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Les étudiants maghrébins discriminés à l’entrée de certains masters, pas les personnes handicapées

Les étudiants d’origine nord-africaine ont 13 % moins de chances d’obtenir une réponse que les candidats avec un nom français, lorsqu’ils s’informent sur les modalités de candidature en master. Les candidats handicapés ne semblent pas discriminés.

Publié le 15 mars 2022

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Éducation Origines

Lorsque les étudiants en licence contactent des enseignants responsables de master pour leur demander comment candidater, ceux qui portent un nom d’origine maghrébine ont 13 % moins de chances d’obtenir une réponse. Les étudiants à mobilité réduite, en revanche, ne sont pas discriminés. Pour la première fois en France, des chercheurs du CNRS ont mené une étude [1] sur la discrimination au sein de l’université. Ils ont envoyé par e-mail à 600 masters d’universités publiques trois demandes d’informations similaires de la part d’étudiants fictifs. Le premier candidat porte un nom d’origine nord-africaine, le deuxième a un nom français et précise qu’il est en fauteuil roulant, le troisième porte un nom d’origine française et ne mentionne pas de handicap.

Le candidat d’origine française non handicapé reçoit une réponse de la part de 70 % des responsables de masters, tandis que le candidat au nom à consonance maghrébine reçoit une réponse dans seulement 61 % des cas. Le candidat à mobilité réduite, quant à lui, reçoit 68 % de réponses, un écart avec le candidat de référence (nom français, sans handicap) jugé non significatif par les chercheurs.

Une discrimination est constatée uniquement à l’entrée des masters les plus sélectifs. En droit, économie, gestion ou dans les filières scientifiques, un candidat d’origine immigrée a environ 20 % de chances en moins d’y obtenir une réponse qu’un candidat apparemment d’origine française. La fréquence maximale de traitement différencié est atteinte dans les filières juridiques, qui devraient pourtant être exemplaires en matière de droits. En sciences humaines et sociales, le taux de réponse (69 %) est exactement le même, et en arts, lettres et langues, les candidats d’origine nord-africaine obtiennent un taux de réponse supérieur, 75 % contre 70 % pour le candidat au nom à consonance française [2].

Pour comprendre les ressorts de la discrimination dans certains masters, les chercheurs ont mené une enquête auprès des responsables de formation sollicités. Les discriminations ethniques sont d’autant plus fréquentes que ces derniers estiment n’avoir pas assez d’informations sur le niveau des étudiants. À défaut d’éléments suffisants pour sélectionner les meilleurs, certains responsables de la sélection partent du principe que les candidats d’origine nord-africaine ont en moyenne de moins bons résultats, et se comportent comme si c’était le cas de tous.

Les responsables de formation n’avaient aucune information sur le niveau individuel des étudiants dans l’e-mail envoyé par les candidats. On ne peut donc déduire de ce testing qu’un candidat d’origine maghrébine est discriminé par rapport à un candidat au nom français, à notes comparables. Il faut aussi souligner que cette preuve d’une discrimination ethnique pour des demandes d’informations ne concerne qu’une partie des formations et des responsables de masters qui, dans leur très grande majorité, traitent les candidats de manière identique.

Pour autant, l’expérience réalisée sur 1 800 candidatures en master prouve que les étudiants d’origine nord-africaine ne sont pas traités partout de la même façon que les autres, au mépris des valeurs prônées par l’institution et de la loi. « Les candidats discriminés devront redoubler d’effort pour accéder à une bonne formation et, pour un niveau donné d’effort, ils accèderont à des formations offrant de moindres débouchés professionnels », notent les auteurs. Pour eux, la discrimination dans la prise d’informations est significative d’un processus plus large : « il est hautement probable que ces différences de traitement révèlent [les] préférences particulières [du responsable de master, ndlr] pour tel ou tel profil de candidats », ajoutent les chercheurs.

Taux de réponse à une demande d’information sur l’entrée en master selon le profil du candidat
Taux de réponse
en %
Écart par rapport au candidat de référence en points
en points
Le candidat reçoit X % de réponses en moins
Candidat de référence (nom français, sans handicap)70
Candidat d’origine nord-africaine61- 9- 13
Candidat en fauteuil roulant 68-2 (n. s.)- 3 (n. s.)
n.s. : non significatif statistiquement. Lecture : un candidat d’origine nord-africaine reçoit 61 % de réponses de la part des responsables de masters à sa demande d’informations, contre 70 % pour le candidat au nom français, soit neuf points de moins. Il a donc 13 % moins de chances de recevoir une réponse.
Source : TEPP-CNRS – Données 2021 – © Observatoire des inégalités
Taux de réponse à une demande d’information sur l’entrée en master selon le profil du candidat
Candidat de référence (nom français, sans handicap)
en %
Candidat d'origine nord-africaine
en %
Écart par rapport au candidat de référence en points
en points
Le candidat reçoit X % de réponses en moins
Droit, économie, gestion7055- 15- 21
Sciences humaines et sociales6969- 1 (n. s.)- 2 (n. s.)
Sciences, technologie, santé7157- 14- 20
Arts, lettres, langues7075+ 5+ 2 (n. s.)
n.s. : non significatif statistiquement. Lecture : un candidat portant un nom maghrébin reçoit 55 % de réponses lorsqu’il demande comment s’inscrire en master de droit, économie ou gestion, contre 70 % pour le candidat au nom français. Il a donc 21 % moins de chances de recevoir une réponse.
Source : TEPP-CNRS – Données 2021 – © Observatoire des inégalités

Photo / CC By-NC-ND Camille Stromboni


[1« Discrimination dans l’accès aux masters : une évaluation expérimentale », Sylvain Chareyron et al., Rapport de recherche n° 2022-4, TEPP CNRS, février 2022.

[2Soit 2 % de chances supplémentaires d’obtenir une réponse pour les candidats maghrébins, un écart jugé non significatif statistiquement par les auteurs de l’étude.

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Date de première rédaction le 15 mars 2022.
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