Données

Tel père, tel fils ? L’inégalité des chances reste élevée

Les fils de cadres deviennent cinq fois plus souvent cadres que les fils d’ouvriers. La mobilité sociale existe toujours, mais elle est bien moins forte qu’auparavant. L’égalité des chances est encore loin. Extrait du Centre d’observation de la société.

Publié le 24 janvier 2019

https://www.inegalites.fr/Tel-pere-tel-fils-L-inegalite-des-chances-reste-elevee - Reproduction interdite

Emploi Catégories sociales

En 2014, 47 % des fils de cadres supérieurs, selon l’Insee, étaient eux-mêmes cadres sup, contre moins de 20 % de l’ensemble des fils et moins de 10 % des enfants d’ouvriers (les tableaux se lisent horizontalement). L’égalité des chances est bien lointaine puisque les fils de cadres deviennent cinq fois plus souvent cadres eux-mêmes que ceux d’ouvriers. Près de trois quarts des enfants de cadres supérieurs sont restés dans leur catégorie sociale ou se situent parmi les professions intermédiaires. La situation des enfants d’ouvriers est le reflet inverse de celle des enfants de cadres : 48 % sont demeurés ouvriers alors que seuls 10 % des fils de cadres sont devenus ouvriers. La situation des employés et des professions intermédiaires est plus incertaine. Si un quart des enfants des professions intermédiaires ont grimpé dans la hiérarchie pour devenir cadres supérieurs, plus du tiers sont redescendus au niveau employé ou ouvrier. Un tiers des enfants d’employés sont devenus ouvriers, mais 42 % ont accédé à une position sociale supérieure, parmi les professions intermédiaires (26 %) ou les cadres supérieurs (16 %).

Par rapport aux données du début des années 2000 [1], les évolutions sont très faibles. La reproduction sociale a très légèrement baissé chez les cadres puisqu’à l’époque, 52 % des enfants de cadres supérieurs étaient eux-mêmes cadres, mais inversement, les enfants d’employés et de professions intermédiaires deviennent aujourd’hui un peu moins souvent cadres supérieurs. Compte tenu des marges d’erreur [2], il est difficile d’y voir une évolution nette, ce qui était déjà la conclusion de l’Insee en 2006 pour la période 1977-2003. Bref, la stagnation dure depuis près de quarante ans, ce qui commence à faire long, d’autant que pendant ce temps le niveau des diplômes s’est nettement élevé.

Si on compare les 30-59 ans de 2014 avec la génération précédente en considérant les hommes et les femmes, la mobilité vers le haut continue très légèrement à prendre le pas sur la mobilité vers le bas : 23,9 % des personnes ont connu un parcours ascendant par rapport à la situation de leur père, contre 21,7 % qui ont connu un parcours inverse. Un tiers est resté au même niveau et un cinquième a changé de statut (salarié vers non-salarié ou l’inverse). Ceci dit, ces moyennes masquent des situations inversées chez les femmes et les hommes. Les premières sont moins souvent en ascension sociale qu’en parcours descendant alors que les seconds grimpent plus souvent. Les femmes sont beaucoup plus souvent diplômées et actives, mais seul un cinquième d’entre elles ont dépassé la position sociale de leur père. Ces données traduisent les difficultés qui persistent pour les femmes à accéder aux positions les plus élevées de la hiérarchie sociale alors qu’elles sont souvent plus diplômées que les hommes [3].

« L’égalité des chances », proclamée de façon répétée par la République, reste donc une fiction. L’ascenseur social n’est pas bloqué : un tiers des fils d’ouvriers sont devenus cadres supérieurs ou professions intermédiaires. Mais il s’élève plus lentement qu’auparavant du fait du ralentissement des créations d’emplois. Et encore, les derniers chiffres de l’Insee portent sur des personnes âgées de 30 à 59 ans en 2014. Elles sont donc nées au plus tard en 1984 et au plus tôt en 1955. Ces chiffres « moyennisent » des générations aux destins très différents et ne disent rien des générations nées à partir du milieu des années 1980, celles qui, notamment, ont dû entrer sur le marché du travail en plein marasme économique à la fin des années 2000. Il y a fort à parier que ces données enjolivent la situation pour les générations les plus récentes.

Mobilité sociale : les filles oubliées ?
Le plus souvent, les analyses de la mobilité sociale portent sur la situation des fils par rapport à leur père. Où sont les filles ? La difficulté d’intégrer les tables de mobilité des filles par rapport aux mères est qu’au cours des dernières décennies, le taux d’activité féminin a considérablement progressé. On compare des univers très différents et on mesure surtout la progression de l’activité professionnelle des femmes.

Extrait du Centre d’observation de la société.

Photo / domaine public


[1Voir « En un quart de siècle, la mobilité sociale a peu évolué », Stéphanie Dupays, in Données sociales édition 2006, Insee, mai 2006.

[2On notera aussi que l’Insee a changé légèrement de méthode en observant les 30 à 59 ans contre les 40-49 ans auparavant.

[3Comparées à leurs mères, on observerait en revanche de très fortes progressions dans la hiérarchie sociale.

Aidez-nous à offrir à tous des informations sur l’ampleur des inégalités

Notre site diffuse des informations gratuitement, car nous savons que tout le monde n’a pas les moyens de payer pour de l’information.

L’Observatoire des inégalités est indépendant, il ne dépend pas d’une institution publique. Avec votre soutien, nous continuerons de produire une information de qualité et à la diffuser en accès libre.


Je fais un don
Date de première rédaction le 24 janvier 2019.
© Tous droits réservés - Observatoire des inégalités - (voir les modalités des droits de reproduction)