Analyse

Comment ont évolué les inégalités de patrimoine depuis la crise sanitaire ?

Le patrimoine des ménages les plus fortunés a-t-il augmenté depuis le début de la crise sanitaire ? Les données officielles manquent encore. Mais c’est ce que laissent présager la hausse du taux d’épargne et l’évolution des valeurs boursières et de l’immobilier. Une analyse d’Anne Brunner.

Publié le 8 juillet 2022

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Revenus Patrimoine

Les dernières données publiées par l’Insee sur les patrimoines datent d’avant la crise sanitaire. Mais plusieurs éléments laissent supposer que les patrimoines les plus élevés ont progressé durant cette période mouvementée.

Trois mécanismes y concourent. Premièrement, partiellement empêchés de consommer, de sortir au restaurant ou de partir en vacances à l’étranger, les Français ont mis de l’argent de côté. Alors qu’ils consacraient 15 % de leurs revenus à l’épargne en 2019, ils en ont mis 21 % de côté en 2020 selon l’Insee. Mais pour épargner, il faut en avoir les moyens. Selon des données bancaires du Crédit Mutuel Alliance fédérale [1], les 5 % les mieux dotés ont augmenté de 21 000 euros leurs dépôts bancaires (comptes courants, livrets d’épargne, comptes en action, assurances-vie) entre fin 2019 et fin 2020, tandis que les 50 % au patrimoine financier le plus modeste n’ont économisé que 800 euros sur l’année. Avec la reprise économique, le surcroît d’épargne est moins important en 2021 qu’en 2020, mais il reste à un niveau très supérieur à 2019  [2]. Selon une étude du Conseil d’analyse économique, les 10 % les plus fortunés auraient alimenté leurs comptes en banque de 30 000 euros entre février 2020 et février 2022, alors que les 20 % les moins fortunés n’auraient rien économisé du tout [3].

Deuxièmement, et de façon très ponctuelle, les héritages transmis au cours de cette période hors norme ont probablement été plus nombreux, du fait de la surmortalité liée à l’épidémie de Covid-19. Le montant des successions étant très inégalitaire, cela pourrait avoir un effet, difficile à estimer aujourd’hui et très conjoncturel, sur le patrimoine des ménages les plus favorisés.

Troisièmement, la valeur des plus gros patrimoines dépend des fluctuations des marchés de l’immobilier et de la Bourse. Malgré la crise sanitaire, leur santé est florissante. Selon les notes de conjoncture immobilière des Notaires de France, les prix des appartements anciens auraient augmenté de 5 % entre février 2020 et février 2021 [4], puis à nouveau de 5 % entre février 2021 et février 2022. Quant au CAC 40, l’indice boursier qui indique la cotation moyenne des actions des plus grosses entreprises françaises, il est déjà revenu à son niveau d’avant la crise sanitaire.

La tendance à la hausse est particulièrement forte chez les millionnaires en dollars, recensés par le Crédit suisse [5]. La banque d’affaires estime que 4,9 % des adultes français sont millionnaires. Et que leur nombre est passé, en pleine crise sanitaire, de 2,2 à 2,5 millions entre 2019 et 2020, soit + 14 %.

Anne Brunner, directrice d’études à l’Observatoire des inégalités

Photo / CC Unsplash


[1 « En 2020, la chute de la consommation a alimenté l’épargne, faisant progresser notamment les hauts patrimoines financiers », Odran Bonnet et al., Note de conjoncture, Insee, mars 2021.

[2« L’impact de la crise du Covid-19 sur la situation financière des entreprises et des ménages en janvier 2022 », Banque de France, mars 2022.

[3 « Quelle situation financière des entreprises et des ménages deux ans après le début de la crise Covid ? », note n° 83-2022, Conseil d’analyse économique, mars 2022.

[4Il s’agit d’une estimation. Voir la Note de conjoncture immobilière n° 54, Notaires de France, janvier 2022.

[5Le dollar valant environ un peu moins d’un euro, une petite partie d’entre eux ne seraient pas comptés comme millionnaires en euros.

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Date de première rédaction le 8 juillet 2022.
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