Analyse

France d’en haut, France d’en bas : les inégalités dans les communes de plus de 20 000 habitants

Un même degré d’inégalité rassemble des communes pauvres et des communes riches. Les communes les plus égalitaires sont surtout les communes les plus homogènes du point de vue des milieux sociaux. Plongée dans les données de l’Insee par Romain Mazon et Valérie Schneider, extrait de La Gazette.fr.

Publié le 6 juillet 2017

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Revenus Niveaux de vie

Qu’est-ce qui peut bien rassembler Mulhouse, Bordeaux et Levallois-Perret ? Un haut niveau d’inégalités de revenus. Pourtant, si on regarde de plus près, les inégalités y prennent des formes bien différentes. Les villes les plus inégalitaires, comme les plus égalitaires, sont en effet loin de se ressembler. Pour le comprendre, nous avons mis en parallèle d’un côté un indice d’inégalités dit « de Gini » et de l’autre le revenu médian (voir notre encadré méthodologique ci-dessous). Le résultat est édifiant.

Notre classement fait apparaître des villes « riches » au sens du revenu médian avec un fort niveau d’inégalité, et, à l’inverse, des villes pauvres tout autant inégalitaires. Ces villes sont composées de populations hétérogènes. De la même façon, on compte des villes égalitaires de niveaux de vie très différents : elles se distinguent par leur homogénéité de niveaux de vie, par le haut comme par le bas.

L’inégalité, fille de la mixité

Contrairement au discours ambiant, la mixité sociale existe toujours en France. C’est elle qui explique les inégalités : les populations riches et pauvres ne vivent pas si éloignées que cela. « Mécaniquement, dans les plus grandes villes, la probabilité d’avoir une population diversifiée est bien plus grande », indique Louis Maurin, directeur d’études au Compas et directeur de l’Observatoire des inégalités. « Pour partie parce qu’au fond, hormis quelques réfractaires, nombre de ces villes importantes ont développé le logement social, quelle que soit leur orientation politique ». Les logements sociaux y sont plus présents et attirent une population modeste qui, finalement, vit à proximité des plus riches. Les prix du logement dans le secteur privé et les politiques locales d’emploi, concourent également à la mixité des populations en termes de revenus.

Nos villes égalitaires en revanche, sont des villes homogènes, ce qui n’est pas nécessairement bon signe. Une partie d’entre elles ont laissé le soin aux communes voisines d’accueillir les plus pauvres, préférant l’entre-soi égalitaire, raisonnement d’autant plus valable que les villes sont aisées. Quant à nos villes égalitaires d’en bas, il s’agit, ce n’est pas une surprise, des territoires les plus en difficulté de notre pays, car elles concentrent une population pauvre ou très pauvre, et les difficultés qui en découlent.

Le « club » des villes inégalitaires

Pour illustrer l’analyse, on distingue ainsi, dans le « club » très particulier des villes inégalitaires, Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine, ville de banlieue parisienne où le niveau de vie médian par personne est très élevé : 30 000 euros par an. La ville est inégalitaire (indice de Gini : 0,35) car elle n’est pas uniforme : ses habitants riches cohabitent avec des pauvres.

Bordeaux (indice de Gini : 0,34) ou Toulouse (indice de Gini : 0,33), villes au niveau de vie moyen (aux alentours de 20 000 euros), font aussi partie de ce club. Il s’agit souvent de villes de taille relativement importante, qui ont à la fois attiré une population aisée, mais aussi intégré une population défavorisée.

Mais une partie des villes inégalitaires comportent, à l’inverse, une population très pauvre. Les inégalités viennent d’en bas. Mulhouse (Gini : 0,34), par exemple, compte près de 32 % de personnes pauvres au seuil à 60 % du revenu médian. Autrefois grand pôle industriel, la ville a souffert de la crise économique. Mais la présence de familles très riches suffit à creuser l’écart en termes de revenus.

Le « club » des villes égalitaires

Il existe aussi un « club » des villes égalitaires. On y trouve des villes riches, souvent de taille moyenne, qui abritent une population assez uniforme, de la classe moyenne à dirigeante. Exemple : Montigny-le-Bretonneux dans les Yvelines (Gini : 0,24), où l’on compte seulement 5 % de pauvres, près de trois fois moins que la moyenne nationale.

L’exemple de Rezé (Gini : 0,23), dans la banlieue de Nantes, illustre bien les villes au niveau de vie moyen. Souvent des villes de banlieue des métropoles dans des régions où l’industrie est relativement peu présente, situées dans l’Ouest de la France, et qui ont été plutôt épargnées par les conséquences de la crise.

Dernière catégorie : les villes pauvres égalitaires. Parmi elles, Grande-Synthe dans le Nord. Sa réalité sociale n’a rien à voir avec celle de Montigny-le-Bretonneux : le niveau de vie médian affiche 15 000 euros par an, deux fois moins ; six fois plus de personnes pauvres y vivent. Pourtant, notre indice d’inégalités y est presque le même (0,22). Dans ces communes, l’égalité se fait par le bas : les populations démunies sont nombreuses, mais surtout on y rencontre très peu de couches sociales favorisées.

Comment avons-nous procédé ?
Nous avons utilisé les données 2013 de l’Insee sur les revenus après impôts et prestations sociales par personne et par commune. Ce classement est fonction du niveau d’inégalités déterminé par l’indice de Gini (plus il est proche de un, plus les inégalités sont fortes, plus il est proche de zéro, plus les inégalités sont faibles) et du niveau de vie médian pour une personne après impôts et prestations sociales. Nous n’avons retenu que les villes de plus de 20 000 habitants pour éviter des comparaisons entre des communes trop différentes. Nous avons exclu volontairement Neuilly-sur-Seine dans les Hauts-de-Seine, première ville de ce classement. La ville concentre une extrême richesse, difficilement comparable aux autres communes.

Article extrait de La Gazette.fr, paru le 23 juin 2017.

Photo / © Giuseppe Porzani – Fotolia

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Date de première rédaction le 6 juillet 2017.
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