Analyse

L’évaluateur des dépenses publiques : notre méthode

Pour évaluer le coût des dépenses publiques nouvelles à mettre en oeuvre, nous nous sommes appuyés sur un grand nombre de travaux existants. Nous avons surestimé les montants par prudence. Voici notre méthode.

Publié le 25 avril 2016

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Revenus

Voici les sources que nous avons utilisées pour mesurer le coût des dépenses publiques qui pourraient être engagées. Nous avons surestimé les montants. En pratique, il serait possible de dépenser moins.

Un minimum social pour 200 000 jeunes démunis = 1,2 milliard par an
400 000 jeunes de 18 à 24 ans environ vivent sous le seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian selon l’Insee (données 2011). Parmi eux, une partie peut toucher des allocations, notamment ceux qui ont déjà travaillé. Mais une autre partie n’a rien car elle n’a pas droit au revenu minimum de solidarité (RSA), accordé aux moins de 25 ans dans des conditions très restrictives. Nous choisissons de fixer la barre du nombre de ces jeunes en difficulté à la moitié des 400 000 vivant sous le seuil de pauvreté, ce qui peut être surestimé. Le coût annuel par jeune pour une allocation de 500 euros mensuels est de 6 000 euros (500*12), soit un total de 1,2 milliard d’euros pour 200 000 jeunes.

Construire 50 000 logements sociaux et en rénover 50 000 par an = 3 milliards par an
Le coût des subventions publiques pour la construction d’un logement social représente environ 15 000 euros (hors baisse du taux de TVA, exonération de taxe foncière et prêt de la caisse des dépôts) selon l’Union sociale pour l’habitat [1].
Le coût annuel de rénovation peut être chiffré à 10 000 euros [2]. Nous avons largement surestimé la dépense moyenne en la fixant à 30 000 euros, soit trois milliards pour 100 000 constructions ou rénovations.

Proposer un chèque loisirs-culture de 350 euros par an pour tous les 4-20 ans = 4,8 milliards
Nous proposons un chèque loisirs-culture de 350 euros par an utilisable pour des activités régulières auprès d’associations agréées dans les domaines des loisirs et de la culture (sports, musique, arts, etc.) pour l’ensemble des 13,7 millions de jeunes de 4 à 20 ans quel que soit leur milieu social. La dépense est surestimée car certains bénéficient déjà d’un soutien public notamment via les caisses d’allocations familiales sous conditions de ressources.

Ouvrir 200 000 places de crèche supplémentaires = 4 milliards par an
Le coût de fonctionnement d’une place de crèche est compris entre 13 000 et 15 000 euros par enfant et par an suivant les sources [3]. Nous avons tablé sur la création de 200 000 places supplémentaires. Nous avons ajouté un coût d’investissement de 5 000 euros annuels par place, ce qui est largement surestimé, car nous avons considéré qu’il s’agissait de constructions, alors que l’on peut utiliser des bâtiments existants. Nous avons amorti l’investissement sur cinq ans [4]. Le coût par place créée revient donc à 20 000 euros, le montant réel pourrait être inférieur [5].

Un chèque autonomie pour les personnes âgées démunies = 3 milliards
Création d’un chèque autonomie de 500 euros pour les personnes âgées les plus démunies qui leur permettrait de financer une aide à domicile, une place en maison de retraite, etc. 330 000 personnes de 65 ans et plus vivent sous le seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian, selon l’Insee [6] (données 2011). Nous estimons qu’au total 500 000 personnes âgées pourraient bénéficier de cette allocation. Cette dépense représente quatre fois plus que celle prévue par le gouvernement dans son projet de loi « L’adaptation de la société au vieillissement » à destination des personnes âgées dépendantes (total des dépenses prévues : 730 millions d’euros [7]).

Créer 200 000 emplois d’utilité publique = 4 milliards
Nous proposons de créer un fond public de soutien aux emplois associatifs dans différents secteurs comme l’environnement, l’aide aux plus démunis ou d’autres emplois dont l’utilité sociale est incontestable. Cette aide consisterait à un versement de 20 000 euros par emploi créé par an, ce qui couvre 80 % d’un Smic toutes charges comprises. Ce fond viendrait en complément des dispositifs qui existent notamment dans les régions [8]. C’est de loin supérieur aux besoins de nombreuses associations qui disposent d’autres sources de financement parallèles. Par ailleurs, une partie de la dépense revient directement dans les caisses de la collectivité par le biais de cotisations sociales.

Améliorer l’accessibilité aux bâtiments publics des personnes à mobilité réduite = 2 milliards
La Fédération APAJH (Associations pour adultes et jeunes handicapés) estime qu’il faudrait 15 milliards d’euros [9] (hors frais de maîtrise d’œuvre) pour rendre accessibles aux personnes à mobilité réduite (handicapés, personnes âgées, etc.) les établissements recevant du public [10]. Réalisés sur huit années, ces aménagements représenteraient environ deux milliards d’euros par an.

