Analyse

Echec scolaire et inégalités : l’école française, un plutôt bon élève en Europe

Les inégalités sociales d’éducation sont marquées en France, mais notre modèle est loin d’être le plus mauvais. Il présente surtout de mauvais résultats en matière de formation professionnelle. Un article extrait du Centre d’observation de la société.

Publié le 19 novembre 2015

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Éducation Catégories sociales Échec scolaire

L’école française, royaume des inégalités et du décrochage ? L’Observatoire des inégalités a publié les données de l’enquête Pisa de l’OCDE qui montrent l’influence du milieu social sur les résultats scolaires à l’âge de 15 ans et pour le niveau en mathématiques. Dès l’enfance, des écarts existent.
De nouvelles données, plus complètes, montrent qu’au niveau européen, notre modèle d’éducation et de formation est surtout mal classé en matière de formation professionnelle des adultes [1]. Dans le domaine de l’échec et des inégalités scolaires, la France n’est pas en si mauvaise position [2].

La France est l’un des pays qui comptent le plus de diplômés de l’enseignement supérieur au sein des générations récentes : ils représentent 44 % des 30 à 34 ans (données Eurostat pour 2012), contre 36 % en moyenne européenne, 40 % en Espagne, 32 % en Allemagne et même seulement 28 % en Italie. Parmi les pays les plus peuplés, seul le Royaume-Uni fait mieux avec 47 %. Pourtant, l’Hexagone a longtemps été à la traîne dans ce domaine, du fait d’un développement tardif de l’université, dans les années 1980.

Part des 30-34 ans diplômés de l'enseignement supérieur
Unité : %

Italie22
Autriche26
Grèce31
Allemagne32
Union européenne (27 pays)36
Espagne40
Pays-Bas42
Danemark43
France 44
Belgique44
Finlande46
Royaume-Uni47
Suède48
Irlande51

Source : Eurostat - Données 2012 - © Centre d'observation de la société

La France est parmi les pays qui comptent le moins de sortants précoces [3], toujours selon les données d’Eurostat. En 2013, un peu moins de 10 % des 18-24 ans ont quitté l’école prématurément. La France se situe au niveau de l’Allemagne, bien au-dessous de la moyenne de la zone euro (13,1 %), de l’Italie (17 %) ou de l’Espagne (23,6 %). Seuls la Suède, l’Autriche et le Danemark font vraiment mieux, comptant entre 7 et 8 % de sortants précoces.

Jeunes de 18 à 24 ans ayant quitté prématurément l'école
Unité : %

Suède7,1
Autriche7,3
Danemark8,0
Irlande8,4
Pays-Bas9,2
Finlande9,3
France9,7
Allemagne9,9
Grèce10,1
Belgique11,0
Royaume-Uni12,4
Zone euro13,1
Italie17,0
Portugal18,9
Espagne 23,6

Source : Eurostat - Données 2013 - © Centre d'observation de la société

En matière de reproduction sociale, la France n’apparait pas mal située non plus, par rapport aux autres pays européens. Eurostat a réalisé en 2011 une étude sur le niveau de diplôme des enfants en fonction de celui des parents [4]. Si l’on considère les enfants des parents peu diplômés (ayant au mieux le niveau de fin de troisième), 22 % sont eux aussi peu diplômés en France, contre 34 % en moyenne dans l’Union européenne. Parmi les grands pays, seul le Royaume-Uni fait mieux avec 16 %. La reproduction sociale est bien plus forte en Allemagne (36 %), en Espagne ou en Italie (50 %). Inversement, 23 % des enfants de parents peu diplômés ont eu accès à l’enseignement supérieur en France, contre 18 % en moyenne dans l’UE, 16 % en Allemagne et seulement 9 % en Italie. Le Royaume-Uni (32 %) et l’Espagne (27 %) font mieux.

