La situation des zones urbaines sensibles
Des écarts énormes existent entre les Zones urbaines sensibles et le reste du territoire des agglomérations où elles se situent. La situation de l’emploi y est particulièrement difficile. Les niveaux de vie de ces quartiers sont très inférieurs à la moyenne. Le tour de la question par Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Extrait du Centre d’observation de la société.
11 mars 2014
https://www.inegalites.fr/La-situation-des-zones-urbaines-sensibles - Reproduction interdite4,4 millions de personnes vivent dans une « zone urbaine sensible » (Zus), soit un peu moins de 7 % de la population française, selon les dernières données disponibles, qui datent de 2006. Les habitants des Zus vivent avec des revenus très inférieurs à la moyenne du pays et sont beaucoup plus souvent au chômage. Moins qualifiés, ils sont lourdement frappés par la crise.
L’emploi
Avec 24,2 %, le taux de chômage des zones urbaines sensibles est 2,4 fois supérieur à celui des zones hors Zus des villes [1] qui en comprennent une (9,9 %). Le taux de chômage des 15-24 ans atteint 45 % en moyenne, contre 23,1 % hors Zus, presque deux fois plus. Pour les jeunes sans diplôme de ces quartiers sur le marché du travail, le chômage ou la précarité est la règle majoritaire. L’origine sociale, le faible niveau de diplôme, le manque de réseau social ou l’interdiction pour les étrangers d’accéder à de nombreux emplois publics sont les principales explications de cette situation.
L'emploi dans les zones urbaines sensibles Unité : % | |||
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Zones urbaines sensibles | Zones hors Zus des agglo. | Rapport Zus/ hors Zus | |
Taux de chômage | 24,2 | 9,9 | 2,4 |
Taux de chômage des 15-24 ans | 45,0 | 23,1 | 1,9 |
Taux de chômage des 25-49 ans | 22,7 | 9,1 | 2,5 |
Taux de chômage des 50-64 ans | 16,6 | 6,7 | 2,5 |
Source : Onzus, rapport 2013 - Données 2012
Les revenus
Le revenu annuel moyen par unité de consommation [2] est deux fois moindre dans les zones urbaines sensibles : 12 542 euros en 2010, contre 23 089 pour le reste de la France métropolitaine. Le taux de pauvreté au seuil de 60 % [3] y atteint 36,5 %, trois fois plus que pour le reste du pays. Le taux de pauvreté à 40 % [4], le cœur de la pauvreté (personnes vivant avec moins de 651 euros par mois) atteint 9,3 % contre 3,1 % pour le reste de la France.
La pauvreté et les revenus dans les zones urbaines sensibles | |||
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Zones urbaines sensibles | France métro. hors Zus | Rapport Zus/France hors Zus | |
Taux de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian (en %) | 36,5 | 12,7 | 2,9 |
Taux de pauvreté à 40 % du niveau de vie médian (en %) | 9,3 | 3,1 | 3,0 |
Taux de pauvreté des moins de 18 ans a 60 % du niveau de vie median | 51,5 | 16,6 | 3,1 |
Part des allocataires Caf percevant le RSA * (en %) | 31,7 | 19,6 | 1,6 |
Revenu fiscal moyen par personne ** (en euros) | 12 542 | 23 089 | 0,5 |
Source : Onzus, rapport 2013 - Données 2011
La crise frappe davantage les Zus
Au cours des années 1990 et jusqu’au milieu des années 2000, la situation des zones urbaines sensibles s’était sensiblement dégradée par rapport à la moyenne nationale. En revanche, entre 2005 et 2008-2009, on avait assisté à une réduction des écarts. Le taux de chômage a baissé de 20 à 18,6 % entre 2005 et 2009 dans les Zus, alors qu’il augmentait (de 8,7 à 9,2 %) pour le reste des agglomérations. Le taux de pauvreté a diminué de près de deux points entre 2006 et 2008, alors qu’il s’accroissait ailleurs.
Malheureusement, la crise de l’emploi depuis 2008 frappe plus durement ces zones en difficulté. Entre 2008 et 2012, le taux de chômage y est passé de 16,7 % à 24,2 %, alors qu’il augmentait de 7,6 % à 9,1 % dans les autres quartiers des villes comprenant une Zus : + 7,5 points d’un côté et +1,5 point de l’autre. Entre 2006 et 2011, le taux de pauvreté à 60 % s’est accru de 30,5 % à 36,5 % (+6 points) dans les Zus, alors que pour le reste de la France il augmentait de 11,9 % à 12,7 % (+0,8 point).
Les effets de la crise dans les Zus Unité : % | |||
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| | Variation en points | |
Taux de pauvreté à 60 % | 2006 | 2011 | |
Zones urbaines sensibles | 30,5 | 36,5 | 6,0 |
France métro. hors Zus | 11,9 | 12,7 | 0,8 |
Taux de chômage | 2008 | 2012 | |
Zones urbaines sensibles | 16,7 | 24,2 | 7,5 |
Zones hors Zus des agglo. comprenant une Zus | 7,6 | 9,1 | 1,5 |
Taux de chômage des jeunes | 2008 | 2012 | |
Zones urbaines sensibles | 36,0 | 45,0 | 8,7 |
Zones hors Zus des agglo. comprenant une Zus | 18,0 | 23,1 | 5,1 |
Source : Onzus, rapport 2013
Ces données nuancent une thèse répandue, selon laquelle la pauvreté et la précarité frapperaient d’abord les populations de l’habitat périurbain périphérique et des petites villes. La dégradation de la situation économique et sociale des Zus s’explique facilement. La crise concerne les populations les moins qualifiées, les jeunes et les populations de nationalité étrangère (hors Union européenne) qui ne peuvent prétendre aux emplois publics. Trois catégories qui, par définition, sont sur-représentées dans ces quartiers. Ce n’est pas tant le territoire en tant que tel qui a un effet : l’effet de discrimination lié à l’adresse reste marginal en regard de la composition sociale de la population.
Attention toutefois : les données moyennes pour l’ensemble des Zus masquent aussi des écarts importants à l’intérieur de ces quartiers. Ainsi, 10 % des Zus ont un niveau de vie médian annuel par personne inférieur à 7400 euros, soit deux fois moins que les 10 % des Zus où le niveau de vie médian est le plus élevé (données 2010).
Pour en savoir plus :
– « Rapport 2013 », Observatoire des zones urbaines sensibles, Secrétariat du Comité interministériel des villes, novembre 2013.
– Lire nos articles :
Quartiers sensibles : la situation dans trois régions
Emploi : de quoi souffrent les jeunes des quartiers en difficulté ?
Quartiers défavorisés : la situation reste préoccupante
Extrait du Centre d’observation de la société.
Photo/ © Lotharingia - Fotolia.com
[1] Plus exactement les « unités urbaines »
[2] L’équivalent d’une personne.
[3] Part des personnes dont les revenus sont inférieurs à 60 % du niveau de vie médian, celui qui sépare l’effectif des ménages en deux.
[4] Part des personnes dont les revenus sont inférieurs à 40 % du niveau de vie médian, celui qui sépare l’effectif des ménages en deux.
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