L’augmentation des dépenses contraintes, en particulier la hausse du coût du logement, laisse de moins en moins de marges de manœuvre aux ménages modestes. En moyenne, les 20 % les plus pauvres consacrent près d’un tiers de leurs revenus à ces charges non négociables. Extrait du Centre d’observation de la société.
La part des dépenses contraintes [1] rapportée au revenu des ménages est passée de 12 % dans les années 1960 à 29 % en 2019, selon l’Insee. Ces dépenses comprennent les frais de logement, les assurances et services financiers, les coûts de télécommunication et de télévision, ainsi que les frais de cantine scolaire. La hausse a surtout eu lieu des années 1960 jusqu’au milieu des années 1980 : le taux a été multiplié par plus de deux – de 12 % à 26 % – entre 1959 et 1985.
Parmi les dépenses contraintes, c’est surtout le logement qui grève le pouvoir d’achat. Son coût n’a quasiment jamais cessé de s’élever, de 9 % du budget des ménages en 1959 à 23 % en 2019, du fait de la hausse des loyers, mais aussi de celle des prix de l’électricité, du gaz et de l’ensemble des autres charges liées à l’habitation. Cette progression correspond pour partie à une amélioration de l’habitat, mais aussi à un enrichissement des bailleurs [2] : à qualité équivalente, les loyers ont augmenté. Une partie de l’élévation des revenus a été annulée par la hausse du coût du logement.
La hausse des dépenses contraintes n’a pas du tout le même effet selon le niveau de vie. Pour les 20 % du bas de l’échelle, ces dépenses représentent près du tiers de leur revenu, contre moins d’un cinquième pour les 20 % les plus riches, selon une étude de l’Insee (données 2017). Et encore, considérer les revenus des ménages par grandes tranches de 20 % masque forcément des situations beaucoup plus inégales. Pour les plus démunis, la part du budget contraint, notamment celle du loyer, est bien plus élevée et, pour certains, ce qui reste à la fin du mois est quasiment nul, comme l’a noté de longue date le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) [3]. L’effet est encore plus marqué pour les jeunes vivant dans les grandes métropoles – et notamment à Paris – qui subissent des coûts de logement très supérieurs à la moyenne nationale.
Extrait de « Des dépenses contraintes par le poids du logement », Centre d’observation de la société, 21 janvier 2021.
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[1] L’Insee utilise l’expression « dépenses pré-engagées » car bien d’autres dépenses sont contraintes : on ne peut pas non plus éviter de s’alimenter, de se vêtir, de se soigner…
[2] Voir « Comment la hausse des loyers enrichit les propriétaires bailleurs », Centre d’observation de la société, 9 janvier 2020.
[3] « Pour une mise en œuvre du droit à des moyens convenables d’existence. Analyse établie autour du concept de « reste à vivre » », Les rapports du CNLE, juin 2012.