Entretien

« Il faut s’attaquer à l’échec scolaire », entretien avec Pierre Merle, sociologue

Quelles sont les conditions de l’égalité à l’école ? Les réponses de Pierre Merle, sociologue, professeur à l’IUFM de Bretagne.

Publié le 28 mars 2004

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Alternatives Economiques : Faut-il abandonner l’objectif des 80 % au bac ?

Pierre Merle* : C’est apparemment le choix du gouvernement. Cet objectif a été nécessaire pour rattraper le retard scolaire de la France. La création du bac pro a été, par ailleurs, un moyen privilégié pour les enfants des catégories populaires de bénéficier de l’allongement de la scolarité. Mais élever la proportion de bacheliers n’est pas une finalité en soi. Il est aujourd’hui plus essentiel de réduire le nombre de jeunes sortant de l’école sans qualification, soit près de 100 000 jeunes, représentant environ 12 % des sortants de l’école chaque année. On pourrait comprendre que l’on mette moins l’accent sur l’objectif des 80 % si une réelle priorité était donnée à la lutte contre cet échec.


Que doit-on faire pour réduire les inégalités sociales face à l’école ?

La politique d’égalisation des chances scolaires se heurte à une ségrégation sociale spatiale croissante : les bons élèves se retrouvent ensemble et se stimulent entre eux. Réduire la ségrégation spatiale, et donc les inégalités économiques qui la fondent, est une première modalité d’action. A l’intérieur des établissements, par le jeu des options, les élèves se retrouvent encore en partie regroupés selon leur niveau. Réduire cette homogénéité scolaire est favorable aux élèves moyens et faibles.

Enfin, certains objectifs sont peu compatibles. L’initiation à une langue vivante à l’école élémentaire telle qu’elle est réalisée actuellement n’est pas, selon les études, forcément très utile aux élèves. De surcroît, cette politique diminue le temps d’apprentissage disponible pour la maîtrise de la lecture et de l’écriture de la langue maternelle. Les élèves en difficulté risquent d’en faire les frais.

Quel rôle jouent les enseignants ?

Les enseignants les plus « efficaces » sont aussi les plus « équitables » : ils élèvent le niveau moyen et font progresser davantage les élèves en difficulté. Il faut donc développer la connaissance des pratiques qui fondent l’efficacité des enseignants et améliorer leur formation. Il faut aussi se méfier de certaines modes, comme la pédagogie différenciée : à trop individualiser, on accroît les inégalités. La baisse d’exigences envers les plus faibles aboutit à une moindre stimulation et favorise un cercle vicieux de marginalisation scolaire.

Propos recueillis par Louis Maurin

* Professeur de sociologie à l’IUFM de Bretagne, auteur notamment de La démocratisation de l’enseignement, coll. Repères, éd. La Découverte (voir page 87).

Cet article est extrait du mensuel Alternatives Economiques, n°208, novembre 2002.

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Date de première rédaction le 28 mars 2004.
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