Données

Horaires de travail : la France flexible des peu qualifiés

28 % des salariés travaillent le dimanche et 15 % la nuit. Près d’un sur cinq ne connaît pas ses horaires de travail un mois à l’avance. Les moins qualifiés sont massivement contraints de travailler en décalé et voient leur emploi du temps contrôlé dans les détails.

Publié le 26 mars 2021

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Emploi Conditions de travail

La pression est forte pour élargir le temps consacré à la consommation dans notre société. Un peu plus d’un quart des salariés travaillent le dimanche selon les données 2016 du ministère du Travail [1], en décalage avec le rythme de la majorité de la population. Ce chiffre a augmenté de deux points par rapport à 2005. Le travail dominical est le lot commun de 34 % de l’ensemble des employés, et plus encore des employés de commerce (46 %). Les employés administratifs sont les moins concernés (8 %). Entre 2005 et 2016, la part des salariés qui travaillent le dimanche a progressé de dix points chez les employés de commerce, mais également de neuf points chez les ouvriers non qualifiés. Deux fois plus de ces salariés sont concernés aujourd’hui qu’il y a onze ans.

Salariés qui travaillent au moins occasionnellement le dimanche
selon la catégorie socioprofessionnelle
Unité : %
2005
2013
2016
Cadres supérieurs28,228,427,9
Professions intermédiaires28,825,225,0
Employés29,836,333,7
Ouvriers17,921,523,2
Ensemble26,228,327,9
Lecture : 33,7 % des employés travaillent au moins occasionnellement le dimanche.
Source : enquêtes Conditions de travail, ministère du Travail - © Observatoire des inégalités

Le travail de nuit, plus fréquent pour les ouvriers

15 % des salariés sont à leur poste la nuit, au moins occasionnellement, entre minuit et cinq heures du matin, une proportion stable depuis 2005. La proportion est légèrement inférieure à la moyenne chez les cadres supérieurs, les professions intermédiaires et les employés, avec des taux situés entre 12 et 14 % en moyenne. Mais au sein des employés, les écarts sont énormes entre les employés administratifs (3 % travaillent la nuit) et les policiers et agents de sécurité, dont plus de 40 % travaillent la nuit au moins une fois par mois selon l’enquête Emploi 2019 de l’Insee [2]. Parmi les professions intermédiaires, les contremaîtres et les agents de maîtrise sont les plus concernés (33 %). Ces métiers ont aussi connu la plus forte augmentation des horaires de nuit depuis 2005 (+ 8 points).

Avec 22 % de salariés qui travaillent de nuit, les ouvriers sont la catégorie qui subit le plus cette contrainte. Les ouvriers non qualifiés, comme les qualifiés, sont davantage concernés en 2016 qu’onze ans plus tôt : leur proportion est passée respectivement de 15 % à 17 % et de 23 % à 25 % au cours de la période.

Salariés qui travaillent au moins occasionnellement la nuit
selon la catégorie socioprofessionnelle
Unité : %
2005
2013
2016
Cadres supérieurs12,311,712,0
Professions intermédiaires15,316,014,2
Employés12,513,012,2
Ouvriers20,221,422,1
Ensemble15,215,515,0
Entre minuit et cinq heures du matin. Lecture : 22,1 % des ouvriers travaillent au moins occasionnellement la nuit.
Source : enquêtes Conditions de travail, ministère du Travail - © Observatoire des inégalités

Un ouvrier sur dix travaille en 2 x 8

5 % des salariés ont des horaires qui alternent sur deux équipes, soit le matin (souvent de 5 h à 13 h), soit l’après-midi (de 13 h à 21 h), avec un changement d’horaires toutes les semaines. Ce rythme aussi appelé « travail posté » ou « en 2 x 8 ». Les cadres supérieurs échappent à cette contrainte, mais un peu plus d’un ouvrier sur dix subit cette cadence de travail (part équivalente à celle de 2013), et les ouvriers non qualifiés sont les plus concernés.

En plus de compliquer la vie de famille, cette organisation du travail et le travail de nuit ont des effets néfastes sur les salariés, autant sur leur corps que sur leur état psychologique (fatigue, troubles du sommeil, anxiété, déséquilibres hormonaux, risques cardio-vasculaires, etc.), comme l’indique le ministère du Travail.

Salariés dont les horaires alternent sur deux équipes
selon la catégorie socioprofessionnelle
Unité : %
2013
2016
Cadres supérieurs0,50,2
Professions intermédiaires3,94,7
Employés5,04,2
Ouvriers10,110,8
Ensemble5,05,1
Lecture : 10,8 % des ouvriers ont des horaires qui alternent sur deux équipes.
Source : enquêtes Conditions de travail, ministère du Travail - © Observatoire des inégalités

Horaires de travail flexibles, choisis ou subis ?

À côté de salaires et de statuts plus ou moins précaires, le contrôle du temps du travail constitue l’un des éléments de la condition salariale. Le fait de ne pas maîtriser son emploi du temps, de devoir travailler à contretemps par rapport au reste de la société (le dimanche ou la nuit notamment) ou d’avoir des rythmes qui fluctuent d’une semaine sur l’autre constituent une forme de flexibilité qui se répercute sur la qualité de vie, mais aussi sur la santé.

Malheureusement, les données du ministère du Travail ne permettent pas de séparer les formes plus ou moins choisies du travail flexible de celles qui ne sont que le produit d’une contrainte. Quoi de commun en effet entre un enseignant qui corrige des copies un soir de semaine et une vendeuse contrainte de travailler tout un week-end, en total décalage avec ses proches ? Entre un étudiant qui arrondit ses fins de moins le samedi et un père de famille absent tous les dimanches ?

En partie acceptable pour les plus jeunes (notamment les célibataires) quand elle s’accompagne de contreparties financières réelles, cette flexibilité l’est beaucoup moins quand elle s’étend à des âges plus élevés, notamment aux salariés qui ont en charge des enfants.

Une partie des cadres sont soumis à des horaires de plus en plus flexibles et une pression accrue, notamment du fait de l’utilisation de nouvelles technologies de l’information. Il n’en demeure pas moins que ces nouvelles formes de désynchronisation des temps entre le travail, la vie sociale et les loisirs frappent pour l’essentiel les milieux populaires qui, au service du reste de la société, voient leur vie au travail se dégrader, peser sur leur vie privée et leur santé.

Photo / © manipulateur - Fotolia


[1« Organisation du temps de travail », Synthèse Stat’ n°25, enquêtes Conditions de travail, ministère du Travail, mars 2019.

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Date de première rédaction le 25 novembre 2014.
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