Analyse

Le défi des inégalités

Suivant l’échelon territorial choisi, la représentation des inégalités territoriales de revenu prend des formes différentes. Une illustration cartographie par Magali Reghezza-Zitt, géographe à l’Ecole normale supérieure. Extrait de « La France, une géographie en mouvement », éd. Documentation française.

Publié le 10 décembre 2013

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On désigne par inégalité une disparité entre des individus, des groupes, des territoires ; elle peut être sociale, économique ou environnementale. La plupart des inégalités peuvent se représenter spatialement, comme le montrent les quatre cartes portant sur les revenus des ménages. Pour chaque carte, l’échelon d’analyse varie, fait ressortir une réalité un peu différente et montre que la maille choisie n’est pas toujours pertinente pour appréhender la spatialité des inégalités.

À l’échelle nationale, deux régions ont des revenus médians par ménage très élevés, l’Alsace et l’Île-de-France. Cette dernière représente 30 % du PIB national et le revenu disponible brut par Francilien est de 25 % supérieur à la moyenne nationale. Quatre régions ont à l’inverse des revenus beaucoup plus faibles que la moyenne, deux en métropole, le Nord-Pas-de-Calais et le Languedoc-Roussillon, et deux en outre-mer, la Martinique et La Réunion. Les DROM ont des niveaux de richesse inférieurs de moitié à ceux de la métropole, tout en restant nettement supérieurs à ceux de leur espace proche.

À l’échelle des zones d’emploi, une maille fonctionnelle, l’image est un peu différente de celle donnée par la maille administrative des régions. L’Île-de-France accueille toujours les ménages les plus aisés, mais pas dans sa globalité. Des zones d’emploi d’autres régions font désormais partie du peloton de tête, principalement autour des grandes agglomérations : Tours, Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Nice, Lyon, Dijon ou Nancy. Néanmoins, ces écarts de richesse restent relativement faibles : le niveau de vie médian en Île-de-France est supérieur d’un tiers seulement à celui de la région métropolitaine la plus modeste, le Nord-Pas-de-Calais. Depuis des décennies, la France a connu une diminution constante des écarts de richesse entre régions et entre départements.

C’est à l’échelle communale, voire infracommunale, que les disparités sont importantes et qu’elles se creusent nettement. Les inégalités entre communes au sein d’une agglomération ou entre quartiers d’une même ville sont désormais plus fortes que celles entre régions ou entre départements. La carte de l’Alsace montre des écarts de revenus du simple au double entre les communes les plus pauvres - Strasbourg ou les communes proches des Vosges - et les plus riches, en banlieue de Strasbourg ou près de la frontière suisse.

À l’échelle infraurbaine, les inégalités sont encore plus importantes. Le taux de pauvreté des zones urbaines sensibles (ZUS) est trois fois supérieur à la moyenne nationale. À Strasbourg, les disparités de revenus vont du simple au triple. Les quartiers où vivent les ménages les moins aisés, tels Cronenbourg, Elsau, Hautepierre, sont mal desservis par les transports en commun et sont éloignés du centre-ville et des bassins d’emplois ; ils concentrent des taux de chômage élevés (le double des autres quartiers) et un fort échec scolaire. Les inégalités sont souvent cumulatives. Ainsi, les disparités de revenus ont souvent pour résultat d’accentuer l’inégalité d’accès aux services essentiels ; elles se traduisent généralement par un moindre accès au pouvoir, ce qui place les individus et les groupes concernés dans une situation de domination et soulève un sentiment d’injustice.

Pour réduire les inégalités, les pouvoirs publics ont mis en place un ensemble de politiques publiques assises sur des transferts monétaires (redistribution fiscale, prestations sociales, péréquations, etc.). L’Insee rappelle aussi que les services publics du logement, de l’éducation et de la santé contribuent à la réduction des inégalités. Leur disparition dans les zones rurales en déprise tend aussi à creuser des inégalités fortes à des échelles infradépartementales.

La spatialisation des inégalités influence leur traitement. Le caractère territorialisé des politiques publiques suppose de définir les bons périmètres. Or, les mailles d’action traditionnelles ne correspondent plus forcément à la spatialité des inégalités. Il existe désormais des “territoires de l’exclusion”, aux limites floues. En outre, le traitement à partir des limites administratives a des effets pervers. Ainsi, les communes les plus riches taxent moins leurs habitants, mais perçoivent plus d’impôts alors que les communes pauvres souffrent du manque de rentrées fiscales. Aussi, les pouvoirs publics définissent-ils des périmètres d’action afin de dépasser les territorialités administratives classiques. Deux logiques coexistent : l’une fondée sur l’égalité de traitement, à l’instar de la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbains) de 2000 qui impose à chaque commune 20 % de logements sociaux ; l’autre fondée sur l’équité. Les moyens sont alors concentrés sur des espaces qui subissent les inégalités les plus fortes, à l’instar des ZUS.




Extrait de « La France, une géographie en mouvement », Documentation photographique n° 8096, Ed. La Documentation française, 2013.

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Date de première rédaction le 10 décembre 2013.
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