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Pauvreté dans les Dom : enfin des données précises

Pour la première fois, la pauvreté dans les DOM est évaluée selon les mêmes critères qu’en métropole. Les taux de pauvreté en outre-mer atteignent des sommets : de 33 % en Martinique à 77 % à Mayotte.

Publié le 26 novembre 2020

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Revenus Pauvreté

La note de l’Insee sur les revenus [1] dans les départements d’outre-mer, publiée à l’été 2020, n’a pas fait grand bruit alors qu’elle offre des données tout à fait inédites. Pour la première fois, l’Insee a dévoilé le taux de pauvreté de chacun de ces départements, mesuré en utilisant le seuil de pauvreté national fixé à 60 % du niveau de vie médian, et non le seuil local, pour l’année 2017. C’est la première fois qu’un taux est publié pour Mayotte. Résultat : plus de 30 % des habitants de Martinique et de Guadeloupe sont pauvres, 42 % à La Réunion, 53 % en Guyane et même 77 % à Mayotte. De quoi s’alarmer.

Seuil de pauvreté de 60 % du niveau de vie médian. Lecture : 33 % des habitants de la Martinique vivent sous le seuil de pauvreté.

Source : Insee – Données 2017 – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Le seuil de pauvreté est défini en proportion du niveau de vie médian [2]. Pour ces départements situés hors de la métropole, l’Insee avait pris l’habitude d’utiliser comme référence le niveau de vie médian local au lieu du niveau de vie médian national, comme si les DOM n’appartenaient pas au territoire national. Le niveau de vie local étant beaucoup plus faible, cela réduisait sensiblement le nombre de personnes pauvres, et le taux de pauvreté. Selon l’ancien mode de calcul, le seuil de pauvreté pour 2017 aurait été abaissé à 550 euros mensuels (après impôts et prestations sociales) en Guyane, presque deux fois moins que le seuil national (1 020 euros [3]). En conséquence, le taux de pauvreté se serait élevé à 23 % au lieu de 53 %. Cette situation, qui aurait indigné s’il s’agissait du Cantal ou de la Creuse, n’a pendant longtemps guère suscité de débat. Au fond, la population la plus défavorisée des DOM, du fait de sa prétendue « différence » géographique, devait se satisfaire d’une norme de niveau de vie inférieure à celle de la métropole.

Les nouvelles données de l’Insee permettent de documenter une situation que connaissent bien les observateurs de ces territoires. Alors que les plus pauvres y sont particulièrement démunis, les plus riches y vivent très bien. Ces derniers disposent de revenus très proches de ceux de la métropole. En Martinique, le seuil d’entrée au sein des 10 % les plus riches est de 3 100 euros mensuels en 2017, un seuil même supérieur à celui de la métropole (3 010 euros), alors que les 10 % les plus pauvres touchent au mieux 630 euros mensuels, contre 900 euros dans l’Hexagone. D’un côté, la richesse est accaparée par une minorité dont une partie vit d’une économie de rente, faiblement concurrentielle. De l’autre, la plus grande misère persiste, alimentée notamment par de très faibles niveaux de qualifications et le manque d’emplois pour les jeunes. En Guadeloupe par exemple, 45 % des moins de 35 ans, 48 % des peu ou pas diplômés et 83 % des chômeurs ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté.

Les prestations sociales amortissent partiellement les difficultés. Elles font baisser de dix points le taux de pauvreté dans les DOM, contre sept points en métropole. Comme le souligne l’Insee, cela ne vaut pas pour Mayotte, où le niveau des prestations sociales est inférieur (- 50 % pour le RSA) et où les étrangers régularisés doivent attendre quinze ans avant de les toucher. Dans l’île, 80 % de la population vit avec moins de 1 090 euros par mois pour une personne seule, quasiment le seuil de pauvreté.

Les niveaux de pauvreté dans les DOM, même revus, ne prennent pas en compte les différences du coût de la vie. Selon l’Insee, les prix sont supérieurs à la métropole de 12 % en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe, et de 7 % à La Réunion [4]. Les fonctionnaires disposent d’ailleurs d’une sur-rémunération – de 20 % à 40 % par exemple dans les Antilles – pour compenser ce phénomène. Bas niveaux de vie + prix élevés = les populations survivent en se serrant la ceinture, loin des normes de consommation du continent. Elles doivent logiquement activer toutes les autres solutions de « débrouille », de l’entraide familiale ou amicale, au travail non déclaré notamment.

Crédit photo / CC BY-SA 4.0 - Msire


[1« Une pauvreté marquée dans les DOM, notamment en Guyane et à Mayotte », Insee Première n° 1804, Insee, juillet 2020

[2Le niveau de vie médian est le montant de revenus qui partage la population en deux : la moitié gagne moins, l’autre plus.

[3Ce seuil prend en compte les DOM.

[4« En 2015, les prix dans les DOM restent plus élevés qu’en métropole », Insee Première n°1589, Insee, avril 2016.

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Date de première rédaction le 26 novembre 2020.
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