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150 millions d’enfants travaillent dans le monde

150 millions d’enfants travaillent dans le monde alors que les normes internationales l’interdisent. 70 millions dans des conditions dangereuses. Un chiffre qui diminue, mais un enfant sur dix reste concerné.

Publié le 16 mars 2018

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Emploi

218 millions [1] d’enfants âgés de 5 à 17 ans, soit 13,8 % des enfants de cet âge, sont « occupés économiquement » au moins une heure au cours de la semaine d’enquête, estime l’Organisation internationale du travail (OIT) en 2016 [2]. Parmi eux, 152 millions, soit 9,6 %, « travaillent », ce qui signifie que leur activité contrevient aux normes internationales (voir encadré). 4,3 millions d’enfants sont assujettis à du travail forcé (servitude pour dettes, prostitution, enfants-soldats, etc.), dont 300 000 par les autorités de l’État.

Entre 2012 et 2016, le nombre d’enfants occupés économiquement dans le monde a diminué de plus de 46 millions et leur proportion est passée de 16,7 à 13,8 %. Le nombre et la part des enfants qui travaillent de manière illégale ont également diminué, passant de 168 à 152 millions d’enfants, soit de 10,6 % à 9,6 %. Même chose pour ceux qui occupent un emploi « dangereux », c’est-à-dire « particulièrement à risque pour leur santé, leur sécurité, leur développement physique ou moral » selon l’OIT : leur part est passée de 5,4 % en 2012 à 4,6 % en 2016, et leur nombre de 85 à 73 millions. Cette tendance à la diminution a été plus marquée entre 2008 et 2012. Elle s’est ensuite sensiblement ralentie, entre 2012 et 2016.

Évolution du travail des enfants dans le monde
2012
2016
Enfants occupés économiquement*
Nombre (en milliers)264 427218 019
Part des 5-17 ans (en %)16,713,8
- dont enfants travaillant illégalement**
Nombre (en milliers)167 956151 622
Part des 5-17 ans (en %)10,69,6
- dont enfants impliqués dans des travaux dangereux
Nombre (en milliers)85 34472 525
Part des 5-17 ans (en %)5,44,6
* Enfants de 5 à 17 ans qui ont effectué au moins une heure de travail au cours de la semaine. ** C’est ce cas précis qui est nommé « travail des enfants » : il comprend tous ceux qui ont une activité économique qui contrevient à l’âge minimum du travail en droit international ou qui relève de travaux dangereux pour la moralité ou la santé.
Source : Organisation internationale du travail – © Observatoire des inégalités

La géographie du travail des enfants

L’Afrique est la région où le plus grand nombre d’enfants travaillent : ils sont 72 millions (presque 20 % des enfants) à exercer un travail qui contrevient aux normes internationales. Parmi eux, 31,5 millions, soit 8,6 % des enfants, effectuent un travail dangereux. En Asie et dans le Pacifique, la part des enfants qui travaillent illégalement est de 7,4 %. Avec 62 millions d’enfants concernés, cette grande région du monde représente 41 % des enfants qui travaillent illégalement dans le monde.

Le « travail des enfants » désigne l’activité économique des enfants lorsqu’elle contrevient aux conventions internationales.

Source : Organisation internationale du travail – Données 2016 – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Le travail des enfants est corrélé à la pauvreté des nations. Dans les pays où le revenu moyen par habitant est inférieur à 1 045 dollars par an et par personne, un enfant sur cinq travaille en dépit des normes internationales. Ils représentent plus de 65 millions d’enfants et 43 % de l’ensemble des enfants qui travaillent dans le monde. Le phénomène n’a pas totalement disparu des pays les plus riches : plus de deux millions d’enfants travaillent illégalement dans les pays où l’on gagne plus de 12 700 dollars par an en moyenne. Plus de trois quarts d’entre eux sont contraints à des travaux dangereux.

Le travail des enfants dans le monde
selon le revenu moyen par habitant
Enfants travaillant illégalement
en milliers
Part des 5-17 ans
en %
Dont enfants impliqués dans des travaux dangereux
en milliers
Part des 5-17 ans
en %
Pays à bas revenu
(moins de 1 045 dollars par habitant)
65 20319,429 6648,8
Pays à revenu moyen inférieur
(entre 1 046 et 4 125 dollars)
58 1848,533 4654,9
Pays à revenu moyen supérieur
(entre 4 126 et 12 735 dollars)
26 2096,67 7512,0
Pays à haut revenu
(supérieur à 12 736 dollars)
2 0251,21 6451,0
Ensemble151 6229,672 5254,6
Selon le revenu moyen annuel par habitant en 2015. Le « travail des enfants » désigne l’activité économique des enfants lorsqu’elle contrevient aux conventions internationales.
Source : Organisation internationale du travail – Données 2016 – © Observatoire des inégalités

Plus des deux tiers des enfants dont le travail contrevient aux conventions internationales sont employés par leur famille et ne sont pas rémunérés. Seuls 27 % occupent des emplois salariés et 4 % sont considérés comme des travailleurs indépendants. Contrairement à nos représentations d’enfants esclaves de l’industrie manufacturière, l’agriculture arrive largement en tête des secteurs qui emploient des enfants. Elle occupe 108 millions d’enfants, soit 71 % des enfants employés illégalement, souvent dans des conditions de travail dangereuses. Le secteur des services en compte 26 millions, et celui de l’industrie, 18 millions.

