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Les inégalités de revenus remontent

Après une baisse dans les années 1970 et 1980, les inégalités de revenus repartent à la hausse depuis la fin des années 1990. Notre synthèse avec les principaux indicateurs sur le sujet.

Publié le 17 novembre 2023

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Revenus Niveaux de vie

Pour vraiment comprendre l’évolution des inégalités de revenus, il faut les analyser sur le temps long et utiliser différents indicateurs. Notre synthèse sur le sujet fait apparaitre un tournant à la fin des années 1990 qui sont marquées par une remontée des écarts. Observons les différents indicateurs.

Au vu du rapport entre le niveau de vie minimum des 10 % les plus riches et le niveau de vie maximum des 10 % les plus pauvres (dit « rapport interdécile ») [1], on a assisté à une baisse très nette des inégalités de revenus dans les années 1970. Ce mouvement s’interrompt à partir des années 1980. En 1970, les 10 % les plus riches avaient un niveau de vie minimum 4,6 fois plus élevé que le maximum des 10 % les plus pauvres. En 1984, ce rapport est de 3,45. Depuis, il oscille autour de cette valeur. Il atteint 3,4 en 2021.

Mais cet indicateur ne prend pas en compte l’évolution de ce que touchent les très riches, ceux situés très au-dessus du seuil d’entrée dans les 10 % les plus aisés. Par exemple, si seul le 1 % le plus riche s’enrichit, le rapport interdécile ne change pas.

Rapport entre le niveau de vie minimum des 10 % les plus riches et le maximum des 10 % les plus pauvres. Revenus après impôts et prestations sociales.
Lecture : en 2021, le niveau de vie minimum des 10 % les plus riches est 3,41 fois supérieur au niveau de vie maximum des 10 % les plus pauvres.

Source : Insee – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

« L’indice de Gini » est plus complet, car il compare la répartition des revenus dans toute la population à une situation d’égalité théorique. Plus il est proche de zéro, plus on s’approche de l’égalité. Plus il tend vers un, plus l’inégalité est forte. Cet indice diminue jusqu’au milieu des années 1990 pour atteindre un point bas à 0,272 en 1998.

À la fin des années 1990, on assiste à un tournant dans l’histoire des inégalités de niveau de vie en France : l’indice de Gini se remet à augmenter fortement jusqu’à un sommet de 0,298 atteint en 2011. En 2021, après plusieurs années d’accalmie, l’indicateur remonte à ce niveau, à 0,294 précisément.

Après impôts et prestations sociales.
Lecture : en 2021, l'indice de Gini des niveaux de vie, après impôts et prestations sociales, est de 0,294 en France.

Source : Insee - © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Ces tendances sont confirmées par le « ratio de Palma » qui rapporte la masse des revenus perçue par les 10 % les plus riches à celle que reçoit l’ensemble des 40 % les plus pauvres. En zoomant sur les 25 dernières années, on observe que les 10 % les plus riches percevaient en 1999 la même masse de revenus que l’ensemble des 40 % les plus pauvres alors que ces derniers sont quatre fois plus nombreux. Le ratio de Palma était alors de 1. La part captée par les plus riches dans l’ensemble des revenus a progressé significativement ensuite, pour atteindre un sommet à 1,11 en 2011. Entre 2013 et 2017, le ratio est redescendu autour de 1,01. Il remonte à 1,09, un niveau qui situe l’année 2021 parmi les plus inégalitaires en matières de revenus depuis le début des années 2000.

Rapport entre la part des revenus perçue par les 10 % les plus aisés et celle des 40 % les plus pauvres. Revenus après impôts et prestations sociales.
Lecture : en 2021, les 10 % les plus aisés perçoivent une masse de revenus 1,09 fois plus importante que l'ensemble des 40 % les plus modestes, alors que ces derniers sont quatre fois plus nombreux.

Source : Insee – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

En conclusion, les inégalités de niveau de vie, observées à travers ces différents indicateurs n’explosent pas en France. En revanche, la tendance historique à la baisse s’est retournée. Tout au long des années 1970 à 1990, les revenus des pauvres et des riches avaient tendance à se rapprocher. Depuis la fin des années 1990, les écarts entament une remontée, avec des pics marqués en 2011-2012, 2018 et 2021.

Ces indicateurs ont plusieurs limites. Tout d’abord, il s’agit de moyennes qui masquent, par exemple, l’amélioration des niveaux de vie des plus âgés et la détérioration de ceux des plus jeunes. En outre, ils prennent mal en compte les extrémités de la hiérarchie des revenus, c’est-à-dire les très pauvres et les très riches dont les revenus sont mal connus.

Enfin, ces indicateurs sont tous relatifs : il s’agit de rapports entre les tranches de revenus. Dans la vie de tous les jours, on ne se compare pas de façon relative (en divisant le revenu le plus élevé par le plus faible), mais en euros, de manière dite « absolue », surtout à court terme. Par exemple, entre 2016 et 2021, le niveau de vie moyen des 10 % les plus pauvres s’est accru de 430 euros sur l’année (en euros constants, effet de l’inflation déduit), alors que celui des 10 % les plus riches a progressé de 1 360 euros, soit 3,2 fois plus.

Les dernières données de l’Insee portent sur l’année 2021, avant la période de retour de l’inflation qui touche de façon très inégalitaire les ménages. Les plus modestes consacrent une proportion plus importante de leurs revenus aux biens essentiels dont les prix montent. Même en supposant que les salaires soient augmentés du pourcentage de l’inflation – ce qui ne sera probablement pas le cas pour tous –, les catégories populaires et les classes moyennes risquent de perdre bien plus de pouvoir d’achat que les plus aisés. Quant aux plus pauvres, la faible revalorisation des minima sociaux et des allocations fait craindre un recul de leur pouvoir d’achat.

Photo / CC Hyejin Kang


[1Ce rapport est calculé une fois les impôts directs retirés et les prestations sociales ajoutées, pour une personne seule.

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Date de première rédaction le 10 septembre 2019.
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