La fréquence des actes à caractère raciste demeure stable
Qu’il s’agisse des actes, des condamnations ou des témoignages en matière de racisme et de xénophobie, tous les indicateurs sont stables ou en baisse. Ce qui ne doit pas conduire à minimiser le phénomène. Une analyse extraite du Centre d’observation de la société.
9 juillet 2020
https://www.inegalites.fr/La-frequence-des-actes-a-caractere-raciste-demeure-stable - Reproduction interditeLe Service central de renseignement territorial du ministère de l’Intérieur recense chaque année l’ensemble des actes à caractère raciste [1] qui ont donné lieu à une plainte ou à une intervention de police. Relativement stable dans les années 1990, leur nombre a triplé au début des années 2000, de 500 à 1 500 par an, puis a oscillé autour de ce niveau. S’il y a eu progression, elle date d’une quinzaine d’années. Il faut être très prudent avec ces données qui varient du simple au double d’une année sur l’autre, ce qui n’est à l’évidence pas le cas des actes racistes. Par ailleurs ces chiffres traduisent surtout un meilleur recensement des cas et le fait que certains comportements hier tolérés ne le sont plus désormais.
Source : Service central de renseignement territorial du ministère de l’Intérieur – © Observatoire des inégalités
Avec les condamnations judiciaires, on observe les cas les plus graves sanctionnés par la société. Les données du ministère de la Justice indiquent une baisse au milieu des années 2000, suivie d’une stabilisation. Là aussi, les chiffres peuvent varier en fonction de l’activité de l’institution, mais il semble difficile de présumer d’une clémence plus grande des juges dans les années récentes. On a de bonnes raisons de penser que le nombre de ces cas les plus graves n’augmente pas. Ce qui ne préjuge en rien, bien sûr, de formes de racisme beaucoup plus banales et beaucoup plus répandues qui échappent à tout enregistrement.
Source : ministère de la Justice, CNCDH – © Observatoire des inégalités
Pour mesurer le nombre d’actes à caractère raciste et xénophobe commis et notamment ceux du quotidien, on peut aussi poser la question aux intéressés. Depuis 2006, tous les ans, le ministère de l’Intérieur réalise une enquête dans laquelle on demande aux personnes interrogées « avez-vous été victime d’injures ou de violences racistes ? ». Les injures racistes représentent entre 10 % et 15 % de l’ensemble des injures. Les violences racistes, entre 5 % et 7 %. Là aussi, les évolutions demeurent modestes. Le nombre de personnes victimes d’injures à caractère raciste a augmenté de 560 000 à 740 000 par an entre 2008 et 2013, puis il a nettement diminué pour revenir à 530 000 en 2018. Mesuré uniquement depuis 2011, le nombre de personnes se déclarant victimes de violences physiques racistes a été divisé par deux, d’un pic de 236 000 en 2012 à 114 000 en 2018. Il faudrait tenir compte de l’évolution de la sensibilité aux actes racistes, mais on peut difficilement conclure à une progression du phénomène.
Source : ministère de l'Intérieur – © Observatoire des inégalités
Ni du côté des actes recensés, ni du côté des victimes, on n’observe une flambée de racisme. Le croisement de différentes données pousse plutôt à conclure à une stabilisation, voire à une baisse ces dernières années. La chronique médiatique des faits divers et leur amplification par les réseaux sociaux ne correspondent pas nécessairement à la réalité sociale. Ces données vont dans le même sens que l’évolution des valeurs : globalement, la tolérance progresse dans notre pays.
Encore une fois, ces chiffres doivent cependant être maniés avec précaution. D’un côté, comme pour l’insécurité en général, quand une société est plus attentive à un phénomène social, elle fait ressortir des actes qui, hier, étaient passés sous silence. De l’autre, la diminution est lente et les actes racistes sont loin d’avoir disparu. Selon les enquêtes de victimation, on compte tout de même plus de 100 000 cas de violences physiques chaque année. Enfin, comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), une grande partie du phénomène reste non mesurée (ce qu’on appelle « le chiffre noir »). Le rejet peut persister mais s’exprimer de manière moins violente, plus insidieuse. Enfin, la baisse globale des actes racistes est une moyenne qui peut masquer une augmentation vis-à-vis de catégories spécifiques.
Extrait de « Les actes à caractère raciste et xénophobes n’augmentent pas en France », Centre d’observation de la société, 22 juin 2020.
Photo / © Wildpixel
[1] La définition est plus large que le racisme pur. Elle comprend les actes xénophobes et les actes contre une personne en fonction de sa religion.
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