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Quelles sont les inégalités d’espérance de vie en fonction du revenu ?

Treize années d’espérance de vie à la naissance séparent les hommes les plus pauvres des plus riches en France. L’espérance de vie des hommes les plus modestes est de 71 ans, contre 84,4 pour les plus aisés.

Publié le 6 octobre 2022

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Chez les hommes, treize années d’espérance de vie à la naissance séparent les 5 % les plus pauvres, qui vivent en moyenne avec 470 euros mensuels pour une personne, et les 5 % les plus riches qui disposent de 5 800 euros, selon les données de l’Insee (période 2012-2016) [1]. Les hommes les plus modestes peuvent compter sur 71,7 années de vie, contre 84,4 pour les plus aisés. Quant aux femmes, les plus pauvres ont une espérance de vie de 80 ans, contre 88,3 années pour les plus riches.

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Il faut interpréter ces données avec beaucoup de prudence car le niveau de revenu des personnes n’est pas fixe tout au long de la vie (voir encadré). L’espérance de vie selon le revenu est une notion fictive qui fait « comme si » une personne restait toute sa vie parmi les 5 % les plus pauvres ou les plus riches par exemple. Le calcul est très théorique, beaucoup plus que l’espérance de vie selon le diplôme, la catégorie sociale ou surtout le sexe.

Pour autant, étudier le lien entre durée de la vie est revenu garde son intérêt : cela montre l’impact que peut avoir le niveau de vie sur la santé. L’espérance de vie augmente très rapidement avec le revenu jusqu’à 2 500 euros mensuels. Mais au-delà, parmi les plus riches, le revenu joue peu. L’écart entre femmes et hommes est de huit années pour les moins aisés, mais se réduit de moitié en haut de l’échelle des revenus. Les femmes les plus pauvres ont une espérance de vie presque équivalente au niveau du tiers le plus aisé des hommes.

Comment expliquer un tel écart ? Les plus aisés sont ceux qui appartiennent aux catégories sociales les plus favorisées, dont les métiers sont les moins usants physiquement. Ces milieux sont aussi plus attentifs à la prévention en matière de santé (voir notre article « Les inégalités d’espérance de vie entre les catégories sociales se maintiennent »). L’Insee relève ainsi que la part de fumeurs est deux fois plus élevée chez les non-diplômés (39 %) que chez les diplômés (21 %), selon l’enquête Baromètre santé de 2016.

Reste que, pour l’institut, le niveau de vie a un effet spécifique sur la santé : « à un instant donné la probabilité de décéder diminue avec l’élévation du niveau de vie non seulement à diplôme identique, mais aussi « toutes choses égales par ailleurs » (c’est-à-dire à sexe, âge, diplôme, catégorie sociale et région de résidence donnés) », analyse Nathalie Blanpain, l’auteure de l’étude. Ainsi, parmi les sans-diplôme, l’espérance de vie à 35 ans des hommes est de 39 années pour ceux qui vivent avec moins de 1 000 euros mensuels contre 46 années pour ceux qui disposent de plus de 3 500 euros. Le risque de décès instantané des 5 % les plus pauvres est 1,8 fois supérieur à celui des 5 % les plus aisés, une fois qu’on a annulé l’impact des autres facteurs socio-démographiques analysés.

Le revenu a donc un effet, indépendamment des autres facteurs. Pour certains soins, le reste à charge pour les patients demeure élevé. Les plus aisés ont la possibilité de payer plus cher (dépassements d’honoraires) pour accéder plus vite à des soins de meilleure qualité. L’Insee rappelle que 11 % du cinquième de la population le plus modeste dit avoir renoncé aux soins au cours de l’année, selon l’enquête Santé et protection sociale de 2014, contre seulement 1 % du cinquième de la population le plus aisé.

Ce n’est pas la seule explication. L’analyse des variations d’espérance de vie au niveau international montre que, parmi les pays riches, le lien est faible entre la qualité et l’accessibilité du système sanitaire et l’espérance de vie. Disposer d’un bon niveau de vie, c’est aussi disposer des moyens de mieux s’alimenter, de pratiquer certains loisirs, de prendre des congés, de se loger plus convenablement, d’être moins inquiet sur son avenir, etc. Bref, d’avoir un environnement de vie général de meilleure qualité. On note qu’à partir d’un peu moins de 2 800 euros mensuels par personne (on entre alors au sein des 10 % les plus riches), l’effet du revenu ne joue plus.

L’Insee s’interroge aussi sur le sens du lien. Le faible niveau de vie peut aussi être la conséquence et non la cause d’une mauvaise santé : un accident du travail ou une longue maladie par exemple se répercutent sur le revenu. Enfin, l’institut explique qu’un facteur commun (qui reste à déterminer) pourrait expliquer une meilleure santé et un niveau de vie supérieur. « Par exemple, obtenir un salaire élevé malgré l’absence de diplôme pourrait refléter des aptitudes à la fois favorables dans le domaine professionnel et dans le domaine de la santé », analyse Nathalie Blanpain.

L’espérance de vie
L’espérance de vie à la naissance est le nombre moyen d’années que vivrait un nourrisson, compte tenu des conditions de mortalité du moment. C’est donc une donnée fictive et non pas la durée de vie observée pour une génération donnée qu’on ne connaît qu’à la fin de sa vie, par définition. Par ailleurs, l’espérance de vie selon le revenu impose que celui-ci soit fixe tout au long de la vie, ce qui n’est pas le cas.

Photo / © Sondem - Fotolia

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Date de première rédaction le 6 février 2018.
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