Niveau de diplôme des enfants dont les parents ont au plus le niveau de 3ème
Unité : %
Fin de 3ème
Lycée
Université
Suède 116623
Finlande155233
Royaume-Uni165132
France 225523
Danemark255124
Pays-Bas294823
Autriche305911
Grèce314721
Belgique334324
Union européenne (27 pays)344818
Allemagne364916
Irlande403328
Espagne 502427
Italie50419
Portugal681913
Parents âgés de 25 à 59 ans.
Source : Eurostat - Données 2011 - © Centre d'observation de la société

En revanche, notre retard est important en matière de formation professionnelle, nous disent les enquêtes européennes. La France arrive en queue de peloton, juste après la Grèce, avec seulement 5,7 % des adultes de 25 à 64 ans qui ont suivi un cours ou une formation en 2012, contre 9 % en moyenne en Europe, 6,6 % en Italie, 7,9 % en Allemagne, 10,7 % en Espagne et 15,8 % au Royaume-Uni.

Part des 25-64 ans qui suivent une formation
Unité : %

Grèce2,9
France5,7
Belgique6,6
Italie6,6
Irlande7,1
Allemagne 7,9
Union européenne (27 pays)9,0
Portugal10,6
Espagne 10,7
Autriche14,1
Royaume-Uni15,8
Pays-Bas16,5
Finlande24,5
Suède26,7
Danemark31,6

Source : Eurostat - Données 2012 - © Centre d'observation de la société

On ne peut dresser une comparaison sérieuse des systèmes d’éducation et de formation à partir de la seule enquête dite Pisa de l’OCDE. Celle-ci comporte de nombreux biais : elle ne porte que sur la compréhension de l’écrit, les mathématiques et les sciences, elle est réalisée auprès de jeunes de 15 ans dont en France une partie est au collège et une autre au lycée (du fait des redoublements), les catégories sociales y sont déclarées par les enfants et les jeunes Français ne mettent pas beaucoup d’ardeur dans une enquête qui n’apporte rien en termes de notation.

Une école qui fonctionne par la peur de l’échec

L’école française « n’augmente » pas les inégalités. Pour le comprendre, il suffit d’imaginer le niveau des inégalités sans école publique. Les catégories populaires resteraient quasi illettrées faute d’avoir les moyens de se payer une formation. La plupart des autres systèmes éducatifs - hormis des pays du Nord de l’Europe - ne font pas vraiment mieux en termes de réduction des inégalités et de lutte contre l’échec scolaire. L’argument de la comparaison internationale, le plus utilisé [5]., n’est donc pas toujours le bon.
Cela n’empêche que l’école française peut mieux faire. Les inégalités ont tendance à y augmenter. Notre système repose sur un fonctionnement rigide, qui laisse une grande place à l’apprentissage par cœur et à la compétition entre des élèves poussés par la peur de l’échec. Ce qui distingue surtout notre système, c’est qu’il est parmi les plus anxiogènes [6]. Au fil de leur scolarité, les jeunes français apprennent à vivre avec un système désuet, qui cherche à mettre en évidence leurs erreurs, plutôt que de leur donner confiance. Au bout du chemin, les filières les plus sélectives (les « grandes écoles » de haut niveau) sont réservées à une poignée d’élèves socialement triés.

Cet article est extrait et adapté du Centre d’observation de la société.


[1Voir « Réduire les sorties précoces : un objectif central du programme "éducation et formation 2020 », Florence Lefresne, in « La France dans l’Union européenne 2014 », Insee, 2014, et du même auteur « Diplômés de l’enseignement supérieur : des situations contrastées en Europe », Note d’information n°5, mars 2014, ministère de l’Education.

[2Pour aller plus loin voir aussi « The Education and Training Monitor 2014 », Eurostat, décembre 2014.

[3Sortis avec au mieux le brevet de fin de troisième et qui ne suivent aucune formation.

[4Voir : « Is the likehood of poverty inherited ? », Sigita Grundiza et Christina Lopez Vilaplana, Statistics in focus 27/2013, Eurostat.

[5Cet argument est de plus en plus mis en avant pour dénoncer le coût de l’école française, en réalité inférieur à la moyenne, même au secondaire

[6Lire sur le Centre d’observation de la société : « Ecole : les maths, l’angoisse des élèves français »

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Date de première rédaction le 19 novembre 2015.
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