Point de vue

Protection sociale : pourquoi les plus riches touchent trois fois plus que les plus pauvres

Notre système social coûte cher, mais ses dépenses bénéficient en premier aux plus aisés, qui reçoivent trois fois plus que les plus pauvres. Le point de vue de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Extrait d’Alterecoplus.

Publié le 29 avril 2015

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Revenus

Les 10 % les plus riches ont perçu 56 milliards de revenus redistribués en 2011 (17 % de l’ensemble), alors que 17 milliards (5 % de l’ensemble) sont allés aux 10 % les plus pauvres, selon les calculs du Centre d’observation de la société, réalisés à partir des données de l’Insee. Notre système social coûte cher, mais ses dépenses bénéficient d’abord aux plus aisés, qui reçoivent trois fois plus que les plus pauvres. Certes, cette distribution est plus équitable que celle des revenus. Même après impôts et prestations, les 10 % du haut de la pyramide reçoivent sept fois plus que ceux du bas.

L’explication de cette situation est assez simple. Notre modèle social redistribue un tiers du revenu disponible. D’abord via des prestations sociales (allocations logement, familiales, minima sociaux), pour l’essentiel sous condition de ressources qui bénéficient donc surtout aux pauvres. Elles évitent que des millions de familles se retrouvent à la rue avec leurs enfants. Encore ne faut-il pas exagérer leur poids. Ainsi, les seuls minima sociaux représentent 15 % du revenu disponible des 10 % les plus pauvres, ce qui représente moitié moins que ce qu’ils touchent en salaires.

Mais cette protection comprend aussi des revenus de remplacement, qui sont proportionnels aux revenus qu’ils compensent. C’est le cas des indemnités journalières de maladie ou de maternité, mais surtout des retraites. Au total, les 10 % les plus riches ont perçu 52 milliards de pensions de retraites (21 % du total), contre 4,6 milliards (2 % du total) pour les plus démunis. C’est l’inverse pour les prestations sociales : les 10 % les plus pauvres ont touché 11 milliards, alors que les 10 % les plus riches n’en ont reçu que 1,3 milliard.

A partir du moment où l’on pense qu’il est juste que les retraites soient proportionnelles aux salaires et donc aux cotisations versées [1], il n’est pas injuste que les plus aisés touchent davantage de pensions au final. Cette situation reflète l’inégalité de ces salaires dans la vie active, c’est donc elle que l’on doit juger juste ou pas.

Notre modèle social est de qualité, mais cette qualité a un prix. Près des deux tiers de la différence de dépenses publiques entre la France et le reste de l’Europe vient des retraites [2]. La France ne dépense pas davantage que les autres pays pour les plus pauvres, mais pour maintenir les revenus des plus aisés, en particulier âgés. C’est une bonne chose. Pour l’essentiel ceci est dû au fait que le système de retraite français est public alors que le privé (non comptabilisé comme prélèvement obligatoire dans les autres pays) occupe une place plus grande ailleurs. La plupart de ceux qui dénoncent avec virulence l’excès de dépenses collectives de notre pays ne comprennent pas grand chose de ce dont ils parlent en réalité.

Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Cet article a été publié le 30 janvier 2015 par Alterecoplus.

Photo / © adisa - Fotolia.com


[1Un système de retraite fixe pour tout le monde entraînerait le développement de fonds de retraite privés bien plus importants.

[2« Dépenses publiques : des comparaisons biaisées », Louis Maurin, Alternatives Economiques hors-série n°103, décembre 2014.

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Date de première rédaction le 29 avril 2015.
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