Analyse

Salaire minimum et salaire moyen : un écart stable depuis 35 ans

Un salarié en temps plein touche en moyenne 3,6 fois plus qu’en 1950, une fois la hausse des prix prise en compte. Depuis 35 ans, le salaire minimum est resté à peu près équivalent à la moitié du salaire moyen à temps plein. L’analyse de Louis Maurin.

Publié le 1er janvier 2020

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Revenus Salaires

Au cours des 65 dernières années, le salaire moyen pour un temps complet a été multiplié par 3,6 si l’on déduit l’inflation, selon les données de l’Insee. Dit autrement, le « pouvoir d’achat » du salaire moyen a plus que triplé. Le débat public se concentre souvent sur des durées très courtes et des évolutions minimes. Pourtant, prendre du recul permet de mieux comprendre les évolutions de fond.

La variation du salaire moyen sur une longue période est saisissante. L’œil qui parcourt les données de notre premier graphique perçoit une rupture dans les années 1970. Pendant une période de 25 ans (entre les années 1950 et le milieu des années 1970), le salaire moyen a été multiplié par trois. C’est l’euphorie de la période de croissance dite des « Trente Glorieuses » : on reconstruit la France et on entre dans la société de consommation, avec comme symboles la démocratisation de biens comme la voiture, la télé ou encore le frigo. Tout change ensuite. Au cours des 40 années suivantes, depuis 1975, le salaire moyen n’a connu qu’une lente évolution (il a été multiplié par 1,3).

Salaires nets à temps plein. Rupture de série en 2001 avec le passage à 35 heures. Lecture : pour une base 100 en 1951, le salaire moyen est passé à 364 euros en 2015. Il a été multiplié par 3,6, inflation déduite. Pour une base 100 en 1951 également, le salaire minimum est passé à 340 en 2015.

Source : Insee – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

La cassure se fait suite au premier choc pétrolier de 1974. La croissance fléchit l’année suivante, se relève et replonge dès 1980 : les politiques économiques ne réussissent pas à maintenir l’activité et l’augmentation des salaires fléchit. Changement d’ambiance. Le salaire moyen continue certes à gagner du terrain, mais à une vitesse qui n’a plus rien à voir. Alors qu’avant cette crise on pouvait compter sur un gain de pouvoir d’achat de 4 % par an, à partir des années 1980, on doit se contenter de 0,5 %, voire 1 %.

Durant la même période, le salaire minimum a suivi une trajectoire similaire, mais avec quelques différences toutefois. Au bout du compte, il a été multiplié par 3,4 entre 1951 et 2015, mais sur une base de 35 heures hebdomadaires de travail en fin de période, contre 40 heures au début : la durée légale du travail a été diminuée d’environ 13 % avec le passage aux 39 heures en 1982 et aux 35 heures en 2000.

Dans l’après-guerre, le salaire minimum valait à peu près la moitié du salaire moyen. Au milieu des années 1960, il n’en représente plus qu’un tiers. Le salaire minimum interprofessionnel, dit alors « garanti » (smig) décroche : il ne fait que suivre l’inflation (on dit que son « pouvoir d’achat » stagne), alors que les salaires moyens augmentent beaucoup plus. Tout le monde n’a pas autant profité des Trente Glorieuses, notamment les salariés peu qualifiés de l’industrie. Le sentiment de ne pas participer au progrès a nourri les grèves de 1968 qui ont abouti à une augmentation de 35 % du smig, qui deviendra le salaire minimum interprofessionnel de croissance (smic) en 1970. L’écart avec le salaire moyen se réduit d’un coup, mais les revalorisations du smic, qui vont au-delà de l’inflation, vont encore le réduire. Il revient progressivement à son niveau du début des années 1950, soit environ la moitié.

Plus de salariés, mais aussi plus de précarité

Au bout du compte, pour ce qui est des temps pleins, l’écart est aujourd’hui sensiblement le même que dans les années 1950 (si l’on raisonne en pourcentage) entre ceux qui sont payés au tarif minimum et la moyenne. Entre-temps, le marché du travail a bien changé. En positif d’abord. En 1950, les non-salariés représentaient un tiers des actifs, ils ne sont plus qu’un dixième aujourd’hui. Un progrès énorme car il assure des rentrées régulières à ceux qui travaillent. La durée légale du travail est passée de 173 heures mensuelles à 151 heures en un demi-siècle, avec une semaine de congés payés en plus (la cinquième semaine de 1982). En négatif aussi. Le développement du temps partiel dès la fin des années 1970 fait qu’une partie des salariés – essentiellement des femmes – ne perçoivent que des salaires partiels. La montée de la précarité dans les années 1980 implique, pour les jeunes et les moins qualifiés, des salaires moins « durables » et l’impossibilité de se projeter dans l’avenir.

Salaires nets à temps plein. Rupture de série en 2001 avec le passage aux 35 h. Lecture : en 2015, le smic à temps complet représente 50 % du salaire moyen.

Source : Insee, calculs Observatoire des inégalités – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Photo / CC0 Domaine public

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Date de première rédaction le 1er janvier 2020.
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