Analyse

Les jeunes et la santé

L’état de santé des jeunes s’améliore, profitant de l’élévation des niveaux de vie et d’éducation, comme de la qualité des soins. L’amélioration globale ne doit cependant pas masquer des difficultés spécifiques aux jeunes adultes. Une analyse de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

Publié le 25 février 2009

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Modes de vie Âges
Qui sont les jeunes ?

Cet article fait partie d’un dossier, réalisé par l’Observatoire des inégalités en partenariat avec Jeunesses en régions, qui dresse le portrait des 15-30 ans, aux premières loges de la crise de l’emploi et du mal logement.

Le débat sur le déficit de la branche maladie du régime de Sécurité sociale ne doit pas occulter un élément essentiel : la France dispose de l’un des meilleurs systèmes de soins au monde. Si les Français et surtout les Françaises sont parmi les habitants qui vivent le plus longtemps au monde, c’est bien, en partie [1], parce qu’on y est bien soignés. Les jeunes profitent bien entendu de cette situation. Les enfants bénéficient en particulier d’un système très souvent cité en exemple au niveau international : la protection maternelle et infantile (ou PMI) qui permet un suivi sanitaire gratuit de la population des jeunes mères et de leurs enfants.

L’état de santé des jeunes s’améliore, profitant de l’élévation des niveaux de vie et d’éducation, comme de la qualité des soins. Une étude de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé [2] indique qu’à l’âge de 15 ans, 80 % des filles et 90 % des garçons disent être en « bonne » ou en « excellente » santé. Exemples parmi d’autres, à 12 ans, la part de jeunes qui n’ont aucune carie est passée de 12 % en 1987 à 56 % en 2006 ; la consommation de tabac diminue au fil des enquêtes, même si on compte encore tout de même 18 % de fumeurs quotidiens à 15 ans ; dans le domaine de la prévention des maladies sexuellement transmissibles et notamment du Sida, des progrès notables ont été enregistrés (même si la plus grande vigilance reste de mise).

L’amélioration globale ne doit pas masquer les difficultés qui subsistent. La France est l’un des pays où les 15-24 ans se suicident le plus, avec environ 600 décès par an et des milliers de tentatives. Témoignage d’un mal-être qui s’exprime parfois par la violence, mais aussi par le repli sur soi et l’enfermement. D’autres maladies frappent spécifiquement les jeunes, comme l’anorexie, qui toucherait entre 30 et 40 000 jeunes, surtout des femmes. Enfin, l’alcoolisme - même si la consommation globale diminue - continue à faire des ravages. Pas moins de 20 % des garçons et 12 % des filles de 15 ans déclarent avoir été ivres au cours des trente derniers jours. La répression très forte ces dernières années de la consommation de cannabis a pu favoriser la consommation d’alcool comme substitut légal.

L’état de santé est lié à de très nombreux facteurs, qui tiennent à l’histoire personnelle, au patrimoine génétique, mais aussi au milieu social. Les écarts se creusent parfois dès la petite enfance. Un peu plus de 12 % de l’ensemble des élèves de troisième ont un problème de surpoids et un peu plus de 4 % ont un problème d’obésité [3]. Mais la proportion d’enfants en surpoids dont le père est cadre supérieur est de 8 %, contre près du double pour les fils d’ouvriers non qualifiés.
L’écart relatif est encore plus grand pour l’obésité, parce qu’il va de 1,4 à 7,9 %. Alors que 4,5 % de l’ensemble des enfants de classe de troisième ont deux, ou plus, dents cariées non soignées, ce taux tombe à 0,5 % si le père est cadre supérieur et monte au contraire à 8,5 % si le père est ouvrier non qualifié.

L’enjeu des politiques de santé est donc double. Elles doivent prendre en compte la spécificité de la jeunesse et de ses difficultés, comprendre son mode de vie et son langage pour savoir s’y adresser. En l’occurrence, l’écart est immense entre les discours sur la santé de la jeunesse et les politiques publiques. Par exemple dans le domaine de l’alcoolisme des jeunes. Ce fléau est dénoncé par tous, mais l’accès de marques d’alcool à la publicité reste très largement autorisé, qu’il s’agisse d’Internet, d’affichage voire même de parrainage de manifestations comme des concerts spécifiquement destinés aux jeunes ! Mais ces politiques n’ont que peu de chance d’avoir la moindre efficacité si elles ne prennent pas aussi en compte la dimension sociale du problème. En matière de santé comme dans bien d’autres domaines, les difficultés des jeunes sont aussi les difficultés des populations démunies en général.

Une sexualité plus libre :

Les pratiques sexuelles continuent à être de plus en plus précoces [[« Enquête sur la sexualité en France. Pratique, genre, santé ", sous la dir. de Nathalie Bajos et Michel Bozon, coord. par Nathalie Beltzeer, éd. La Découverte, mars 2008. L’âge du premier rapport est passé en moyenne de 20,6 à 17,6 ans pour les femmes entre les générations nées dans les années 40 (60-69 ans lors de l’enquête de 2006) et celles nées à la fin des années 80 (18-19 ans), et de 18,8 à 17,2 ans pour les hommes. Le premier partenaire devient plus rarement un conjoint. Entre l’adolescence et l’âge adulte, une période d’apprentissage se développe, qui reproduit, dans ce domaine, le phénomène plus général d’allongement de la jeunesse.

Des chiffres repères

Taux d’obésité selon le groupe social des parents
Élèves de classe de troisième
Unité : %
2001
2009
2017
Cadres0,72,32,7
Professions intermédiaires2,82,13,4
Agriculteurs et commerçants2,33,95,7
Employés3,95,06,2
Ouvriers6,86,57,5
Ensemble3,53,95,2
Rapport ouvriers/cadres9,72,82,8

Source : ministère de la Santé - © Observatoire des inégalités


Santé bucco-dentaire et équipement en appareil dentaire selon la profession du père
Unité : %
Cadres
Professions intermédiaires
Employés
Artisans, Commerçants et Chefs d'entreprises
Agriculteurs
Ouvriers qualifiés
Ouvriers non qualifiés
France
Aucune carie62,855,555,051,246,444,746,052,2
Au moins deux dents cariées non soignées0,53,22,83,93,16,38,54,5
Appareil dentaire37,432,629,125,830,024,416,827,2

Source : Ministère des affaires sociales - enquête du cycle triennal auprès des classes de 3ème, année scolaire 2003-2004

[1La durée du travail ou les modes de vie constituent d’autres éléments essentiels

[2« La santé des élèves de 11 à 15 ans en France, 2006 », par Emmanuelle Godeau, Catherine Arnaud et Félix Navarro (dir.), Inpes, coll. Etudes santé, 2008. Résumé disponible sur www.inpes.sante.fr/70000/dp/08/dp080902.pdf.

[3Les normes de surpoids et d’obésité doivent être utilisées avec précaution car elles peuvent aussi conduire à des formes de stigmatisation.

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Date de première rédaction le 25 février 2009.
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