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Les plus précaires, victimes de discriminations dans l’accès aux soins

Un peu plus de 10 % des médecins spécialistes refusent de recevoir les personnes couvertes par les aides sociales à la complémentaire santé. Une discrimination mise en lumière par une opération de testing auprès de 1 500 cabinets médicaux.

Publié le 25 septembre 2020

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Modes de vie Santé

9 % des dentistes, 11 % des gynécologues et 15 % des psychiatres ont refusé de recevoir dans leur cabinet des patientes simplement du fait qu’elles étaient couvertes par une couverture santé complémentaire (souvent appelée « mutuelle ») destinée aux plus modestes en raison de leurs faibles ressources [1], selon un testing mené par le Défenseur des droits auprès de 1 500 cabinets médicaux en 2019 [2]. Ces chiffres, qui évaluent la part de la discrimination dans l’ensemble des demandes de rendez-vous, sont calculés en faisant la différence entre le taux de refus global et le taux de refus des personnes couvertes par une assurance complémentaire sous condition de ressource.

Le testing est une opération qui consiste à comparer des situations en tous points similaires sauf, ici, le fait d’avoir une couverture complémentaire sous condition de ressources. Lors de cette opération, des patientes [3] fictives ont tenté d’obtenir par téléphone un rendez-vous pour un motif médical non urgent auprès d’un dentiste, d’un psychiatre ou d’un gynécologue. Résultat : les patientes disposant d’une complémentaire santé solidaire en raison de leurs faibles ressources se voient refuser un rendez-vous chez un spécialiste dans 42 % des cas, contre 30 % des patientes du « profil de référence ». On estime donc que dans 12 % des cas (42 % - 30 %), il existe une forme de discrimination, exprimée explicitement ou sous couvert de prétextes fallacieux.

Cette discrimination liée au niveau de ressources est environ deux fois plus fréquente chez les médecins spécialistes qui pratiquent des honoraires libres que chez ceux qui appliquent le tarif conventionné de la Sécurité sociale. Les médecins qui facturent habituellement des dépassements d’honoraires n’ont pas le droit de le faire pour les patients précaires : ils gagnent donc moins à recevoir une patiente qui dispose d’une couverture complémentaire solidaire, d’où une partie des refus.

Le refus de donner un rendez-vous à des patientes modestes est aussi le fait d’une petite minorité de spécialistes du secteur conventionné qui ne pratiquent pas de dépassements d’honoraires, et donc pour qui le tarif de l’acte compte moins. On peut supposer qu’ils agissent ainsi en raison de préjugés, ou encore parce qu’ils estiment que leurs patients habituels pourraient être gênés par un public qu’ils n’ont pas l’habitude de côtoyer. Il est possible aussi qu’ils ne souhaitent pas entreprendre les démarches administratives pour obtenir le versement de leurs honoraires par la Sécurité sociale.

« Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera ». Il faut remarquer que 90 % des médecins respectent ce serment d’Hippocrate. Reste une minorité qui, quelles que soient ses motivations, y contrevient. Ce qui a des conséquences directes pour les populations les plus modestes en matière d’égalité d’accès aux soins.

Refus de rendez-vous chez un spécialiste pour les plus modestes
Unité : %
Refus de rendez-vous pour les patientes couvertes par une mutuelle classique (A)
Refus de rendez-vous pour les patientes couvertes par une mutuelle sous condition de ressources (B)
Taux de discrimination
(B-A)
Dentistes16259
Psychiatres516615
Gynécologues233411
Ensemble304212
Lecture : un quart des femmes couvertes par une couverture santé sous condition de ressources se sont vu refuser un rendez-vous chez le dentiste, contre 16 % des femmes couvertes par une couverture complémentaire classique.
Source : Défenseur des droits – © Observatoire des inégalités - 2019

Photo / © Casarsaguru


[1Par exemple, la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), remplacée depuis 2019 par la complémentaire santé solidaire.

[3Il ne s’agissait que de femmes, pour éviter de créer un biais lié au genre et pour tester les pratiques des gynécologues en particulier.

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Date de première rédaction le 25 septembre 2020.
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