Le « travail des enfants » désigne l’activité économique des enfants lorsqu’elle contrevient aux conventions internationales.

Source : Organisation internationale du travail – Données 2016 – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Des travailleurs très jeunes

Les enfants qui travaillent illégalement sont surtout les plus jeunes : au nombre de 72,6 millions, les 5-11 ans représentent près de 48 % d’entre eux. Par rapport à la période 2008-2012, c’est parmi ces plus jeunes que les progrès ont été les plus faibles : de 73 millions en 2012, ils sont passés à 72,5 millions en 2016, et représentent encore 8,3 % de leur classe d’âge.

À première vue, le travail des enfants au sens de l’OIT est davantage le lot des garçons (58 %) que celui des filles (42 %), mais l’organisation internationale reconnaît que ses statistiques sous-estiment la part des filles, celles-ci étant plus souvent employées à des activités – emploi domestique, prostitution – qui échappent davantage à l’observation. De plus, le temps consacré à accomplir des tâches ménagères est parfois tel qu’il entrave ou interdit une scolarité normale. Les 3,4 millions de garçons et les 8 millions de filles qui consacrent plus de 42 heures par semaine aux tâches ménagères ne sont pas comptés parmi les enfants qui travaillent. Si l’OIT en tenait compte, le « travail des enfants » concernerait au total au moins autant, sinon davantage, de filles que de garçons.

Le travail des enfants est souvent incompatible avec leur scolarisation, et il l’est d’autant plus qu’ils y consacrent une part importante de leur temps. En outre, les enfants qui, tout en étant scolarisés, ont une activité économique, voient leur scolarité pénalisée. Mais nombre d’enfants travaillent justement pour payer les frais d’une scolarité qu’ils poursuivent parfois jusqu’à son terme avec succès. Malheureusement, les enquêtes de l’OIT ne permettent pas d’estimer le poids du travail dans la réussite ou l’échec scolaire. Tout ce que l’on sait, c’est que 68,4 % des enfants âgés de 5 à 14 ans qui « travaillent » au sens de l’OIT vont en même temps à l’école. Cela signifie à l’inverse que 31,6 % des enfants qui travaillent ne sont pas scolarisés. Pour les 5-11 ans, en âge d’aller à l’école primaire, ce taux est de 28,6 %.

Qu’appelle-t-on le « travail des enfants » ?
Interdire le « travail des enfants » suppose de donner une définition mondiale unique à deux notions qui varient dans l’espace et le temps : ce qu’est un « enfant », d’une part, et ce qu’est un « travail », d’autre part. Jusqu’à quel âge une jeune personne dépend-elle de ses parents pour vivre ? Dans certains pays, on devient très vite autonome et on quitte tôt le statut d’enfant. L’Organisation internationale du travail considère comme « enfants » les jeunes de 5 à 17 ans.

Dans de nombreux pays, participer aux travaux agricoles, par exemple, constitue une norme sociale, comme ce fut longtemps le cas dans les pays occidentaux. Quel est le travail acceptable pour un enfant ou un adolescent ? L’OIT fixe l’âge légal minimum du travail selon la nature du travail et selon la région du monde : les enfants de 13 à 15 ans peuvent effectuer des travaux légers, à condition que cela ne les empêche pas d’aller à l’école. Une activité économique à plein temps n’est légale qu’à partir de 15 ans. Ces seuils sont abaissés à 12 et 14 ans pour les pays en développement. Les travaux dangereux pour la santé ou la moralité (par exemple prostitution, trafic de stupéfiants, recrutement dans l’armée) sont interdits partout dans le monde jusqu’à 18 ans.

Résumons-nous. Un « enfant qui travaille » au sens de l’OIT est un enfant qui travaille illégalement. Sa situation est très différente selon son âge. Entre 5 et 13 ans (12 ans dans les pays en développement), il a une activité économique d’au moins une heure par semaine. Entre 13 et 15 ans (ou 12 et 14 ans dans les pays en développement), il exerce une activité dangereuse ou bien trop lourde pour aller régulièrement à l’école. À partir de 15 ans (14 ans dans les pays en développement) et jusqu’à 18 ans, lui sont interdites les activités dangereuses pour sa santé, sa sécurité ou sa moralité.

Photo / CC-By-NC-ND OIT Asie et Pacifique


[1Il faut considérer ces données avec précaution, surtout pour celles qui tentent de mesurer un phénomène illégal. Les pays pauvres sont mal armés pour produire des statistiques fiables, et parmi les pays plus avancés, beaucoup estiment ne pas ou ne plus avoir à mesurer un phénomène qu’ils prétendent ne plus connaître.

[2Voir « Global Estimates of Child Labour – Results and trends, 2012-2016 », International Labour Office, 2017.

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Date de première rédaction le 16 mars 2018.
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