Point de vue

Assistés : les nouveaux boucs émissaires du débat public

Allocations familiales, aides au logement, RSA… seraient-ils les privilèges d’une société d’assistés ? DataGueule, avec l’Observatoire des inégalités, remet les choses à leur place.

Publié le 8 décembre 2016

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Les bénéficiaires de minima sociaux sont-ils des assistés ? La dernière vidéo de DataGueule, une « web série » diffusée sur France 4 et Youtube remet les choses à leur place. L’Observatoire des inégalités y a contribué.

Les bénéficiaires de l’aide sociale seraient des profiteurs, voire des tricheurs ? Qui coûte cher à notre système social ? Le montant de la fraude aux prestations sociales représente 350 millions d’euros en 2013 selon la Sécurité sociale. Ce montant est à comparer avec les 20 à 25 milliards, soit près de 60 fois plus, de la fraude aux cotisations sociales des entreprises. Il y a bien deux poids deux mesures dans le débat. RSA, prime d’activité, CMU complémentaire, bien loin de la fraude généralisée, c’est plutôt le non-recours qui est fréquent. Une grande partie des allocataires potentiels ne réclament pas leur dû, par ignorance de leur droit ou par peur d’être stigmatisé. Qui se dore la pilule aux frais de la protection sociale ? L’immense majorité des chômeurs acceptent le premier boulot qui vient, qu’il soit précaire ou mal payé. Comment, sinon, le taux de précarité atteindrait 50 % chez les jeunes qui travaillent ?

Un grand nombre d’élus, de droite ou de gauche, ont trouvé avec les ’assistés’ une cible facile sur laquelle tirer, pour tenter de s’attirer les faveurs des couches populaires en désignant un bouc émissaire à leurs difficultés [1]. Pour Laurent Wauquiez, député LR de Haute Loire, l’assistanat est le « cancer » de notre société. Image qui plaira aux six millions de personnes qui vivent de minima sociaux. Dans le collimateur d’Emmanuel Macron, ancien ministre de l’Economie, les sans-emploi qui se la coulent douce : « Si j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre, j’essaierais de me battre d’abord », expliquait-il en 2015.

Notre modèle social est désigné coupable. Coupable de ne pas inciter à la reprise du travail. Et ceux qui en bénéficient responsables de leur situation. Responsables de ne pas avoir des qualifications suffisantes, de devoir travailler dans des secteurs et dans des conditions pénibles, que la société ne reconnaît pas comme dignes d’un revenu correct ? Cela interroge les valeurs de notre société. Qui mérite quoi, et qui décide de qui mérite quoi ? Cela questionne notre solidarité. Notre modèle social ne repose-t-il pas sur le fait que tous, un jour ou l’autre, nous pouvons être en difficulté, sans solidarité familiale, et qu’alors nous ne devrions pas être abandonné sur le bord de la route, avec notre seul sentiment d’échec ? Pour cela, quelques centaines d’euros par mois peuvent aider. Aider, non suffire. Non, on ne vit pas aisément avec 500 euros par mois, le montant du RSA et ce que touche 50 % des chômeurs… C’est moins de la moitié du seuil de pauvreté. Non, on ne vit pas confortablement à enchaîner petits boulots pénibles en intérim et périodes de chômage. Notamment parce qu’on n’a pas de diplômes.

Au fait : qui bénéficie réellement de notre modèle social ? De ses retraites ? D’un enseignement supérieur élitiste, où les ultra-favorisés sont même parfois payés pour étudier ? Qui fréquente l’opéra, les musées et le théâtre, largement subventionnés par notre modèle social ? Les assistés de la France d’en haut sont, eux, intouchables.

Nous sommes tous des assistés et c’est une bonne chose. Nous sommes protégés par un modèle social qui a bien des défauts, mais qui reste parmi les meilleurs au monde. De l’éducation à la santé, en passant par la culture, les routes, les transports, chacun peut compter sur les services publics. À égalité.

Il faut stopper cette spirale, qu’elle soit anti-pauvres ou anti-immigrés, qui entraîne notre pays dans une voie qui ne peut que mener aux tensions et au chaos. Il est temps de réagir avec force contre ces discours qui délitent le lien social. À droite comme à gauche, l’immense majorité des élus ne partagent pas ces valeurs. Il faut traquer les abus qui existent dans tous les milieux, mais il faudrait surtout d’urgence s’attaquer aux besoins concrets de tous ceux qui sont à la peine dans une France en crise, des jeunes en galère, des femmes seules, des sans-diplôme.

Louis Maurin et Nina Schmidt


[1Le même mécanisme existe avec les immigrés.

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Date de première rédaction le 8 décembre 2016.
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