © Henrique Felix - Unsplash.com


[1Professions intermédiaires : situées entre les cadres supérieurs et les métiers d’exécution, ce sont des cadres moyens, des instituteurs, des infirmières, des assistantes sociales, etc.

[2Catégories populaires : ouvriers et employés.

[3L’archipel des employés, Alain Chenu, Insee, 1991.

[4Voir « Le travail à la tâche se développe peu », Centre d’observation de la société, 16 août 2020.

[5Polarisation : croissance des emplois aux deux bouts de l’échelle, des métiers les plus et les moins qualifiés.

[6« Des classes moyennes toujours en progression », Centre d’observation de la société, 27 mars 2023.

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Date de première rédaction le 17 mai 2023.
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