Point de vue

Budget : la CSG est le seul impôt qui puisse assurer un effort commun et nous sortir de l’impasse

Pour équilibrer le budget de l’État, il faut sortir de la démagogie fiscale. Nous devons tous et toutes faire un effort. Le meilleur outil pour cela est la contribution sociale généralisée. Une tribune de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, publiée dans le journal Le Monde.

Publié le 19 novembre 2025

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Revenus

À l’Assemblée nationale, tout le monde – ou presque – semble d’accord : il faut trouver de l’argent pour réduire le déficit et notre dette colossale. Une somme d’une trentaine de milliards d’euros par an environ.
En revanche, aucun consensus n’existe sur la manière de procéder. Faut-il taxer les ultrariches ou les retraités ? Les pauvres (en dévaluant leurs prestations), les familles, les étrangers ou les médecins ? Sabrer dans les dépenses ? Si oui, lesquelles ? Le concours Lépine du prélèvement a rendu le débat budgétaire incompréhensible.

Pour réduire notre déficit, il n’existe que deux solutions : diminuer les dépenses ou accroitre les recettes. L’État et les collectivités peuvent fournir des efforts. Si l’on veut avancer dans cette voie, il faut dire les choses et nommer les fonctions collectives dont on veut se séparer. Trente milliards d’euros représentent l’équivalent de deux fois le budget de la police nationale, pour donner un ordre de grandeur.
Une réduction drastique des dépenses publiques provoquerait une récession : celles-ci sont essentiellement constituées de prestations sociales, de retraites et de salaires des fonctionnaires. Les classes populaires seraient les premières frappées.

28 milliards d’euros

Notre pays ne sortira pas de l’impasse sans effort partagé par tous et toutes. Il faut en finir avec l’égoïsme fiscal qui consiste à faire payer les autres : la politique du ciblage donne l’impression à la personne taxée d’être le dindon de la farce, et suscite la colère. Économiquement, le choc sera atténué, car une partie de l’effort viendra de l’épargne accumulée ces dernières années par les couches aisées.
L’argument selon lequel la France serait la « championne des prélèvements » n’a aucun sens : il résulte pour l’essentiel de notre manière collective de financer les retraites, l’école ou la santé et des aides que nous apportons aux entreprises. Ce que nous payons en impôts selon notre niveau de vie, les ménages des autres pays le paient de leur porte-monnaie, par exemple quand ils paient l’école de leurs enfants ou leur santé, sans que leurs ressources soient prises en compte.

En France, le seul impôt qui puisse assurer un effort commun est la contribution sociale généralisée (CSG), prélevée à la source sur tous les revenus. Deux points supplémentaires appliqués à l’ensemble des revenus rapporteraient 28 milliards d’euros. Cela demanderait un sacrifice d’une quarantaine d’euros par mois pour une personne seule au niveau de vie médian, soit 2 150 euros par mois. Est-ce vraiment insupportable ? La voie la plus juste serait d’établir plusieurs taux en fonction des revenus – comme c’est déjà le cas pour les retraités –, et de fusionner CSG et impôt sur le revenu.

La démagogie fiscale règne

Cette voie n’est plus débattue car la démagogie fiscale règne. La droite est arc-boutée sur la défense des classes aisées, faisant mine de protéger les entreprises qui subiront lourdement le choc de la baisse des dépenses. Le changement le plus notable vient de la gauche, elle aussi contaminée, qui ne jure plus que par la taxation des ultrariches. À 99,9 % contre 0,1 %, le consensus semble simple à obtenir. Les arguments de la droite pour s’y opposer relèvent de l’indécence dans le contexte actuel d’enrichissement des plus riches. Mais qui peut penser que prélever 2 000 foyers suffira ? Pourquoi eux seuls devraient payer ? Un cran en dessous, les couches aisées, bien plus nombreuses, se frottent les mains.

Pour sortir de l’impasse, il faut, premièrement, commencer à expliquer la hauteur de l’enjeu. Personne ne paie l’impôt de bon cœur. Si l’égoïsme prévaut, c’est à notre école, notre police ou notre Sécurité sociale que nous devrons renoncer, sauf les plus aisés qui auront les moyens de recourir au privé. Qui veut d’une santé à l’américaine ? Nos enfants, qui vivront dans un environnement pollué et devront payer la charge de la dette ? Les entreprises paieront cher la dégradation de l’activité, des services publics et les tensions sociales qui en résulteront.

Deuxièmement, nous en sommes là car les partis ont troqué leurs valeurs pour les sondages, qui fabriquent désormais leurs propositions. Ils doivent comprendre que les enquêtes d’opinion, dont ils se gavent, agissent comme une drogue qui les aveugle. Des décennies de baisse d’impôts n’ont jamais rendu populaire.
La suppression de la taxe d’habitation est l’un des plus grands gâchis d’argent public de l’histoire de France, qui nous fait perdre 20 milliards d’euros par an. A-t-elle profité politiquement à Emmanuel Macron ? A-t-elle eu le moindre impact sur notre économie ? Il suffirait de rendre cet argent pour faire une bonne part du chemin. La droite et le centre en particulier doivent arrêter de se braquer sur ce point, pour l’intérêt de la France, mais aussi pour le leur.

Un Grenelle des revenus et de la fiscalité

La seule manière d’avancer pour les députés qui croient encore au modèle social français est de décider d’une année budgétaire blanche , assortie de la seule revalorisation des prestations sociales sous conditions de ressources. Puis, dès janvier 2026, d’ouvrir un Grenelle de la fiscalité en rassemblant les représentants des partis, des syndicats, des entreprises, des collectivités locales et des associations afin de déterminer la hauteur exacte des économies budgétaires possibles et de l’effort à faire.
Autrement, il faudra se résoudre à accepter le chaos de l’égoïsme si ingénieusement mis en place, avec les fractures et les tensions qui iront avec. Il ne faudra pas s’en plaindre lors du prochain scrutin.

Louis Maurin
Tribune initialement publiée dans le journal Le Monde, sous le titre « Budget : La CSG est le seul impôt qui puisse assurer un effort commun et nous sortir de l’impasse », le 12 novembre 2025.

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Date de première rédaction le 19 novembre 2025.
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