Partage des tâches domestiques : les progrès sont lents

68 % des femmes indiquent consacrer du temps à la cuisine et/ou au ménage tous les jours, contre seulement 43 % des hommes, selon les données 2022 de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) [1]. L’enquête fait apparaître des progrès dans le partage du travail domestique : de 2007 à 2022, la part des femmes concernées a reculé de quatorze points, tandis que celle des hommes a progressé de dix points.

Dans le domaine des soins aux proches, le partage est un peu moins caricatural que pour les tâches quotidiennes de la maison. 31 % des femmes, contre 23 % des hommes, déclarent s’occuper tous les jours d’un ou de plusieurs enfants ou d’un proche dépendant [2]. En la matière, les évolutions récentes sont discrètes : depuis 2007, la proportion de personnes concernées a reculé légèrement, de trois points chez les femmes et d’un point chez les hommes.

Encore faudrait-il savoir de quelles tâches et de quels « soins » il s’agit : lire une histoire à ses enfants n’est pas la même chose que faire la toilette d’une personne âgée, par exemple. Les femmes prennent bien plus souvent en charge les tâches les plus dévalorisées et astreignantes, et les hommes celles qui sont davantage mises en valeur et visibles. L’EIGE ne comptabilise pas le temps passé. Faire la cuisine et/ou le ménage « tous les jours » ne dit pas si l’on y passe quelques minutes ou plusieurs heures. La seule étude qui permette de répondre à cette question est l’enquête sur les emplois du temps réalisée par l’Insee, dans laquelle les ménages décrivent leurs tâches de manière très précise. Mais la dernière date de 2010. Les résultats de la prochaine enquête devraient être connus vers… 2028.

Le soin aux enfants et aux personnes dépendantes concerne deux périodes de la vie principalement. D’abord la tranche d’âge 25-49 ans, c’est-à-dire lorsqu’on est le plus susceptible d’être parents de jeunes enfants. À cet âge, 49 % des femmes apportent soins ou éducation tous les jours. En regard, seuls 33 % des hommes le font. Ensuite, après 65 ans, 13 % des femmes apportent des soins quotidiens à une personne dépendante, un conjoint ou un parent par exemple, ou à des petits-enfants, contre 9 % des hommes.

À la différence des soins aux personnes dépendantes, le ménage et la cuisine sont nécessaires, quels que soient l’âge et la situation familiale. Parmi les personnes seules ou les parents isolés, femmes et hommes répondent consacrer tous les jours du temps au ménage et à la préparation des repas dans des proportions assez similaires. C’est le cas, par exemple, de 66 % des femmes seules et de 63 % des hommes célibataires.

En couple, les choses sont très différentes. 75 % des mères et 72 % des femmes sans enfant déclarent faire le ménage et/ou la cuisine tous les jours, contre seulement 40 % des pères et 39 % des hommes qui n’ont pas d’enfant.

Les jeunes générations, moins inégalitaires

Ces données mélangent des générations aux comportements différents. Chez les personnes âgées, les femmes sont 2,1 fois plus nombreuses que les hommes à déclarer faire le ménage ou la cuisine tous les jours. Le partage est un peu moins inégalitaire chez les 25-49 ans : les femmes sont 1,6 fois plus nombreuses dans ce cas que les hommes de cet âge. On peut y voir le signe que le partage du travail domestique progresse de génération en génération. Les jeunes femmes et hommes accèdent désormais aux mêmes durées d’études et sont actifs sur le marché du travail dans des proportions presque égales. Au fil du temps, des services et produits ont permis de consacrer moins de temps aux repas, aux courses et à la vaisselle notamment : livraison de repas, plats préparés, cantines scolaires, restaurants d’entreprise, etc.

La vie quotidienne des couples est faite de plusieurs modèles. Selon une autre source, le baromètre d’opinion du ministère des Solidarités, 41 % des femmes et 48 % des hommes déclarent partager le ménage à parts égales au sein de leur couple (données 2020-2022). De même, 60 % des hommes et 50 % des femmes partagent de manière égale les tâches liées aux enfants. Un certain désaccord entre les réponses des deux sexes subsiste, mais les couples égalitaires ne sont pas rares.

Les choses évoluent très lentement en matière de partage du travail domestique entre femmes et hommes. Les Français déclarent que cela va dans le bon sens : 67 % des femmes et 74 % des hommes indiquent que les « hommes en font plus qu’avant, concernant les tâches ménagères », selon le ministère des Solidarités [3]. La question posée porte sur la société en général, sans préciser à quel « avant » il faut comparer la situation actuelle. Et au sein de leur propre couple ? Les personnes interrogées étaient 45 % à dire partager également les courses, le ménage et la lessive en 2014. Ils sont toujours 45 % en 2022, huit ans plus tard. Lorsque ce partage n’est pas égal, il pèse dans l’immense majorité des cas sur les femmes.

Ce n’est qu’à la fin de la décennie que l’on pourra y voir plus clair, avec les résultats de la prochaine enquête emploi du temps de l’Insee. Il y a fort à parier que des avancées ont eu lieu dans le partage des tâches domestiques, notamment parce qu’une partie des tâches dévalorisées (comme le ménage ou les soins quotidiens) sont prises en charge par des employés à domicile. Mais de manière très inégalitaire du fait du caractère payant de ces services. Ce qui pénalise lourdement les femmes des milieux populaires.

Photo / © CDC-Unsplash

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