Point de vue

Le handball, les femmes et l’indifférence des élites françaises

L’équipe de France féminine de handball a joué et perdu la finale du mondial dans une relative indifférence. Il faut dire que ce sport rapporte peu, et que des femmes sont en compétition... Le point de vue de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

Publié le 18 décembre 2011

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Modes de vie Femmes et hommes

L’équipe de France féminine de handball a joué, et perdu (32-24), la finale du mondial, qui s’est déroulée dimanche 18 décembre au Brésil. En soi, l’événement n’a pas grand-chose à voir avec l’activité de l’Observatoire des inégalités. Les compétitrices sont sur un pied d’égalité et ces matchs ne vont pas bousculer l’ordre du monde...

Pourtant, une chose est frappante : contrairement au handball, au football ou au rugby masculin, seule la finale a été retransmise par une chaîne gratuite. Le match a été diffusé par France 3, tout le reste de la compétition par « Sport plus », filiale de Canal plus. Personne n’a trouvé à redire à cette indifférence. Très peu sont les téléspectateurs qui ont pu suivre la compétition. Imaginons l’ampleur de la protestation si un seul des matchs de simple qualification pour la coupe du monde de football masculin n’était pas diffusé gratuitement...

Plusieurs raisons expliquent l’absence d’intérêt des médias : l’inégale représentation des disciplines, et la présence de femmes. Il est logique que les chaînes privées généralistes entreprises comme TF1 ou M6 ne diffusent pas ce type de rencontre. Leur objectif est l’audience maximale, afin d’obtenir plus de publicité, qui représente l’essentiel de leurs revenus. Les 300 000 licenciés de la Fédération française de handball et les amateurs de ce sport en général sont beaucoup moins nombreux que ceux de football. On peut comprendre que les médias privés ferment leurs portes aux sports « mineurs ». Il est d’ailleurs arrivé la même mésaventure au basket ou au volley-ball masculins, dont de grands matchs n’ont pas été diffusés.

Au désintérêt pour les disciplines « mineures », s’ajoute celui pour le sport féminin. La présence de femmes à l’écran réduit encore la portée de l’événement. Non sans certains paradoxes : la finale de handball féminin a été achetée 300 000 euros par France 3 à Canal plus, un prix trois fois moins élevé - pour une audience équivalente - qu’un match de football masculin de ligue des champions. Les matchs de l’équipe de France masculine de handball (les « costauds », les « experts »...) sont bien davantage commenté que ceux de l’équipe féminine.

En principe, il revient au service public de diffuser les matchs - au moins pour les sports qui recueillent un minimum de pratiquants - au nom de l’intérêt général. Mais le service public de l’audiovisuel n’a qu’un relatif intérêt pour l’intérêt général. Il est principalement divisé entre une chaîne élitiste qui s’adresse à une audience restreinte (Arte), et deux chaînes qui assurent des obligations minimales, tout en essayant, comme le privé, de maximiser leurs recettes de publicité. France télévision n’a pas jugé bon de diffuser les matchs.

Cette situation en dit long sur l’hypocrisie du service public. On ne cesse de proclamer l’« égalité », la « diversité », la « parité » entre hommes et femmes. Dans les faits, il en est tout autrement. La faible médiatisation d’une compétition mondiale féminine n’aura éveillé l’attention de personne... Elle permet aussi de mieux comprendre le véritable intérêt que porte notre société - ou au moins ses élites - sur certaines pratiques jugées mineures comme sur les activités féminines.

Cet article est une version révisée de l’article mis en ligne le 19 décembre 2009.

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Date de première rédaction le 18 décembre 2011.
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