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Les privations matérielles sont stables en France

14 % des ménages déclarent devoir se priver d’un confort qui parait « normal » en France. Malgré la baisse du chômage, cette proportion ne diminue pas.

Publié le 18 septembre 2023

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Revenus Modes de vie Pauvreté Culture et loisirs Consommation

14 % des ménages étaient en situation de privation matérielle et sociale en 2022, selon l’Insee [1]. L’institut interroge la population à partir d’une liste de treize questions telles que « avez-vous des impayés de mensualités d’emprunt, de loyer ou de facture ? » ou « ne pouvez-vous maintenir votre logement à bonne température par manque de moyens financiers ? ». Un ménage est considéré en situation de privation s’il répond « oui » dans cinq cas au moins sur les treize.

L’évolution de l’indicateur est malheureusement difficile à interpréter, notamment parce que l’Insee a changé de méthode entre 2019 et 2020. Ceci dit, au cours des dernières années, le taux de privation est resté relativement stable. Il était de 13,7 % en 2014, il est de 14 % en 2022. Malgré la baisse du chômage depuis 2015, le sentiment de privation évolue peu. Ce phénomène est cohérent avec la stagnation des revenus pour une grande part de la population, entre 2014 et 2018 au moins [2].

Plus que cet indicateur global, les données de l’Insee sont intéressantes quand on observe le détail des treize critères de privation. Ainsi, 30 % de la population estime qu’elle ne pourrait faire face à une dépense imprévue de 1 000 euros, ce qui en dit long sur l’épargne des catégories populaires. Dans ce domaine, les inégalités sont énormes. De même, un quart de la population indique ne pas avoir les moyens de remplacer un meuble hors d’usage ou de partir en vacances une semaine dans l’année. La société de consommation et de loisirs est très loin d’être accessible à tous les milieux sociaux. Une fracture existe entre ceux qui en profitent et ceux, certes minoritaires, mais loin d’être marginaux, qui en demeurent à l’écart. Pour eux, la multiplication des messages appelant à consommer alimente un sentiment de frustration.

Dans l’enquête de l’Insee, 10 % de la population dit se priver d’éléments de base, comme chauffer suffisamment son logement, s’acheter des vêtements neufs ou pouvoir payer son loyer ou ses factures à temps. Ce niveau est finalement assez proche du taux de pauvreté au seuil à 50 % du niveau de vie médian : 8 % de la population en 2020. L’institut statistique indique par ailleurs que 10 % des personnes interrogées se sentent exclues de la société, une part qui s’élève à 27 % parmi les personnes qui sont en situation de privation matérielle et sociale.

Les données de privation, qui reflètent la subjectivité des personnes interrogées, suscitent tout de même quelques interrogations et doivent être utilisées avec précaution. Ainsi, 4 % de la population dit ne pas avoir les moyens de posséder deux paires de chaussures, chiffre supérieur à celui de ceux qui ne peuvent « se payer une voiture personnelle » (3,5 %), ce qui est pour le moins paradoxal. On mesure sans doute plutôt la part de personnes qui pensent ne pas avoir besoin de plus de deux paires. L’Insee a par ailleurs supprimé du questionnaire le fait de posséder un réfrigérateur, une télévision et un téléphone « car leur trop grande fréquence dans la population ne les rendait pas pertinents pour définir un état de privation matérielle ». En soi, l’adaptation au cours du temps de la liste des privations est significative de l’évolution des normes de consommation de la société.

À l’avenir, on peut imaginer que, comme pour la télévision et d’autres objets, l’élévation des niveaux de vie conduira à réduire les privations sur le long terme, par exemple dans le domaine du logement ou des loisirs. Pour cela, il faudrait une reprise durable de la hausse des niveaux de vie. Ce qui implique le retour à une inflation plus modérée. En 2022, la hausse des prix a conduit à une détérioration assez nette : la part des ménages déclarant, par exemple, ne pas pouvoir s’offrir une activité de loisirs payante régulièrement a augmenté de 12,6 % en 2021 à 15,9 %. Il est probable qu’on retrouvera le même phénomène pour 2023 lorsque les données seront publiées. Il faudrait aussi que la hausse moyenne des revenus soit mieux partagée et profite davantage aux catégories les plus modestes.

Les privations en France
Unité : %
Proportion de ménages qui déclarent ne pas pouvoir, pour des raisons financières...
Faire face à une dépense non prévue de 1 000 euros30,4
Remplacer des meubles hors d’usage26,4
Se payer une semaine de vacances dans l’année24,4
Avoir une activité de loisirs payante régulière15,9
Dépenser une petite somme librement13,1
Chauffer suffisamment leur logement10,2
S’acheter des vêtements neufs10,1
Payer à temps les loyers, intérêts, factures9,6
Manger de la viande, du poisson ou un équivalent végétarien tous les deux jours9,4
Se retrouver régulièrement avec des amis ou de la famille autour d’un verre ou d’un repas6,5
Posséder deux paires de chaussures4,1
Se payer une voiture3,5
Avoir accès à Internet à domicile1,5
Lecture : 30,4 % des ménages déclarent ne pas pouvoir faire face à une dépense non prévue de 1 000 euros.
Source : Insee – Données 2022 – © Observatoire des inégalités
Lecture : en 2022, 14 % des ménages est en situation de privation matérielle et sociale.

Source : Insee – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Photo / © Grafix132 - Fotolia


[1« La part des personnes en situation de privation matérielle et sociale augmente en 2022 », Insee Focus n° 304, 20 juillet 2023.

[2Après 2020, les données sur les revenus ne sont pas encore connues.

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Date de première rédaction le 19 juillet 2018.
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