Les milliardaires fascinent ou agacent. C’est selon. La connaissance de leurs situations passe par des bases de données et des classements qui font souvent la couverture des journaux. Ces informations ne captent pourtant qu’une partie de la réalité. Protection de la vie privée et, surtout, opacité dans de nombreux pays, empêchent d’établir un indiscutable tableau.

Plusieurs classements sont établis, notamment aux États-Unis, par le magazine Forbes [1] et par le groupe financier Bloomberg. Ce dernier propose une hiérarchie des 500 personnes supposément les plus riches du monde, revue quotidiennement corrigée en fonction des fluctuations boursières et monétaires. D’autres informations sont produites par le groupe de presse Hurun, établi en Chine, là où le nombre de milliardaires évolue le plus rapidement.

Selon cette dernière source, le monde compte, début 2019, 2 470 milliardaires (en dollars). On a là les extrêmement riches, bien au-dessus des célèbres « 1 % » : ils ne représentent que 0,00004 % de l’humanité ! Pour le dire statistiquement autrement, les milliardaires officiellement ainsi recensés ne comptent que pour 0,4 millionième de la population mondiale.

En raison des tendances boursières de 2018, ce nombre a diminué de 224 en un an. Davantage que la conjoncture, c’est la composition de la population des extrêmement riches et son évolution qui importent.

C’est en Chine qu’on en trouve maintenant le plus grand nombre : 658. Elle devance désormais les États-Unis (584), où vivent encore tout de même six des dix milliardaires les plus riches. Suivent l’Allemagne (117), le Royaume-Uni (109), l’Inde (104), la Suisse (77), la Russie (59), le Brésil (53), la Thaïlande (50). La France (48) se place au 10e rang.

La ville de résidence du plus grand nombre d’entre eux est Pékin (103), devant New York (92), Hong Kong (69), Shenzhen (67), Shanghai (66), Londres (65), Moscou (52), Bangkok (49), Mumbai (42), San Francisco (37). Dans cette liste, Paris (36) arrive au 11e rang, à égalité avec Séoul.

À l’échelle mondiale, deux tiers de ces milliardaires, tels que recensés par Hurun, seraient des « self-made men ». L’autre tiers serait composé d’héritiers.

Les femmes ne comptent que pour 16 % des milliardaires « en titre ». Car tout réside bien dans ce « en titre ». Être milliardaire se mesure à l’échelle personnelle. Une illustration de ce choix de calcul passe par l’actualité des fortunes conjugales, avec le divorce, en 2019, de Jeff et MacKenzie Bezos. Alors que seul le premier était compté comme milliardaire, après son divorce, la seconde rejoint les gigantesques fortunes de ce monde, avec 38 milliards de dollars. Et Jeff reste l’homme le plus riche du monde.

Pour approcher l’extrême opulence des milliardaires, ce ne sont pas les niveaux de vie qui sont pris en considération, mais le patrimoine. Celui-ci est, pour les plus favorisés, individuel. Dans certains cas, pour des raisons d’histoire familiale et de choix fiscaux, le patrimoine peut être familial, mais c’est bien plus rare.

Certains milliardaires sont extrêmement célèbres. Ils sont suivis par des millions de gens sur les réseaux sociaux. C’est le cas de Donald Trump avec, en septembre 2019, 64 millions d’abonnés sur Twitter, de Bill Gates, le PDG de Microsoft (48 millions), d’Oprah Winfrey, l’animatrice de télévision américaine (43 millions) par exemple. En Chine, Jack Ma, dirigeant d’Alibaba, a 25 millions d’abonnés sur Weibo. Mais bien d’autres milliardaires sont totalement inconnus, absents des réseaux sociaux, et aux ressources en réalité méconnues.

De fait, la mesure du nombre de milliardaires n’est pas une science exacte. Le responsable du rapport Hurun le reconnaît : pour chaque milliardaire recensé, estime-t-il, il en manque probablement un. Notamment parmi les familles régnantes, tout particulièrement dans les pays du Golfe. Par ailleurs, alors que certaines personnalités extraordinairement riches aiment faire parler d’elles, de leurs exploits économiques, de leur mode de vie ou de leur générosité, la plupart des milliardaires préfèrent rester discrets. Pour se protéger, en termes de sécurité, comme de fiscalité. Au total donc, les milliardaires seraient donc deux fois plus nombreux, pour atteindre à peine un millionième de l’humanité.

Julien Damon, sociologue, professeur associé à Sciences Po Paris, fondateur de la société Eclairs et auteur notamment de L’exclusion, coll. Que sais-je ?, PUF, 2018.

Article extrait de « Les milliardaires : un millionième de l’humanité » publiée par Le Point.fr, le 29 août 2019.

Photo / Jeff Bezos, CC By Steve Jurvetson

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