Synthèse

L’essentiel sur les discriminations en France

Quel est l’ampleur des discriminations dans la société française ? Quelles sont les catégories de population concernées ? Les données clés du « Rapport sur les discriminations en France » de l’Observatoire des inégalités.

Publié le 28 novembre 2023

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Femmes et hommes Origines Orientation sexuelle Handicap

Des valeurs largement partagées

La société française est plus ouverte qu’il y a vingt ans. Le racisme recule : 60 % des Français déclarent n’être « pas du tout racistes », deux fois plus qu’il y a 20 ans, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des « races supérieures à d’autres » a été divisée par trois, de 14 % à 5 %.

Les Français sont moins sexistes : la part de celles et ceux qui considèrent que « dans l’idéal, les femmes devraient rester à la maison pour élever leurs enfants » a été divisée par deux (de 40 % à 20 %) en vingt ans, selon le ministère des Solidarités.

La population est aussi moins homophobe : en deux décennies également, la proportion de celles et ceux qui considèrent l’homosexualité comme « une manière comme une autre de vivre sa sexualité » est passée de 67 % à 85 % selon l’Ifop.

Les violences ne reculent pas

Pourtant, les manifestations les plus violentes de racisme, de sexisme ou de LGBTphobie ne reculent pas. La police et la gendarmerie ont enregistré 12 500 crimes et délits à caractère raciste en 2022, un chiffre en hausse ces cinq dernières années selon le ministère de l’Intérieur.

Près de 200 000 crimes et délits à caractère sexiste ont été signalés aux forces de l’ordre en 2020, dont la quasi-totalité touche des femmes.

À ce décompte des agressions, il faut ajouter 2 400 crimes et délits anti-LGBT pour l’année 2022, toujours selon le ministère de l’Intérieur, un chiffre qui a plus que doublé en cinq ans.

Les personnes handicapées ont, selon les enquêtes de l’Insee, un risque supplémentaire de 60 % de subir des violences physiques ou sexuelles par rapport aux personnes valides, à situations comparables d’âge, de composition du foyer, etc.

La société évolue vers plus de tolérance, mais les formes les plus violentes de discrimination et de rejet ne semblent pas diminuer. Une partie de l’explication tient à notre sensibilité : des faits autrefois passés sous silence sont plus souvent dénoncés et mieux enregistrés.

La vigilance doit rester de mise. Lorsqu’on interroge la population, plus de 500 000 personnes déclarent avoir subi une injure raciste, 150 000 une injure homophobe et 1,4 million de femmes une injure sexiste, au cours d’une année.

Flagrant délit

Au-delà des violences explicitement racistes, sexistes ou homophobes, certaines catégories subissent un traitement défavorable qu’il est difficile de mettre au jour, notamment parce qu’il est illégal. Notre rapport rassemble un ensemble de preuves. Les testings notamment sont des expériences menées par des chercheuses et chercheurs qui prennent sur le fait la petite partie des employeurs, médecins, propriétaires ou agences immobilières qui défavorisent certains profils.

Un candidat au nom français a près de 50 % de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin.

Un candidat handicapé (malentendant, mais appareillé et apte au poste) subit également une discrimination « du même ordre de grandeur », selon les chercheurs.

Lorsqu’il cherche un logement, le candidat au nom « français » a 50 % de chances en plus d’avoir un rendez-vous pour en visiter un que le candidat au nom africain.

Quant au patient sans papiers couvert par l’Aide médicale de l’État qui prend en charge ses frais de santé de base sous conditions, il a 25 % de chances en moins d’obtenir un rendez-vous médical qu’un patient lambda.

La lutte contre ces discriminations évidentes doit être ferme pour que ces faits soient condamnés et que les victimes soient soutenues.

Signalons quelques bonnes nouvelles : les derniers testings réalisés ne détectent plus de discrimination envers les candidats à l’embauche qui résident dans un quartier défavorisé, ni de refus de soins à l’égard des patients pauvres couverts par la complémentaire santé solidaire. Les femmes ne sont pas non plus discriminées à l’embauche : elles sont même avantagées pour les postes d’encadrement.

Des obstacles complexes

Faut-il déduire de ces éléments que les discriminations sont le fait d’une poignée de personnes en position de force qui, consciemment ou inconsciemment, rejettent les étrangers, les personnes de couleur, les personnes handicapées ? Les discriminations sont moins répandues que les inégalités sociales, mais leur violence est d’une intensité plus grande car elles touchent l’identité même des victimes. Notre rapport montre que le problème est loin d’être résiduel.

L’effet sur les catégories concernées par les discriminations est massif. Une personne sur cinq âgée de 18 à 49 ans dit avoir subi au moins une discrimination au cours des cinq dernières années, selon l’Ined et l’Insee. Pour les descendants d’immigrés, ce chiffre est de 28 % et pour les personnes nées outre-mer, de 32 %.

Pour les victimes, les conséquences sont très concrètes. Le taux de chômage des immigrés d’Afrique, par exemple, est 2,25 fois plus élevé que pour les personnes sans ascendance migratoire. Les discriminations sont patentes : à sexe, âge, niveau de diplôme, catégorie socioprofessionnelle et lieu d’habitation comparables, le risque d’être au chômage est 1,96 fois supérieur pour les descendants d’immigrés d’Afrique. Ces personnes se heurtent en plus aux inégalités sociales et liées à l’âge sur le marché du travail, avec un niveau de diplôme en moyenne plus faible. Et même à la loi, qui interdit toujours aux étrangers non européens de postuler à cinq millions d’emplois – de policier à buraliste, en passant par agent des hôpitaux, par exemple –, ce qui crée un désavantage massif.

Les stéréotypes sexistes n’agissent pas qu’au moment de fixer le salaire des femmes et des hommes à postes comparables (4 % de salaire en moins pour les femmes selon l’Insee en 2020, toutes choses égales par ailleurs). Ils opèrent aussi avant, de manière diffuse, par exemple au moment où filles et garçons « choisissent » des voies d’études et des métiers différents. Se mélangent alors des traitements différenciés de la part des enseignants, mais aussi les apprentissages, au sein des familles et à l’école, de rôles stéréotypés que la société continue d’attribuer aux femmes et aux hommes. Les femmes ne représentent que 39 % des personnes vues à la télé ou 20 % des maires, par exemple.

Les personnes handicapées se heurtent à l’insuffisance des politiques et des moyens déployés en leur faveur. Si les discriminations au sens strict existent à leur égard, les obstacles relèvent pour la plupart de discriminations indirectes. Les employeurs ne font pas les efforts nécessaires pour adapter les postes. Même la fonction publique d’État ne remplit pas son obligation d’emploi de travailleurs handicapés.

L’accessibilité des transports et des bâtiments publics aux personnes à mobilité réduite est loin d’être réalisée. Près de 40 % des handicapés ne partent pas en vacances faute de moyens, deux fois plus que les personnes valides. Pour réduire les désavantages des personnes en situation de handicap, c’est d’une discrimination positive volontariste qu’il y a besoin.

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Rapport sur les discriminations en France, édition 2023, sous la direction d’Anne Brunner et Louis Maurin, Observatoire des inégalités, novembre 2023.
96 pages.
ISBN 978-2-9579986-7-8
12 € hors frais d’envoi.
Également disponible en version numérique à télécharger.
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Date de première rédaction le 28 novembre 2023.
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