Création de commissariats de quartier = 1 milliard
Pour garantir la sécurité de la population, nous faisons l’hypothèse qu’il faudrait créer 300 commissariats supplémentaires, employant 60 personnes chacun, installés là où l’insécurité est la plus élevée. Nous évaluons le coût moyen d’un emploi à 50 000 euros par an, ce qui correspond à un salaire brut mensuel de 2 900 euros environ, salaire moyen des agents de l’Etat, selon l’Insee. Nous avons ajouté 300 000 euros de dépenses d’investissements annuels par commissariat, ce qui est surestimé pour ce type d’établissement. Une grande partie de cette dépense pourrait être évitée en déplaçant des postes de certaines villes vers des quartiers qui en manquent. De plus, nous considérons ici des commissariats de petite taille.

Rénover les prisons = 1,1 milliard
En matière d’emprisonnement, l’urgence est sans doute d’abord de moins y recourir. Il n’empêche qu’il est nécessaire de rénover les établissements existants dont l’état est unanimement reconnu comme indigne d’un pays riche [11] . Nous avons très largement surestimé le coût de rénovation avec 180 000 euros par place, sur les bases des données ministère de la Justice [12] . Nous estimons à 6 000 par an le nombre de places de prison à rénover.

Créer 200 000 postes d’aide éducative en primaire et au collège = 5 milliards
Dans de nombreux pays, les enseignants disposent de personnels en soutien de leurs activités (comme en préélémentaire). La France compte 180 000 classes de primaire et 130 000 de collège. Nous avons estimé qu’une personne pouvait prendre en charge deux classes. Cela représente 155 000 postes. Nous en avons ajouté 45 000 supplémentaires en renfort, soit un total de 200 000 emplois créés. Nous avons fixé arbitrairement le salaire mensuel à 1 700 euros bruts (le Smic + 17 %), soit un total de 25 000 euros par an toutes charges comprises.

D’autres idées ?
Nous aurions aussi pu allonger la liste des urgences. Chiffrer des écoles de la deuxième chance, des murs antibruit, des financements pour les énergies renouvelables, des bourses pour les étudiants, des tablettes pour les écoliers, le remboursement de certains soins coûteux comme les prothèses dentaires, etc.
Envoyez-nous aussi vos idées à contacts@inegalites.fr. Chaque mesure doit être présentée en 3 000 signes maximum et être chiffrée en coût annuel, incluant les sources précises de ce chiffrage. Les mesures doivent toucher un très large public. Nous publierons celles qui nous semblent les plus adaptées.

Lire notre analyse :
Et si l’on répondait aux besoins de la population, pour changer ?


[1« Le financement du logement social-généralités », Union sociale pour l’habitat, mars 2014.

[2Grenelle de l’environnement - Comité opérationnel n° 2 « Logements sociaux et rénovation urbaine », Projet de rapport au ministre d’Etat, ministre de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement Durables, ministère de l’écologie, mars 2008.

[3« L’effet de l’obtention d’une place en crèche sur le retour à l’emploi des mères et leur perception du développement de leurs enfants », Eric Maurin (Ecole d’économie de Paris) et Delphine Roy (Ecole normale supérieure), Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP), mai 2008.

[4Voir « Une facture de 2,2 milliards pour 100.000 places en crèche », Le Figaro, 3 juin 2013.

[5Voir « Crèches, la place n’est pas si chère ! », L’Express, 26 septembre 2008.

[7Voir le détail des dépenses prévisionnelles en année pleine du projet de loi du gouvernement pour les personnes âgées dépendantes. Ministère des affaires sociales et de la santé, 3 juin 2014.

[8Voir par exemple le dispositif « Cap Asso » de la région Centre dont l’Observatoire des inégalités bénéficie à hauteur de 7 000 euros par an.

[9Etude de l’APAJH, novembre 2009.

[10Une loi de février 2005 impose que les établissements publics et privés recevant du public et les transports collectifs soient accessibles aux personnes handicapées, respectivement avant le 1er janvier 2015 et le 13 février 2015. Le Parlement a voté le 26 juin 2014 le projet de loi qui autorise le gouvernement à prolonger les délais de la loi de 2005 de trois à neuf ans.

[11Jean-Marie Delarue : « « Ce que je n’excuse pas, c’est la résignation des pouvoirs publics » », Le Monde.fr, 13 juin 2014.

[12Nouveau programme immobilier pénitentiaire, ministère de la Justice, 5 mai 2011.

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Date de première rédaction le 30 juin 2014.
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