Modes de vie : comment les critères d’inégalités se transforment au fil du temps
Les critères que l’on utilise pour observer les inégalités changent au fil du temps. Pour bien comprendre le phénomène, il faut être très attentif aux évolutions sociales. Par Louis Maurin.
Publié le 30 décembre 2025
https://www.inegalites.fr/Modes-de-vie-comment-les-criteres-d-inegalites-se-transforment-au-fil-du-temps - Reproduction interditeSeuls les plus âgés d’entre nous se souviennent du « Radiocom 2000 » des années 1980. Cette mallette comprenait un téléphone doté d’un pouvoir extraordinaire à l’époque : appeler sans être connecté au réseau fixe. Un signe de distinction sociale majeur, souvent réservé aux chefs d’entreprise et aux ministres. Moins loin de nous, il y a une trentaine d’années, seuls 4 % de la population possédaient un téléphone portable. Aujourd’hui, 98 % des 15 ans et plus en sont équipés. Cet écart entre milieux sociaux a quasiment disparu [1]. Avoir ou non un téléphone portable n’est plus une inégalité sociale. La distinction s’est reportée vers le smartphone haut de gamme, et surtout son usage.
Parfois, les choses vont encore plus loin, comme le montre l’exemple de la télévision. Au début des années 1960, seul un Français sur cinq en était équipé. À l’époque, avoir un poste était une composante de la distinction sociale. Puis, tout le monde s’est équipé. Et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est désormais de ne pas avoir de télévision qui distingue : le taux d’équipement en poste de télévision est moins élevé chez les diplômés que chez les non-diplômés. Pour les premiers, faire trôner une télé au milieu de son salon est mal vu car c’est un loisir populaire.
On pourrait prendre de nombreux exemples, comme l’écoute du jazz qui, au début du XXe siècle, était la musique des classes populaires noires américaines et qui, désormais, est écoutée par une frange très diplômée de la population. Il est possible que la même chose se passe à l’avenir avec le rap qui prend ses racines dans le hip-hop des quartiers modestes des grandes villes américaines dans les années 1970.
Ces exemples montrent que les critères qui définissent les inégalités changent au fil du temps. Pour bien comprendre les évolutions sociales, il faut donc être attentif aux nouvelles formes de distinction qui apparaissent ou se développent. Par exemple, dans les années 2020, savoir ou non utiliser l’intelligence artificielle, avoir un logement bien isolé face aux variations de température, être protégé des risques par une assurance de qualité (santé, logement, véhicule, etc.). Le processus de distinction sociale, donc des inégalités, est en perpétuelle évolution en fonction de l’innovation technologique, de la transformation des pratiques de consommation et des modes de vie notamment.
Louis Maurin
Photo / © Choochart Choochaikupt
[1] L’âge demeure un clivage puisque 30 % des plus de 70 ans ne sont pas équipés.
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