Point de vue

PME : le miroir aux alouettes

Faiblement innovantes, aux conditions d’emploi dégradées...Le fossé se creuse avec les grands groupes et la fonction publique. Une remise en cause du discours ambiant sur les PME. Un point de vue de Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives Economiques.

Publié le 26 avril 2004

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Emploi

Dans l’océan des mauvaises nouvelles concernant l’emploi, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin croit avoir trouvé un élément de réconfort dans le rythme accru de création d’entreprises. Pourtant, cette progression n’a en fait rien de réjouissant. Elle traduit au contraire la profondeur de la dégradation du marché du travail et conduisent à une montée des inégalités de statut dans l’emploi, l’une des composantes majeures des inégalités dans le monde moderne. De nombreux chômeurs finissent en effet, en désespoir de cause, par se mettre à leur compte, essentiellement dans le commerce. On avait déjà connu un phénomène analogue après la récession de 1993.

Ces microentreprises n’ont, dans 99 % des cas, absolument rien d’innovant et mobilisent le plus souvent très peu de capital. Elles ont des chances de survie très faibles. En cas d’échec, leurs créateurs se retrouvent généralement dans une situation beaucoup plus difficile encore qu’auparavant, du fait notamment d’un endettement supplémentaire important. Ceux qui poussent les chômeurs à créer des entreprises bénéficient le plus souvent eux-mêmes d’un statut très protecteur et connaissent très mal l’économie de marché. Ils sont à l’origine de nombreux drames humains.

L’idée que l’avenir appartiendrait aux PME est pourtant devenue un dogme incontesté en France. Les gouvernements de droite et de gauche qui se sont succédé depuis vingt ans ont poursuivi avec constance des politiques publiques favorables aux PME avec force exonérations fiscales et abaissements de charge. Elles n’ont eu aucun effet macroéconomique positif. Rien d’étonnant : la multiplication des restaurants McDonald’s ou des franchisés Plein Pot n’avait de toute façon aucune chance de doper la croissance française.

Ces politiques ont en revanche puissamment concouru à aggraver ce qu’il est convenu d’appeler la « fracture sociale ». En effet, pour ne pas gêner les patrons de PME censés représenter l’avenir du pays, les pouvoirs publics, de droite comme de gauche, n’ont fait quasiment aucun effort pour faire respecter le droit du travail au sein des petites entreprises. Ils ont au contraire laissé se creuser constamment le fossé qui sépare les conditions d’emploi des salariés (très souvent des salariées) des PME de celles des salariés des grands groupes et de la fonction publique. Contribuant ainsi à ce que beaucoup de ces salariés ne se sentent plus représentés par les partis de gouvernement et se tournent vers les extrêmes ou vers l’abstention.

Pour aller plus loin : « Créations d’entreprises : la quantité ou la qualité », Alternatives Economiques n°224, avril 2004 et « Le libéralisme n’a pas d’avenir », Guillaume Duval, Editions La Découverte.

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Date de première rédaction le 26 avril 2004.
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