Analyse

Sortir du sous-développement : le rôle de l’apport extérieur

Malgré un fort poids des exportations et l’appel aux capitaux étrangers, les pays les moins avancés ne réussissent pas à rattraper leur retard. Une analyse d’Isabelle Gautier de l’Observatoire des inégalités.

Publié le 3 juillet 2007

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Revenus Éducation Modes de vie

L’Organisation des Nations unies a établi une liste des « pays les moins avancés » (PMA) révisée tous les trois ans en fonction de trois critères :

 un faible revenu (le revenu par habitant)
 l’insuffisance des ressources humaines (indice qui inclut la population sous-alimentée, le taux de mortalité infantile, le niveau d’éducation primaire et secondaire)
 le taux d’alphabétisation des adultes.

50 pays font aujourd’hui partie du groupe des pays les moins avancés. Le Niger est le pays le plus pauvre : l’espérance de vie à la naissance est de 44,6 ans ; seulement 28,7 % des plus de 15 ans sont alphabétisés, 21 % des moins de 24 ans sont scolarisés et le revenu moyen par habitant par an était de 779 dollars en 2004. L’indicateur de développement (IDH) qui inclut ces différents éléments est donc particulièrement faible : 0,311 sur une échelle de 0 à 1.

La pauvreté entraîne une spirale qui freine le développement : des revenus faibles ne permettent pas une épargne suffisante pour investir, sans amélioration du capital et des connaissances humaines, la productivité reste faible et ne permet pas une hausse du niveau de vie. Si l’on ajoute à cela la fuite des cerveaux, l’avenir est sombre.

La mondialisation permet-elle de sortir de ce cercle vicieux en apportant les capitaux qui manquent ? Les financements extérieurs peuvent être de deux ordres : les aides publiques au développement (APD), reçues d’organismes multilatéraux internationaux, et les investissements directs étrangers (investissements reçus par les entreprises étrangères). Pour les rembourser, il est nécessaire de développer des exportations, qui permettront d’obtenir des devises.

En comparant trois groupes de pays pauvres, le rapport 2006 de la conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced) analyse les effets de la mondialisation. Les pays où le taux de croissance du PIB réel a le plus augmenté en 2004 (groupe 1 dans notre tableau) sont, en moyenne, ceux dans lesquels la part des investissements directs et des exportations par rapport au PIB étaient les plus élevés en 2004 et s’est le plus fortement accru au cours des cinq dernières années.

Les investissements étrangers favorisent la croissance. Le Congo en est un exemple : les aides publiques au développement se sont fortement accrues de 4,3 % du PIB en 2000 à 13,7 % en 2004, les investissements étrangers représentaient 0,5 % du PIB en 2000 et 13,7 % en 2004... Mais il existe des cas particuliers comme le Cambodge ou les parts de l’aide publique et des investissements directs se sont réduits sans entamer la croissance. Les pays pétroliers (Angola, Guinée équatoriale, Soudan et Yémen) jouent un rôle moteur dans ce groupe puisqu’ils réalisent près de la moitié des exportations des pays pauvres mais, même dans ces pays, le secteur exportateur n’est qu’une enclave qui entraîne peu le développement du reste du territoire. Dans les PMA non pétroliers, les déficits extérieurs augmentent.

A l’opposé, les pays les plus pauvres qui ont affiché en moyenne le taux de croissance du PIB réel le plus faible en 2004 (groupe 3) sont ceux dans lesquels les parts des investissements privés, l’aide publique et les exportations de marchandises par rapport au PIB étaient le plus bas et avaient le plus faiblement progressé au cours des cinq dernières années.

Les pays se trouvant dans une situation intermédiaire (groupe 2) sont ceux dans lesquels le ratio aide publique nette/PIB était le plus élevé et avait le plus augmenté entre 2000 et 2004, comme en Ouganda et au Rwanda. Le rapport note que ces ressources ont souvent des buts sociaux et font peut progresser la production du pays.

Si l’accès aux capitaux étrangers a une influence relative sur la croissance, l’effet sur le développement est encore plus fragile : le capital humain (la scolarisation) des pays pauvres est très en retard et les investissements étrangers visent davantage à utiliser leurs ressources naturelles qu’à permettre de diversifier la production.

Pour sortir de ces problèmes, le rapport préconise des politiques économiques qui privilégient le développement. Les politiques des années 1980-1990 ont trop souvent privilégié la libéralisation économique sans chercher à augmenter les capacités productives ; les aides devraient être davantage utilisées pour favoriser la production, l’emploi, la croissance et l’investissement.

Le faible développement des pays les moins avancés
Espérance de vie à la naissance en années
Taux d'alphabétisation des adultes en % des 15 ans et plus
Taux brut de scolarisation des moins de 24 ans en %
PIB par habitant en dollars
Indicateur de développement humain
Ensemble des PMA52,463,7451 3500,464
Guinée équatoriale42,887,0582 5100,653
Cambodge56,573,6602 4230,583
Congo52,3nc529780,520
Madagascar55,670,7578570,516
Ouganda48,466,8661 4780,502
Togo54,553,2551 5360,495
Djibouti52,9nc241 9930,494
Mauritanie53,151,2461 9400,486
Sénégal56,039,3381 7130,460
Rwanda43,4nc551 1540,448
Bénin54,334,7491 0910,428
Burkina Faso44,8nc377220,349
Mali48,119,0359980,338
Niger44,628,7217790,311

Source : Rapport mondial sur le développement 2006 du PNUD - 2004


Ouverture extérieure et développement
Apports nets d'APD
en % du PIB / 2000
Apports nets d'APD
en % du PIB / 2004
Apport nets d'IED
en % du PIB / 2000
Apports nets d'IED
en % du PIB / 2004
Exportations
en % du PIB / 2000
Exportations
en % du PIB / 2004
Indicateur de Développement Humain
2000
Indicateur de Développement Humain
2004
Groupe 1 (le PIB a augmenté de plus de 6 % en 2004)11,313,94,610,125,328,4
Cambodge11,110,44,12,939,052,50,5450,583
Guinée équatoriale1,60,98,051,481,889,90,6430,653
Mauritanie22,613,34,322,138,123,20,4470486
Congo4,327,20,513,717,721,50,5020,520
Sénégal9,713,71,40,921,020,00,4590,479
Groupe 2 (le PIB a augmenté de plus de 3 % et de moins de 6 % en 2004)14,918,82,01,915,317,6
Burkina Faso12,912,70,90,78,09,20,3300,342
Djibouti12,99,80,65,05,86,20,4850,494
Madagascar8,328,32,11,021,321,30,4820,509
Ouganda13,917,03,13,57,89,40,4740,502
Rwanda17,825,40,40,62,95,30,4260,450
Togo5,33,03,12,934,631,00,5040,495
Zambie24,620,13,86,22,420,60,4270,421
Groupe 3 (le PIB a augmenté de moins de 3 % en 2004)10,610,91,31,316,915,7..
Bénin10,69,32,61,517,416,50,4160,428
Mali14,811,73,43,722,723,10,3320,342
Niger11,717,40,50,615,712,00,2680,311

Source : ONU - Rapport sur les PMA 2006 de la Cnuced page 39 et Rapport sur le développement 2006 du PNUD

Photo / United Nations Development Program

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Date de première rédaction le 3 juillet 2007.
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